Sans titre, sans date Anscochrome Boîte d'origine : « Divers » © Fondation Saul Leiter

The Unseen Saul Leiter : les éditions Textuel révèlent les archives du pionnier de la couleur

Après deux récents ouvrages, les éditions Textuel poursuivent leur travail de publication de l’œuvre pionnière de Saul Leiter, reconnu tardivement par ses pairs, avec un nouvel ouvrage intitulé The Unseen Saul Leiter. Issu d’un grand travail d’archive et de sélection, 76 images inédites ont été choisies parmi l’intégralité de ses photographies réalisées entre 1948 et 1966 dans les rues de Manhattan, à New York.

The Unseen Saul Leiter
Sans titre, sans date, Anscochrome, Boîte d’origine : « Rue » – © Fondation Saul Leiter

Après All About Saul Leiter (2018) et Forever Saul Leiter (2021), la sélection se concentre sur la street photography, un pan moins connu de son œuvre – Saul Leiter était alors surtout repéré pour ses photographies de mode. Alors que le temps est au noir et blanc, Saul Leiter défend l’idée d’une photographie couleur qui n’en serait pas moins artistique. Les touches de couleur ne sont jamais hasardeuses ; elles servent toujours une composition travaillée voire géométrique – à ce titre, il fût exposé de son vivant à la Fondation Cartier-Bresson, en 2008.

The Unseen Saul Leiter
Sans titre (Central Park), sans date, Kodachrome, Boîte d’origine : « Personnel / Parc et amoureux » – © Fondation Saul Leiter

Avec la couleur, les ombres des escaliers de secours typiques de la ville se démarquent davantage sur un mur en brique, un velours ressort différemment, plus texturé, mais surtout, cette note de rouge qui revient souvent, d’un manteau ou d’un panneau publicitaire, accroche le regard du spectateur et le force à être attentif au moindre détail.

Bien que sa reconnaissance soit tardive, il s’inscrit sans difficulté dans un versant de « l’École de New York » en tant que précurseur de la couleur, ouvrant ainsi la voie à des des photographes comme Harry Gruyaert, William Eggleston ou Stephen Shore

Comme souvent avec les images de New York – et grâce à ses teintes si caractéristiques –, les photographies de Saul Leiter résonnent avec les peintures d’un certain Edward Hopper, qui représentait des scènes de café ou de salon avec naturel, des scènes de la vie ordinaire avec des touches de carmin et de bleu nuit.

Sans surprise, on apprend que l’artiste vient de la peinture, et ses inspirations impressionnistes et expressionnistes transparaissent dans ses photographies aux couleurs légèrement troublées. Il expérimente et fait avec les contraintes de son temps. Le procédé couleur est alors coûteux : pour faire des économies il passe ses photographies directement sur diapositives ou utilise des pellicules périmées, et ainsi, renouvelle les codes du médium

The Unseen Saul Leiter
Sans titre, sans date, Anscochrome, Boîte d’origine : « Divers » – © Fondation Saul Leiter

Les fragments de la vie quotidienne sont saisis sous tous les angles et toutes les focales. Cette photographie est prise d’une voiture, celle-ci d’un trottoir, une autre d’un balcon, sans doute… quel que soit le cadrage adopté par le photographie, il parvient à cadrer son sujet dans son décor avec justesse et précision malgré une spontanéité nécessaire. Le reflet d’une vitre ou d’un miroir enserre ce qu’il donne à voir, crée une multiplicité des plans qui dynamise l’image et renforce le sentiment de profondeur de champ.

Sans titre, sans date0, Cache en carton, Boîte d’origine : sans étiquette – © Fondation Saul Leiter

Réalistes sans être documentaires, poétiques sans êtres maniérées, les photographies de délivrent un témoignage des manières de vivre et des habitudes culturelles des new-yorkais d’après-guerre.

S’il est photographe, Saul Leiter n’en est pas moins archiviste : toutes ses images sont conservées dans des boîtes étiquetées par thème (sans mention toutefois de l’année précise). « Rue », « neige », « parc et amoureux », la méthode de l’artiste est très personnelle, sensible. Pour aboutir à un travail éditorial forcément sélectif, il a fallu fouiller longuement et faire preuve de discernement pour ne pas desservir la volonté de l’artiste.

Finalement, les diapositives sont agrandies sur un papier épais et texturé, mises en valeur par un fond noir et sobre – un dépouillement et une simplicité qui servent pleinement la richesse graphique de ses photographies.

The Unseen Saul Leiter

Ces photographies ont à retrouver au sein de The Unseen Saul Leiter, un très bel ouvrage à reliure en toile noire, composé de 160 pages pour 76 photographes, publié aux éditions Textuel au tarif de 49 €.