Dolorès Marat chez Photo Poche : entrez dans le rêve

Actes Sud ajoute un nouvel opus à sa collection Photo Poche avec une publication consacrée au travail encore trop méconnu de Dolorès Marat, qui paraît le 7 juin 2023. Née pendant la Seconde Guerre mondiale, elle commence son œuvre personnelle au milieu des années 1990 – et ne s’est pas arrêtée depuis, pour nous offrir des photographies prises de nuit, aux couleurs et à l’esthétique énigmatiques.

Dolorès Marat Photo Poche
Sur le “Napoléon Bonaparte”, entre Marseille et Bastia, 2000. © Dolorès Marat

Enfin marcher pendant que les autres dorment
Voir les couleurs, voir les formes
Les villes sont des villes bordées de nuit

Gérard Manset, Entrez dans le rêve
Dolorès Marat Photo Poche
La femme aux gants, Paris, 1987. © Dolorès Marat

Ce Photo Poche opte pour le nouveau design et une couverture cartonnée. Avec Pierre Péronnet et Wijntje van Roiijen aux commandes, le noir traditionnel qui entourait la photographie de couverture est remplacé par ces bords colorés qui changent pour chaque publication.

Dans une très belle préface, Éric Reinhardt présente la vie et l’œuvre de l’artiste. Elle n’a jamais connu son père, et son prénom a été choisi par la sage-femme, espagnole ; la mère voulait un garçon et n’avait pas prévu un prénom féminin. Sans doute la photographie a été pour elle un moyen de se (re)trouver, quelque chose comme une quête identitaire – ce n’est pas un hasard, la majorité de ses images ont été prises la nuit, le moment privilégié pour être seule.

Les oiseaux de Marseille, 2003. © Dolorès Marat

Plus qu’une photographe de rue ou de paysage, Dolorès Marat est ce qu’on pourrait qualifier une photographe de nuit, une donnée non négligeable pour appréhender ses images. Le flou de bougé en est une de ses caractéristiques, avec cette large palette de couleurs issue souvent de l’éclairage artificiel de la ville. Ces teintes se situent à la limite du surréalisme, un sentiment renforcé par le procédé de tirage Fresson que la photographe affectionne particulièrement.

Le cow-boy, cinéma avenue des Gobelins, Paris, 1993. © Dolorès Marat

Cela donne cet aspect presque spectral à ses photographies, des images qu’on croirait sorties d’un songe. Si Freud écrivait « le rêve est le gardien du sommeil », l’artiste a tout d’une rêveuse ; plutôt que de dormir, elle sort, elle photographie, et elle compose des représentations remplies d’une certaine étrangeté, d’icônes et de figures autant séduisantes qu’inquiétantes.

L’arbre qui marche, Aurillac, 1995. © Dolorès Marat

C’est dans [chaque image] la même urgence, la même humanité, la même délicatesse, le même tragicomique, la même exigence de vérité. La tristesse n’est jamais loin non plus, ainsi que la rédemption.

Éric Reinhardt
Dolorès Marat Photo Poche
La femme du musée Grévin, Paris, 1998. © Dolorès. Marat

Dolorès Marat, préface d’Éric Reinhardt
Editeur : Actes Sud, collection Photo Poche
13,90 €, 144 pages, 65 reproductions en couleur, 12,5 x 19 cm
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