appareils photo compacts Phototrend

Où sont passés les appareils photo compacts ? Phototrend mène l’enquête

Largement concurrencés par les smartphones, les appareils photo compacts ne font plus recette. À tel point que Nikon et Panasonic ont récemment suspendu le développement des appareils d’entrée de gamme. Le but : se recentrer sur les segments les plus porteurs – à commencer par les hybrides

Les compacts sont-ils appelés à disparaître totalement ? Quel avenir pour les bridges ? Quelles grandes tendances semblent se dessiner pour les mois et les années à venir ? Phototrend fait le point.

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Le marché des appareils photo compacts fait grise mine

Ce n’est une surprise pour personne : d’une manière générale, le marché de la photographie n’est plus aussi florissant qu’il y a 10 ou 15 ans. En 2010, pas moins de 120 millions d’appareils photo ont été fabriqués dans le monde, toutes marques confondues. En 2021, ce chiffre était de seulement… 9 millions

Évolution de la production d’appareils photo (par région) entre 1999 et 2021, selon les chiffres CIPA. Source : Statista.

Toutefois, aucun segment n’a été plus affecté que celui des appareils photo compacts. Également désignés sous le nom de « point-and-shoot » (« pointer et déclencher » en français), ces boîtiers ultra-compacts ont connu leur heure de gloire entre 2000 et 2010, accompagnant l’explosion de la photographie numérique

Ainsi, les trentenaires d’aujourd’hui ont connu 3 époques charnières. La fin de l’argentique, au tournant du nouveau millénaire. Puis la déferlante des appareils compacts, toujours plus nombreux et toujours moins chers. Mais aussi – et surtout ! – la lame de fond des smartphones

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L’évolution de la photographie en trois étapes majeures

Pour prendre la température du marché à un instant T, examinons l’offre d’appareils compacts en 2005. Pour 130 € environ, on retrouve l’Olympus C-370 Zoom, doté d’un capteur de 3 Mpx (!) et d’une optique équivalente 35-105 mm f/3,1-5,2. Les boîtiers de 4 et 5 Mpx incarnent le cœur du marché, étant plus pratiques pour imprimer en A4. Citons le Nikon Coolpix 4600 (4 Mpx, zoom x3, 180 €), ou encore le Minolta Dinimage X50 (5 Mpx, zoom x3, 260 €). Enfin, d’autres modèles plus musclés embarquent un capteur de 7 Mpx, comme le Canon IXUS 700 (vendu 425 € tout de même). 

De nos jours, la situation est tout autre. Cette gamme d’appareils photo a totalement disparu. Minolta (et tous ses brevets) a été racheté par Sony. Dernier événement en date, Nikon et Panasonic cessent tout développement d’appareils compacts. Et les smartphones comptent plusieurs capteurs largement plus définis – ce qui ne présage pas pour autant une meilleure qualité d’image, rappelons-le. 

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La fin des appareils photo compacts de Nikon et Panasonic : le cortège funéraire poursuit sa route

Presque en catimini, Nikon et Panasonic se retirent du marché des appareils compacts. Ceci n’est guère une surprise, la demande ayant cessé de chuter ces dernières années. En clair, des boîtiers comme le Lumix TZ-90 et le Nikon Coolpix W300 restent disponibles… mais uniquement jusqu‘à l’épuisement des stocks. Signe des temps, ce dernier n’est même plus affiché sur le site Internet de Nikon.

Le Panasonic Lumix TZ-95, évolution (subtile) du TZ-90

À ce titre, on notera que ces deux appareils ont été lancés il y a 5 ans, en 2017. Une éternité dans le petit monde de la high-tech. Côté Canon, la situation n’est guère plus brillante. La marque rouge et noire propose toujours les Canon Ixus 185, Ixus 190 et Ixus 285 HS, lancés en 2017. Sans oublier le Powershot 620 HS et son zoom x25, présenté en… 2016 !

Le Canon Ixus 185 : l’un des derniers spécimen d’une espèce en voie de disparition

Chez Sony, les choses ont le mérite d’être simples. La rubrique « compacts » du site français ne comporte même plus les compacts « à gros zoom » comme le Sony DSC-HX99 lancé à la fin de l’été 2018. Enfin, OM-Digital (ex-Olympus) continue de proposer sa gamme d’appareils baroudeurs et étanches « Tough ». Mais leur tarif de 499 € les range davantage dans la catégorie des compacts experts, que nous aborderons un peu plus loin. 

L’Olympus Tough TG-6 demeure une référence pour les randonneurs ou les plongeurs.

Le bridge : l’appareil photo qui ne veut pas mourir

S’il est bien une catégorie dont on ne parle (quasiment) plus, c’est bien celle des bridges. Pourtant, ces derniers font de la résistance. À tel point que les modèles les plus récents datent de 2020

Pour mémoire, les bridges ambitionnaient de faire le pont entre l’univers des compacts et celui des reflex – d’où leur nom. Des compacts, ils conservent l’objectif fixe. Mais aussi un capteur de (très) petite taille

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Alors qu’un reflex APS-C possède un capteur mesurant environ 24 x 16 mm, de nombreux bridges intègrent un capteur « type 1 pouce » ou « type 1/2,3 pouce », mesurant respectivement 13 x 8,8 mm ou 6 x 4,5 mm ! Une différence de taille qui n’est pas sans conséquences au niveau de la qualité d’image.

Des reflex, ils reprennent les fonctions avancées (les fameux modes P/A/S/M), ainsi qu’un zoom souvent très étendu. Ainsi, trois marques se partagent encore aujourd’hui le marché des bridges. On pense ainsi à Nikon. La marque jaune et noire a lancé en janvier 2020 son Nikon Coolpix P950, qui embarque un « méga-zoom » équivalent… 24-2000 mm ! Une portée inégalée du côté des reflex ou des hybrides. 

De même, Panasonic a dévoilé en février 2019 son FZ1000 II, doté d’un zoom x16 équivalent 25-400 mm. Sans oublier Sony, qui propose depuis fin 2017 son RX10 Mark IV, un bridge suréquipé doté d’une optique 24-600 mm, d’une rafale à 24 i/s et d’un AF ultra-rapide. Ticket d’entrée : 1899 € ! Enfin, on passera (hélas) rapidement sur Kodak, dont la gamme Pixpro regroupe des appareils vieillissants – et dont la qualité d’image est plus que discutable. 

Ainsi donc, les fonctionnalités spécifiques aux bridges – comme leur zoom hors norme – leur ont permis de perdurer bien au-delà de 2010,  là où les appareils photo compacts ont décliné depuis longtemps.

Les smartphones, uniques responsables de la mort des appareils photo compacts ?

Si l’on regarde les chiffres de la CIPA, le marché des boîtiers photo atteint son apogée entre 2008 et 2010. Or, c’est pile à ce moment qu’apparaissent un ennemi redoutable : le smartphone. En tête de file, l’iPhone, dont le premier modèle fait son apparition en 2007. 

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Pas peu fier, Steve Jobs présente en grande pompe l’iPhone 2G

Mais si l’iPhone a donné un énorme coup d’accélérateur à la photographie mobile, il n’est pas le 1er photophone pour autant. Lancé en 2000, le Sharp J-SH04 est le premier téléphone mobile équipé d’un capteur photo. En Europe, il faut attendre 2002 pour voir arriver le Nokia 7650 – et son appareil photo de 0,3 Mpx. 

Le Nokia N95, premier téléphone mobile disposant d’un appareil photo à être commercialisé en Europe

Mais la tendance est bel et bien lancée. En 2007, année de lancement de l’iPhone, Nokia conserve d’ailleurs une longueur d’avance avec son N95, équipé d’un capteur photo de 5 Mpx, capable de filmer des vidéos de 640 x 480 pixels à 30 fps…

Au fur et à mesure des itérations, les smartphones deviennent de plus en plus puissants. Et leur appareil photo ne cesse de progresser. Grâce au progrès technique et aux économies d’échelle, les constructeurs livrent des modèles plus abordables… et capables de livrer des images corrects, tant en photo qu’en vidéo. 

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Pourtant, il faut attendre les environs de 2015 pour que la qualité d’image dépasse réellement celle des appareils photo compacts. Un point que vient expliquer la nette hausse de la taille des capteurs. Pourtant, les compacts possèdent un avantage certain : le zoom optique. Encore de nos jours, les smartphones ne possèdent qu’une (ou plusieurs) focales fixes. 

Pour palier l’absence de zoom optique, les constructeurs de smartphones multiplient les objectifs (et recourent aux solutions logicielles). Ici, le Nokia 9 PureView et ses 5 (!) capteurs photo.

Plusieurs modèles ont cependant tenté de faire le pont entre l »appareil photo « classique » et les smartphones. On pense notamment au Panasonic Lumix CM1 ou au Samsung Galaxy S4 Zoom. Ou, plus récemment, au Sony Xperia 1 IV, premier smartphone doté d’un « vrai » télézoom optique.

« Le meilleur appareil photo, c’est celui qu’on a sur soi »

L’engouement massif pour les smartphones – et la chute fatale des appareils compacts – peut être résumée en une phrase célèbre. « Le meilleur appareil photo, c’est celui qu’on a sur soi ». Notre smartphone est toujours dans notre poche, toujours allumé, toujours prêt à déclencher. C’est lui qui immortalise tous nos souvenirs, au quotidien comme en vacances, à la vie comme à la scène. 

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Toujours avec nous, toujours prêt à déclencher, toujours plus polyvalent, le smartphone est devenu en 15 ans notre nouveau doudou

L’appareil photo compact, moins polyvalent, est progressivement laissé de côté : après tout, pourquoi s’encombrer d’un appareil supplémentaire quand le téléphone permet de capturer simplement des photos et de les partager avec ses proches !

Sans parler des progrès de la « photographie computationnelle ». Depuis quelques années, les principaux acteurs (Apple et Google, notamment) ont développé une foule d’algorithmes de traitement d’image.

Pour une seule photo, un très grand nombre d’images sont capturées puis fusionnées par l’appareil, afin de livrer un résultat plus agréable à l’œil. L’appareil photo « classique », disposant d’une moindre puissance de calcul, peut difficilement lutter – sauf si l’utilisateur prend la peine de post-traiter ses clichés sur un ordinateur.  

Enfin, il est certain que l’impact du Covid-19 et de la guerre en Ukraine sur les circuits logistiques mondiaux ont accéléré la fin des gammes où la demande est plus faible, scellant le destin des appareils compact d’entrée et milieu de gamme. 

Compacts experts et compacts à objectif interchangeable : le virage vers le premium

Depuis plusieurs années, la plupart des constructeurs ont opéré un net virage stratégique vers le haut de gamme. Un point qui vient se confirmer avec les hybrides plein format, dont le ticket d’entrée est généralement au-dessus des 1500 €

Canon EOS RP
Le Canon EOS RP, sans doute l’un des hybrides plein format les plus abodrables

Ce virage s’explique assez facilement. Comme on l’a vu, la majorité des consommateurs se contentent largement de la qualité d’image de leur smartphone. Dès lors, seules deux catégories principales continuent d’investir dans un boîtier « classique » : les professionnels de l’image et les amateurs éclairés.

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Cette dernière catégorie est la plus intéressante à étudier. En effet, les prosumers continuent d’utiliser un « vrai » boîtier photo car ils recherchent une meilleure qualité d’image qu’avec leur smartphone. Il s’agit généralement d’une population éduquée, disposant d’un certain bagage technique, capable (et même désireuse) de peaufiner les réglages de prise de vue. Et est a priori plus disposée à dépenser davantage pour capturer des images se rapprochant parfois de celles des professionnels… 

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C’est donc en anticipation de cette tendance que la majorité des constructeurs ont progressivement opéré un virage vers les boîtiers plus premium.

D’un côté, on retrouve les compacts experts, visant à offrir d’excellentes performances au sein d’un boîtier au format « poche ». On pense ainsi à la lignée des Sony RX100, à celle des Fujifilm X100x, aux Ricoh GRou aux Canon Powershot G. Mentionnons aussi les compacts baroudeurs et étanches, catégorie de niche visant à combler les désirs des randonneurs et des plongeurs.

 D’un autre côté, impossible de passer à côté de la déferlante des hybrides, qui sont amenés à remplacer les traditionnels reflex à brève échéance. Point notable : quand les premiers boîtiers de ce type ont fait leur apparition vers 2008, ils étaient désignés sous le terme de… « compacts à objectif interchangeable ». 

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Dès lors, le terme d’hybride désigne un croisement entre la compacité d’un boîtier compact et la polyvalence d’un reflex (puisqu’on peut changer d’objectif). Ce que de nombreux boîtiers à capteur Micro 4/3 sont venus incarner. Depuis, les hybrides sont devenus considérablement plus gros, nous faisant oublier la dimension « compacte ». Mais l’appellation demeure – et est entrée dans le langage courant

Quoi qu’il en soit, il est possible de voir les boîtiers hybrides comme une « évolution » naturelle des boîtiers compacts. Une évolution singulière… Et qui s’accompagne d’une (très) nette montée en gamme, le cœur de l’offre de Canon, Nikon et Sony étant basé sur des boîtiers plein format dépassant la barre des 2000 € ! 

Heureusement, plusieurs acteurs comme Fujifilm, Panasonic ou OM-Digital (ex-Olympus) continuent de proposer des boîtiers au capteur certes plus petit – mais aussi largement plus abordables. De quoi capturer de superbes images sans devoir braquer une banque ou taper dans le PEL du petit dernier. 

Le virage vers la vidéo, nouvelle tendance des boîtiers photo

Au vu des annonces les plus récentes des différents constructeur, cette montée en gamme n’est pas près de s’arrêter. Au-delà du marché des boîtiers full frame mentionnés ci-dessus, on observe l’arrivée de boîtiers Micro 4/3 et APS-C très premium, à l’instar de l’excellent Fujifilm X-H2S

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De l’autre côté du spectre, les boîtiers abordables se font de plus en plus rares. Côté Canon, par exemple, le reflex le plus abordable (Canon EOS 250D, vendu moins de 500 €) date de 2019… et la marque ne semble pas pressée de le renouveler. 

Une autre tendance de plus en plus marquée est le virage vers la vidéo. Ou plutôt, la part grandissante de la vidéo sur le marché des boîtiers photo. Une tendance que Panasonic a su anticiper (ou créer ?) avec le Lumix GH4 et ses successeurs

La nette progression de la vidéo s’explique assez aisément. D’un côté, on retrouve des créateurs de contenu amateurs ou professionnels (les fameux prosumers) cherchant à obtenir une meilleure qualité vidéo qu’avec leur smartphone, notamment en voyage. Ceci explique la multiplication des solutions conçues pour le vlogging

Nikon Z30, Sony ZV-E10, Canon EOS M50 Mark II ou EOS R10… Autant de boîtiers APS-C plus abordables. Et qui, couplés à une poignée et à un micro, livrent des images de bonne qualité, prêtes à être importées sur Instagram ou Youtube.  

Par ailleurs, de plus en plus de photographes misent sur la vidéo pour mettre en valeur leur pratique photo. Grâce aux vidéos sur Instagram ou à une chaîne Youtube, ces photographes peuvent ainsi toucher une audience plus large et gagner en visibilité. Une bonne manière de se démarquer de la concurrence… 

Ceci explique pourquoi la quasi-totalité des hybrides les plus récents disposent de fonctions vidéo de plus en plus avancées. La 4K 60p devient monnaie courante, et les boîtiers les plus haut de gamme n’hésitent pas à taquiner la 6K ou 8K. Les options jusqu’ici réservées aux vidéastes chevronnés se multiplient, comme les modes « flat » (C-Log, S-Log), la vidéo HDR ou la vidéo en RAW en utilisant du 4:2:2 10 bit en interne.

Quel avenir pour les appareils photo compacts ?

En un mot comme en cent, la vidéo est de plus en plus présente chez les photographes… et le marché n’a aucunement l’intention de faire machine arrière. 

Et pour les compacts, objet de départ de cette étude ? Loin de disparaître, ils pourraient trouver une nouvelle jeunesse – grâce à la vidéo, justement. Qu’il soit à objectif fixe (comme le Canon Powershot G7 X Mark III) ou à objectif interchangeable (Nikon Z 30), il devient de plus en plus connecté. Capable de transmettre en direct ses images à un smartphone, il en devient le véritable prolongement

Prêt à capturer des images de qualité et pouvant diffuser un flux en live sur Twitch, Youtube ou Instagram, il peut devenir une nouvelle porte d’entrée pour une nouvelle génération de créateurs de contenu. Qui pourront, le cas échéant, investir dans des boîtiers plus complets, plus avancés, à plus grand capteur… et plus onéreux. La boucle est bouclée.