© Alain Keler/MYOP

MYOP à Arles 2023 : 22 photojournalistes pour montrer l’engagement et les luttes

Pour la saison estivale, l’agence MYOP investit un ancien hôtel aux Rencontres d’Arles avec des expositions collectives et individuelles qui réunissent 22 photographes autour d’un thème commun : l’engagement au service de causes politiques et sociales. Les photographes sont allés à la rencontre de personnalités qui incarnent une lutte, citoyens « ordinaires », militants et anonymes qui subissent les injustices et appellent au changement avec courage.

Tour d’horizon de cette grande exposition qui sera l’occasion de nombreux évènements lors de la semaine d’ouverture des Rencontres de la photographie d’Arles du 3 au 8 juillet 2023.

Artem, 26 ans, a été arrêté le 1er mai 2022 par les forces d’occupation russes, et torturé dans une geôle durant des jours pour avoir été soupçonné de collaborer avec l’armée ukrainienne. Aujourd’hui, c’est encore la peur au ventre et le regard inquiet qu’Artem raconte son histoire, pour dénoncer ce que lui et des centaines d’autres hommes et femmes ukrainiens ont vécu durant ces huit mois d’occupation. Kherson, Ukraine, 28 novembre 2022. © Chloé Sharrock/MYOP

Une exposition collective : « Ils n’étaient que quelques-uns »…

« Ils n’étaient que quelques-uns » : voilà la grande exposition collective de l’agence qui ouvre le bal. Des portraits, des visages qui nous regardent franchement ou parfois de côté, celles et ceux en première ligne pour lutter contre l’oppression. Un combat pour leur droit – et parfois les nôtres – auquel les photographies rassemblées rendent honneur.

Afghanistan, 1998. Le commandant Massoud au-dessus de la ville de Taloqan. Après avoir repris la ville dans la vallée en contrebas, Massoud s’octroie un peu de repos en attendant l’hélicoptère qui le conduira sur d’autres fronts. – © Pascal Maitre/MYOP

Car ce sont les individus qui, par solidarité et esprit de corps, savent s’organiser et mobiliser… pour enfin se soulever. Le corpus de portraits montre bien la force du collectif, tous ces visages côte à côte qui incarnent les grandes problématiques contemporaines. Dérèglement climatique, droits des femmes et minorités, précarité et oppression systémiques : pas de hiérarchisation quand il est question de combat militant et politique.

… et des expositions individuelles

Bien sûr, il serait long d’écrire exhaustivement sur chacune des huit expositions individuelles présentées dans l’ancien hôtel Le Printemps. Évoquons néanmoins le travail d’Agnès Dherbeys sur le féminisme en Corée du Sud, reportage sur l’essor de la lutte pour le droit des femmes dans le sillage du mouvement #Metoo. De plus en plus en vogue en Occident et à la pointe d’un point de vue technologique et économique, la Corée se place uniquement à la 102e place (sur 156 pays) en termes d’égalité de genres, et le patriarcat semble régner malgré l’essor du pays depuis la fin de la guerre. Un bon exemple qui montre combien le progrès économique ne s’accompagne pas nécessairement de progrès social.

Manifestations pour le droit à l’information, contre les violences policières, pour la liberté de manifester et contre la surveillance de masse – un groupe de manifestant.e.s préparent des pancartes. France, 5 décembre 2020.
© Stéphane Lagoutte/MYOP

Le reportage de Chloé Sharrock intitulé « Je n’ai pas pleuré depuis dix ans » se situe en Irak, au plus près des personnes pour qui le régime autoritaire de Saddam Hussein a été violent et destructeur. Plus qu’un simple document d’une période troublée, la photographe nous montre à travers ses images le changement qui s’est opéré dans le pays au fil des années, au profit d’une éthique de la violence. À côté, la série de Julien Daniel explore les tourments d’une jeunesse résolument engagée ; des jeunes entre 18 et 28 ans qui ont pu partager avec lui leurs convictions, leurs rêves et leur désir de changement politique. Loin des stéréotypes véhiculés sur une génération Z soi-disant résignée.

« Zones à risque » : Ed Alcock s’est rendu dans ces territoires situés à moins de cinq kilomètres d’une centrale nucléaire. Qu’en est-il de ces vies où une poignée de militants, d’agriculteurs et de propriétaires se battent contre le développement géographique des sites atomiques ? Pour répondre à cette question, Ed Alcock est allé photographier toutes ces personnes dans leur quotidien.

Tant qu’il est question de territoire et de lutte, on peut également évoquer le travail d’Adrienne Surprenant sur les terres du Kenya expropriées par les colons britanniques, passées aux mains de compagnies privées après l’indépendance, qui continuent à exploiter les plantations en toute impunité. Son reportage se consacre notamment sur ces presque 120 000 Kipsigis qui ont entamé des procédures judiciaires pour que les terres leur soient restituées.

Manifestation devant le Parlement après des tentatives d’intimidation (arrestations et perquisitions) des lieux phares du monde de la nuit par les forces de l’ordre géorgiennes, qui voient d’un mauvais œil l’avancée des droits LGBTI+.
Tbilisi, Géorgie, mai 2018. © Julien Pebrel/MYOP

Dans les photographies de Zen Lefort, le vide prend toute la place. Paysages ou intérieurs de maisons, le vide au milieu du cadre est le signe d’une absence, ou plutôt d’une disparition. En effet, « Partout et nulle part » porte sur les féminicides qui ne cessent de ponctuer la presse régionale et nationale, tous ces silences pesants montrés grâce à l’image et qui soulignent toutes ces existences écourtées par la violence et la domination masculine.

Avec « Calais des oiseaux », Jean Larive met en parallèle la figure de l’oiseau et les parcours singuliers des habitants de la Jungle de Calais, entre 2015 et 2016. Selon lui, l’oiseau fonctionne comme une clé de lecture symbolique de l’exil et des exilés – on se demande néanmoins si la fuite vitale de celles et ceux qui ont habité le bidonville de Calais peut se comparer aux voyages migratoires des oiseaux. Il n’empêche que Jean Larive a le mérite de montrer les quotidiens et les conditions difficiles qui ont régné dans le camp, et ce sans misérabilisme.

Manifestation d’exilés éthiopiens en faveur du Front de Libération du peuple du Tigré.
Bidonville de la Jungle de Calais, France, mai 2016. © Jean Larive/MYOP

« Ils furent foule soudain », pour conclure

Le parcours commence donc par un constat, « Ils n’étaient que quelques-uns », pour finir sur un geste d’espoir, sur ce qu’il peut advenir après avec une autre exposition collective intitulée « Ils furent foule soudain »… et c’est ainsi qu’est clôturé le poème d’Éluard. « Ils n’étaient que quelques-uns / Ils furent foule soudain », ou pour paraphraser deux titres du philosophe Didi-Huberman : désirer désobéir, pour ensuite imaginer recommencer. Ici, Amnesty International et l’agence MYOP se rencontrent pour dire ensemble la force des manifestations et ce qu’elles peuvent parfois permettre.

Manifestation étudiante place Tiananmen pour demander plus d’ouverture, de droits et de libertés. Ce mouvement de protestation en faveur de la démocratie a été réprimé dans le sang par les autorités chinoises. Pékin, Chine, le 28 mai 1989. © Alain Keler/MYOP

Il fait nul doute, la manifestation est le lieu et le moment où la revendication individuelle se transforme en revendication collective, où l’efficacité politique commence vraiment à prendre son sens. C’est pourquoi elle est souvent réprimée, voire interdite selon les régimes dans lesquels elle exerce son droit ; car c’est de ça dont il est question pour Amnesty International, du droit de manifester à défendre envers et contre tout. Les photographies exposées sont unanimes, pour ainsi dire : manifester se transmet de génération en génération et dépasse les frontières. Elle a toujours été (et sera toujours ?) un moyen de résister, de dénoncer et de dire ce qui ne va pas, d’une voix puissante car peuplée et unie.

Alors que les droits et la liberté sont de plus en plus remis en cause dans nombre de nos sociétés, cette grande exposition souligne l’importance de la lutte contre toutes les formes d’oppression. Sans doute que la présence de MYOP à Arles nous rappelle également à quel point la profession de photojournaliste, de plus en plus mise à mal, est essentielle pour témoigner des tourments contemporains de nos sociétés. Photographier, documenter et montrer, avec comme espoir de pouvoir peut-être changer les choses.

Une semaine d’ouverture à la hauteur de cette grande exposition

Projections, soirées et conférences… la semaine du lundi 3 juillet au samedi 8 juillet est riche en rencontres !

Les expositions ouvriront lundi 3 juillet à 10 heures. Mardi 4, une rencontre est organisée à 17h avec l’agence VU sur l’histoire des agences photo suivie d’un apéro pétanque à 19 heures.

Mercredi 5 juillet, Raymond Depardon évoquera également l’histoire des agences photo lors d’une rencontre à 10 heures. Une projection du film « Radioscopie de la France » de Mehdi Ahoudig suivie d’une rencontre avec Héloïse Conésa et Emmanuelle Hascoët est prévue à 17h, pour finir sur une soirée de vernissage avec DJ set et foodtruck à 20h.

Le jeudi, vous pourrez participer à un petit-déjeuner/rencontre autre du festival Agir Pour le Vivant avec Anne-Sylvie Bameule à 10h. Une conférence intitulée « Les archives des photographes » sera donnée par l’ADAGP (Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques) à 17h, suivie d’un apéro des Filles de la Photo à 18h30 et d’une autre soirée DJ set avec foodtruck à 22h.

Vendredi 7 juillet, une dernière rencontre est organisée autour de la thématique « histoire des agences photos » par l’agence MYOP, suivie par une projection/rencontre avec Amnesty International autour du film « Au nom du maintien de l’ordre » de Paul Moreira. En fin d’après-midi, vous pourrez assister à la conférence « Manifester, un puissant levier d’action » avec à nouveau Amnesty International. La journée se terminera par une soirée avec fanfare et foodtruck à 22h.

Le samedi sera l’occasion d’une lecture de portfolio dans la longue tradition des Rencontres d’Arles, par Sony et MYOP (sur inscription à l’espace Sony), à 10h. Une rencontre est prévue à 11h30 autour du livre « Ukraine – Fragments », présenté en exclusivité à Arles pendant tout l’été et prévu pour sortie nationale le 8 septembre 2023. Vous pourrez finir cette semaine par une visite guidée des expositions à 17h.

Dans l’espace Le Printemps, des éditeurs de livres photo seront présents, ainsi que les équipes de Sony France pour découvrir les dernières nouveautés matos.

Informations pratiques :
MYOP in Arles 2023

du 3 juillet au 27 août 2023
Le Printemps
2, Avenue La Fayette, 13200 Arles
ouvert tous les jours de 10h à 19h30
Tarif : 6 euros
Gratuit pour les détenteurs du Pass Rencontres d’Arles, les moins de 18 ans, les étudiants, demandeurs d’emploi, bénéficiaires des minima sociaux et les personnes en situation de handicap.