Autoportrait dans une vitre de la tour Luma © Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Visite / compte-rendu de la 54e édition des Rencontres de la Photographie d’Arles

Deux jours à explorer les ruelles d'Arles lors des dernières Rencontres de la Photographie d'Arles

En août dernier, notre rédacteur Baptiste Thery-Guilbert s’est rendu à Arles pour les Rencontres de la Photographie. Au fil de ses déambulations, il nous emmène à la découverte des différents temps forts de cette 54e édition. Suivez le guide.


Je sors de la gare. La canicule est passée depuis quelques jours : la température est idéale pour profiter de cette 54e édition des Rencontres de la Photographie d’Arles. Du 3 juillet au 24 septembre 2023, jusqu’à 27 expositions sont à découvrir à Arles et sa région, autant de digressions sur le thème annuel : « État de conscience ».

J’enlève mes écouteurs qui ont écourté mon trajet en train et me dirige directement vers la Place de la République. Je ne suis pas venu ici depuis le premier confinement, et pourtant je prends instinctivement les rues, sans carte pour m’aider, pas sûr d’arriver à destination.

Je réalise à nouveau, comme à chaque année que j’ai pu venir ici, l’impossibilité de tout faire, de tout voir, ainsi que l’impossibilité d’écrire ici toutes les choses que j’aurais vues sur mes deux jours à Arles. Chaque lieu et chaque exposition pourraient faire l’objet d’un article à part entière. Il me faudra donc sélectionner, indubitablement – avec tout ce que ça comporte comme difficultés –, pour établir ici un bilan de ma visite.

Søsterskap : photographies contemporaines nordiques

C’est assez naturellement, puisque j’arrive sur la Place de la République, que je commence mon parcours par l’Église Saint-Anne et ma première exposition du festival : « Søsterskap ». Qu’est-ce qui se cache derrière ce mot ? Une petite rétrospective sur la photographie contemporaine nordique qui rassemble pas moins de 17 artistes ; autant de regards aux approches bel et bien distinctes.

Mêlant photographie documentaire et des démarches plus conceptuelles, cette exposition met en avant ce qu’on appelle le « modèle nordique », un modèle de société considéré vertueux à bien des égards, et ici détricoté avec subtilité.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Au prisme d’un regard résolument féministe, « Søsterskap » nous donne à voir ce système sociétal dans toute sa globalité et sa complexité, en montrant à la fois ses bienfaits en termes d’égalité et de réflexion sur les discriminations, et sa dimension parfois excluante – ou, plus subtilement, ce que le progrès économique peut amener comme problèmes concernant la crise écologique actuelle.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

« Assemblages » : Saul Leiter en grand

Juste en face de l’Église Sainte-Anne, l’entrée du Palais de l’Archevêché m’appelle. On trouve en haut du bel escalier en marbre une exposition entièrement consacrée à Saul Leiter, décidément bien mis en lumière depuis quelque temps. « Assemblages » nous permet de découvrir une sélection de photographies – mais aussi de dessins et de peintures – en majeure partie inédites ; une sélection qui confirme l’importance de l’artiste dans l’histoire du médium.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Les images de Saul Leiter sont comme des révélateurs – à l’instar de ceux qu’on utilise pour le développement des pellicules argentiques – qui illuminent certains détails d’une scène. Un rayon de lumière qui traverse une photographie dans un geste parfait, un éclat de couleur qui recentre le regard… la « modernité » à l’américaine est saisie sous toutes les facettes avec, en prime abord, son incarnation : New York.

Cryptoportiques en sous-sol

L’exposition « Cryptoportiques » de Juliette Agnel inaugure un nouveau lieu : en sous-sol de l’Hôtel de Ville, une sorte de crypte qu’on atteint en descendant une série d’étroits escaliers. Dans l’obscurité se distinguent des panneaux illuminés qui entrent en résonnance entre eux, traçant par la même occasion des lignes au sol.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Parce qu’elles sont quasiment les seules sources de lumière, les photographies mises en avant nous forcent à suivre de près l’installation – s’en éloigner nous plonge dans le noir où l’on peine à se repérer, au risque de se perdre ou de se cogner contre une voûte trop basse.

Pas étonnant quand on découvre sur les panneaux des photographies de grottes préhistoriques, aux parois recouvertes de peintures datant d’il y a presque 30 000 ans ; autant de traces qui composent aujourd’hui une forme d’archive de l’histoire de l’humanité, que Juliette Agnel immortalise avec son appareil.

Casa Susanna à l’Espace Van Gogh

De la Place de la République, je descends sa rue éponyme puis tourne rue du Président Wilson pour me retrouve devant l’entrée de l’Espace Van Gogh, en travaux. Les boutiques de souvenirs sont toujours là, ainsi que son jardin fleuri emblématique – qui a servi pour le pas moins emblématique tableau Jardin de la maison de santé.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Trois expositions sont présentées ici, au rez-de-chaussée et à l’étage de l’Espace Van Gogh. Je passe rapidement sur la première, consacrée au travail photographique du réalisateur Wim Wenders, pour débarquer dans la grande salle où sont présentés les photographies et documents de la Casa Susanna.

Des petits tirages d’époque et Polaroids avoisinent de grands tirages qui recouvrent les murs, l’occasion de découvrir ou redécouvrir les photographes à leur juste valeur. Pour mémoire, Casa Susanna constitue pour beaucoup le premier réseau transgenre des États-Unis, découvert sur un marché aux puces à travers une immense série d’images et de magazines datant des années 1950 et 1960.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

En plus de nous permettre de voir les images dans leur cru, l’exposition présente sous verre les magazines qu’on pouvait seulement apercevoir par fragment dans la publication des éditions Textuel.

Les « Scrapbooks » de tournages de cinéma

À l’étage, l’exposition « Scrapbooks » nous fait entrer dans l’imaginaire des cinéastes à travers une collection impressionnante de carnets, collages et photographies de repérages – autant de préparatifs pour des tournages – de réalisateurs et artistes aujourd’hui mythiques. Des noms connus (Stanley Kubrick, Agnès Vadra) côtoient d’autres plus confidentiels ou expérimentaux, dont les travaux se distinguent par leur rigueur et leur qualité.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

C’est ainsi qu’on peut découvrir des photographies, dessins et collages de Derek Jarman, Chris Marker, Bertrand Mandico, Jim Jarmusch ou encore de l’écrivain halluciné William Burroughs. Sous l’égide de Matthieu Orléan, commissaire d’exposition à la Cinémathèque, « Scrapbooks » nous fait découvrir l’intimité créative et créatrice de personnalités, révélant par la même occasion les différents processus normalement tenus « secrets » de l’élaboration de films.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

(Une pause)

Après ces expositions denses et de qualité, je fais une petite pause pour recharger les batteries et pouvoir bien profiter des suivantes qui, je l’espère, seront aussi riches, plaisantes et instructives.

Pause café © Baptiste Thery-Guilbert, 2023

À Arles, les pauses sont aussi l’occasion de faire de petits bilans des œuvres découvertes et de prévoir le parcours du reste de la journée, qui se doit d’être optimal pour ne pas avoir à retourner sur ses pas ou opérer des détours au dernier moment ; car, au festival, le temps et l’énergie dépensée dans la marche à pied sont précieux (voire capitaux) pour son bon déroulement.

Un détour par le Musée Réattu

Le détour, justement, sera effectué ce jour-là pour le Musée Réattu – situé non loin du quai, un peu isolé du reste des lieux d’exposition – et son exposition singulière intitulée « Portraits ». Sous l’égide des collectionneurs Florence et Damien Bachelot, plus d’une centaine d’œuvres ont été sélectionnées pour être exposées au côté de peintures, dessins et sculptures du musée.

On passe facilement des classiques devenus emblématiques de Robert Doisneau, Nan Goldin ou Dorothea Lange, à des œuvres d’artistes plus contemporains comme Susan Meiselas, Pierre Molinier, ou encore Thomas Boivin. Les tirages de la collection Bachelot avoisinent les sculptures modernes de Germaine Richier ou certains tableaux de Pablo Picasso.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Photographes humanistes, portraitistes de stars… les visages deviennent à travers toutes les images exposées un moyen d’apercevoir les conditions de vie des personnes photographiées ou l’émotion particulière d’un moment. L’intimité d’une relation à deux : celle du portraitiste (qu’il soit peintre ou photographe) et de son modèle.

« Lumières des saintes » : pèlerinage et photographie

Direction maintenant la Chapelle du Museon Arlaten pour un pèlerinage photographique. « Lumières des saintes » retrace l’histoire de ces rendez-vous annuels aux Saintes-Maries-de-la-Mer où Gitans, Manouches, Roms et Voyageurs se retrouvent pour célébrer sainte Sara. Dès le 19e siècle, pour commencer, où la photographie sert alors d’outil ethnographique, considérant ces communautés comme « fascinantes », ou terrains d’étude ; les images produites ne peuvent être qu’archétypales.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

C’est avec les avant-gardes dans les années 1930 que les représentations changent : pour la plupart exilés politiques, ils voient dans ce pèlerinage et les personnes qui le font un geste de liberté – voire d’insoumission – dans un contexte plus que défavorable… ce qui n’ira pas en s’arrangeant sous l’occupation.

Plus tard, la photographie de pèlerinage change à nouveau par sa portée médiatique, contrecarrée malgré tout par les humanistes d’après-guerre dont les reportages renouvellent la manière de représenter ces communautés et leurs déplacements.

Grandis !

Je finis ma journée par un programme d’exposition singulier à la Fondation Manuel Rivera-Ortiz : « Grow up », comme une injonction… une double injonction, comprend-on au fil des nombreuses salles investies par de nombreux artistes.

Adressée à nous – on pourrait presque entendre « grandis, un peu » – autant qu’aux plantes, la véritable thématique qui traverse toutes les séries présentées.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Installations, petits et grands tirages donnent à voir une grande diversité dans le choix des personnes rassemblées, ainsi que des manières d’approcher ce sujet. C’est ainsi qu’on peut trouver un documentaire saisissant sur les conditions de production de cocaïne et leur effet sur un territoire (avec The Lost War on Cocaine) à côté de photographies quasiment naturalistes… ou encore de cyanotypes (du collectif fiVe), et d’autres travaux originaux tant sur l’aspect formel que matériel.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023
© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Deuxième jour : on navigue au Jardin d’été

Je commence ce deuxième jour par le Jardin d’été ; la veille, j’avais passé une grande partie de la journée enfermé dans des églises, cloîtres, cryptes et autres installations plus ou modernes à la lumière tamisée. Autant commencer cette journée par une exposition extérieure !

Sur de grands panneaux se déclinent une galerie de portraits au format carré, ce que je comprends être le fruit de rencontres entre artiste et modèles. Qui sont tous ces gens et qu’est-ce qui les relie ?

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Yohanne Lamoulère a remonté le Rhône sur 812 kilomètres, à contre-courant (dans tous les sens du terme), et a délivré un véritable document sur ce territoire qui représente près de 17 % du territoire métropolitain. Une navigation, oui, mais pas n’importe laquelle, puisque la photographe s’est déplacée en péniche tout le long de son périple. Une embarcation qui l’a immergée au sein même de ce fleuve qui incarne de nombreux enjeux.

Ce fleuve très pollué dont l’écosystème apparaît de plus en plus fragile a été pour Yohanne Lamoulère un lieu de vie, l’endroit de sa résidence artistique. De la Méditerranée jusqu’au glacier du Rhône, elle a ramené une série de photographies d’une certaine qualité que les grands tirages du Jardin d’été permettent de découvrir de la meilleure manière possible.

Dehors, les visages et paysages alternent et s’équilibrent parfaitement pour nous montrer toute la diversité de cet immense territoire ; une diversité qui se ressent particulièrement par les figures presque symboliques qui composent sa galerie de portraits.

En croisière : les portraits marseillais

De la péniche, je vais à la Croisière. Ouvert depuis maintenant quelques années, la Croisière se découpe en plusieurs espaces répartis au rez-de-chaussée et à l’étage, entre ce qu’on devine être d’anciens appartements particuliers ou installations plus modernes. Mon parcours commence par « Ne m’oublie pas », une collection pour le moins surprenante.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Sur tous les murs s’étale une série de portraits agglutinés – parfois étonnamment agrandis sur des panneaux lumineux. Photographies d’anonymes passants, sans nom et sans date… On m’explique : toute cette collection vient d’un studio photo implanté depuis deux générations au cœur du quartier Belsunce à Marseille, un studio qui a fermé plutôt récemment, en 2018.

Les photographies dites « d’identité » – paradoxe frappant quand on sait qu’elles n’en ont pas – se démultiplient à l’infini, traces mémorielles de toutes les personnes passées par ce studio photo coincé entre la gare et le Vieux-Port. Devant nos yeux se déploie une histoire, composée de preuves, d’images malgré tout qui sont restées et qui resteront. Et je me demande, à mesure que j’examine chaque planche, chaque portrait : est-ce que je pourrais reconnaître quelqu’un, parmi eux ?


(Je pense soudain : puisqu’il a fermé en 2018, sûrement que j’ai dû passer devant ce studio, à de nombreuses reprises pendant mon adolescence, sans le savoir, quand je traversais le cours Belsunce pour me diriger vers le Vieux-Port et son esplanade inaugurée récemment ; c’est l’occasion de chercher dans mes vieux dossiers et de déterrer une photographie de cette période.)

pellicule “Marseille I”, photographie numéro 27/36 (sous l’ombrière), Marseille, 2014-2015 © Baptiste Thery-Guilbert

Les visions énigmatiques de Dolorès Marat

C’est avec une certaine émotion que je quitte cette exposition pour traverser la librairie et rejoindre, par un minuscule couloir, Dolorès Marat et ses images chromatiquement déréglées. Je découvre toutes ces photographies vues dans le Photo Poche qui lui est consacré, paru récemment, dans de beaux tirages artisanaux qui rendent parfaitement honneur à ses images pour le moins énigmatiques.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Une véritable plongée dans son univers étrange composé de représentations mystérieuses, comme sorties d’un rêve – bon, mauvais ? Ce sentiment est renforcé par l’installation et l’endroit dans lequel l’exposition s’inscrit : cet ancien appartement, maintenant vide aux couloirs étroits et aux petites pièces, me donne le sentiment d’être au cœur d’une certaine intimité.

C’est comme si les photographies de Dolorès Marat qui recouvrent les murs étaient l’incarnation de songes ; peut-être ceux dans lesquels les anciens habitants étaient plongés, au sein de leurs chambres qu’on traverse maintenant au sein de cette exposition.

Les Traces singulières de Roberto Huarcaya

Je finis cette visite de Croisière par l’exposition singulière de Roberto Huarcaya, une grande installation qui occupe toute une salle. Confronté à l’impossibilité – selon lui – de représenter la totalité des expériences sensorielles et esthétiques qui lui ont provoqué son séjour dans une réserve naturelle d’Amazonie, il utilise d’autres moyens de saisir avec justesse la nature qui l’entoure.

Rouleau + Jambes © Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Roberto Huarcaya se situe alors à la frontière entre photographie et art plastique. Le procédé est le suivant : avec la participation de la communauté locale, il entoure des arbres et des arbustes par du papier photo (un rouleau de trente mètres !) qu’il traite ensuite avec l’eau de la rivière, et son lot de sables et impuretés.

Tentative d’un panorama à l’iPhone d’un rouleau, « Traces » de Roberto Huarcaya © Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Son intervention n’est que technique, finalement, et c’est de cette manière qu’il rend la forêt (et plus globalement la nature) créatrice seule de l’image. L’artiste n’est plus l’instigateur, mais une sorte de médiateur entre lumière, environnement, et surface sensible.

Parodie et féminisme de Nicole Gravier à l’ENSP

Je quitte la Croisière pour marcher un peu (à l’ombre de préférence) et rejoindre l’École Nationale Supérieure de la Photographie. Je n’avais encore jamais vu le nouveau bâtiment qui accueille désormais l’école, tout de verre vêtu.

L’exposition « Mythes et clichés » présente Nicole Gravier qui emprunte tous les codes du pastiche pour détourner les nouvelles images de masse, et ce dès le début des années 1970.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

L’esthétique des magazines dits « féminins » et de la télévision l’amènent à des parodies tout à fait pertinentes sur la manière dont ces représentations globales véhiculent des clichés, des stéréotypes, voire certaines idéologies.

L’expo oscille entre fiction autobiographique, collages et installations, pour retourner toutes ces mythologies chères à Roland Barthes en sa faveur, et parler ainsi du monde de l’art et de la condition de la femme.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

La tour LUMA : d’Agnès Varda à Diane Arbus

C’est le plus gros morceau du festival auquel je dois m’attaquer maintenant : la tour de la fondation Luma, et les hangars du Parc des Ateliers. Tout comme l’ENSP, je n’étais pas rentré dans la tour depuis son inauguration en 2021.

Je découvre, en même temps que les deux expositions qu’elle accueille en son sein, son architecture en miroir et béton couleur sable ; l’occasion de quelques photographies d’un genre que je ne pratique jamais.

Varda partout © Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Je passe rapidement sur l’exposition consacrée à Agnès Varda, constituée exclusivement d’archives. C’est lorsque je traverse cette exposition que je commence à réaliser : cette édition des Rencontres me semble moins photographique que les précédentes, avec cette impression parfois d’être plutôt dans des galeries ou des musées d’art contemporain. Je ne sais pas encore quoi en penser ; sans doute qu’à la fin du festival je me forgerai un avis plus construit.

Il faut dire que cette impression disparaît assez rapidement quand je rejoins l’incroyable « Constellations » de Diane Arbus. À deux reprises, on me demande de ne surtout pas filmer ou prendre de photo dans cet espace. Des casiers à code sont mis à disposition, et nous sommes tous fortement encouragés à y ranger sacs et appareils photo.

Je me retrouve ainsi à devoir évoquer ici une exposition sans support autre que celui de ma mémoire, avec comme seul outil mes phrases descriptives qui, je l’espère, pourront faire comprendre à nombre d’entre vous qui n’ont pas vu l’exposition de quoi il était question dans cette salle si particulière. Il est question d’un ensemble, un grand ensemble.

450 tirages sont ici réunis, implantés dans une installation plus qu’immersive. Une constellation de photographies, effectivement, accrochées de partout sur des barreaux noirs avec, en plus, un immense mur-miroir au fond de la salle, qui la double par son reflet.

Aux quatre coins de cette immense salle sont installés des employés pour bien vérifier que personne ne prend de photos ou de vidéos, provoquant ainsi un sentiment très particulier : l’impression de passer un moment unique, temporaire, qu’on peut vivre seulement réellement et qui ne laissera aucune trace derrière – en dehors de celle prise discrètement avec mon iPhone caché dans une poche, photographie que, malheureusement, je me dois de garder pour moi.

(De retour à Marseille, un ami me dira : j’ai trouvé les jumelles ! Fruit d’une longue recherche, il aura finalement trouvé la photographie mythique de Diane Arbus, quelque part au milieu de ces 450 tirages.)

Gregory Crewdson fait son cinéma

Du Parc des Ateliers, je ne retiendrai que la rétrospective consacrée au travail de Gregory Crewdson. Conçues comme des scènes de cinéma, tant d’un point de vue esthétique dans l’esprit de mise en scène, ses photographies présentent un monde presque crépusculaire, le portrait d’une vision critique de l’Amérique.

Un couple © Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Rues désertes, visions spectaculaires sinon fantastiques… les images de Gregory Crewdson se contemplent, lentement, pour pouvoir décrypter tous les détails qui en font des œuvres à part entière. Car, il fait nul doute, Gregory Crewdson est à part dans l’histoire de la photographie.

Au Monoprix

Je ne dois pas rater mon train pour rentrer. Sur le chemin retour, je passe par le Monoprix. Au fond d’un rayon où les Arlésiens font leurs courses, un agent de sécurité nous fait monter les escaliers jusqu’à l’étage qui sert d’espace pour le festival.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

C’est ici, au milieu de deux expositions très peu photographiques, qu’on pourra découvrir les Prix du livre 2023 avec, présentés sur quelques tables, tous les ouvrages sélectionnés cette année. Comme à chaque édition, trois prix sont décernés : le prix du Livre d’auteur, le prix du Livre historique et le prix du Livre photo-texte.

Fin de festival : un retour

Et c’est ainsi que se clôt mon séjour à Arles, par la gare qui m’a vu arriver. Je profite des quelques minutes d’attente pour une dernière photo ou deux avec, en prime, la tour Luma quittée une heure ou deux plus tôt et qu’on distingue, érigée le long des rails.

Gare d’Arles + tour Luma au loin © Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Je quitte le festival avec un sentiment légèrement mitigé, l’impression d’avoir vu, finalement, assez peu de photographie. Sans doute que mes trois éditions ratées ne m’ont pas permis de voir l’évolution qui a mené à cette ouverture des Rencontres à d’autres médiums artistiques.

Malgré tout, je mesure mon bilan en gardant en tête l’exposition de grande ampleur consacrée à Diane Arbus, celles dédiées aux emblématiques Saul Leiter, Dolorès Marat et Gregory Crewdson, ainsi qu’aux archives des studios photographiques marseillais.

© Baptiste Thery-Guilbert, 2023

Sans doute aussi que, par ce choix d’ouvrir à d’autres approches artistiques, le festival réaffirme la nécessité de la photographie – et de ses espaces d’exposition – à s’ouvrir aux autres pratiques artistiques apparentées pour pouvoir assurer sa survie, dans un monde où l’image se transforme de tous les côtés ; par l’intelligence artificielle en premier lieu. L’année prochaine, peut-être, une exposition générée exclusivement par une IA ?

Informations pratiques :
Rencontres d’Arles 2023
Ville d’Arles
Du 3 juillet au 24 septembre 2023