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Interview OM System au Salon de la Photo 2023 : « L’appareil idéal ne doit pas prendre la place du photographe »

L’année 2023 signe le grand retour d’OM System (ex-Olympus) au Salon de la Photo. L’occasion pour la marque de faire découvrir les nouveautés de ces derniers 18 mois, tant côté boîtiers que côté objectif. Nous avons posé nos questions à Thierry Bourque, spécialiste produits et responsable des formations chez OM Digital Solutions.

Place à l’interview.


Cette édition 2023 signe le grand retour d’OM System au Salon de la Photo. Quel est l’état d’esprit de la marque ?

Nous sommes très heureux de revenir au Salon de la Photo, et de pouvoir discuter avec les photographes. D’ailleurs, je préfère employer le terme de photographe que celui de client, parce que l’évolution du Salon montre qu’il attire de vrais passionnés de la photo, plutôt que de simples promeneurs.

Nous avons cette relation privilégiée avec les visiteurs, qui posent des questions très précises, avec des intérêts très précis. Et c’est ce que nous avions envie de redécouvrir en revenant ici – puisque nous n’étions pas là l’année dernière.

C’est également la première fois que nous venons en tant qu’OM System – puisqu’avant nous étions là sous le nom d’Olympus.

La cible que nous attirons est très cohérente avec nos produits, très orientés vers les domaines de l’animalier et de la nature. Nous sommes très contents de voir l’impact de notre stand, qui est très orienté vers la nature et la macro. Et nos visiteurs adhèrent totalement à cette philosophie. Nous n’avons que des retours positifs.

Au sujet de le marque OM System : quelles sont les réactions des visiteurs face à ce changement de nom ? Font-ils le lien entre les “anciens” boîtiers Olympus et les nouveaux OM System ?

On nous pose encore des questions, mais cela ne représente qu’une goutte d’eau par rapport à tous ceux qui viennent sur notre stand. Grâce à la communication que nous avons faite – et grâce aux articles de presse – les gens ont vraiment été rassurés. Quelque part, ils viennent chercher le dernier réconfort, celui de nous voir physiquement.

De plus, la majorité des équipes que nous avons sur le stand sont des têtes connues des gens, ce qui rassure ces derniers. L’équipe Olympus est toujours l’équipe OM System.

Quelle est la santé financière d’OM System ?

Elle se situe tout à fait dans nos objectifs. Nous sommes parvenus à trouver une cible qui se destinait à un certain type de photographie, et avons atteint nos objectifs fixés l’an dernier. En termes de cibles, nous n’avons pas la prétention d’atteindre la polyvalence que cherchent d’autres marques. 

Au cours des 18 derniers mois, la marque a lancé plusieurs nouveautés “100 % OM System”. Comment expliquer ce dynamisme ?

Je suis heureux que vous m’en parliez ! Car quelques personnes ont encore l’impression que la marque ne sort pas de nouveaux produits. Mais même à l’époque d’Olympus, je ne crois pas me souvenir que nous ayons eu un rythme de lancements aussi soutenu, que ce soit en optiques ou en boîtiers.

En outre, en termes de structure, la marque n’a pas changé. Nous avons les mêmes équipes de R&D ou au SAV. Il s’agit de structures existantes, et nous n’avons pas eu besoin de les re-créer. Les connaissances et les personnels sont restés. Nous sommes donc dans la continuité d’Olympus.

Aujourd’hui, la gamme de boîtiers est-elle au complet ?

Aujourd’hui, nous avons trois segments. D’une part, le segment « découverte », avec l’OM-D E-M10 Mark IV, qui reste au catalogue. D’autre part, le segment « randonneur, expert », avec l’OM-5. Enfin, le segment « pro, orienté animalier » avec l’OM-1, qui répond à des exigences de vitesse et de réactivité avec son capteur rétroéclairé et empilé très attendu.

Aujourd’hui, quelles que soient les attentes des photographes ou les thématiques qui les intéressent, nous avons un boîtier à leur proposer. Aujourd’hui, l’OM-1 est un succès. Mais l’OM-5 doit trouver son public. C’est lié à l’éternelle problématique que l’on sait : dans un magasin, on n’a devant soi qu’une fiche technique.

L’avantage d’un salon, c’est qu’il laisse le temps d’expliquer aux gens le pourquoi de l’OM-5. Ce qui se traduit d’ailleurs en termes de ventes auprès des revendeurs à la sortie du Salon.

Les OM-5 et Tough TG-7 reprennent des éléments de leurs prédécesseurs. La transition entre l’ancien et le nouveau monde est-elle toujours en cours ?

Réfléchissons en termes d’usage. Je n’ai rien contre le « nouveau monde », à condition qu’il apporte quelque chose. J’aime bien parler d' »évolutions » : à partir du moment où le produit que nous proposons est cohérent et correspond aux attentes, nous pouvons en être satisfaits, et nous n’allons pas toujours chercher à le révolutionner.

L’OM-5, par exemple, intègre la vidéo à la verticale, qui incarne le « nouveau monde ». On a donc fait évoluer l’OM-D E-M5 Mark III en intégrant cette possibilité, qui permet de réaliser des Reels ou des vidéos TikTok directement depuis son boîtier. Peu d’autres boîtiers sur le marché présentent cette possibilité. 

Pourtant, les nouveaux menus de l’OM-1 sont absents sur l’OM-5…

Vous n’êtes pas le premier à me poser cette question. La réponse est simple : le processeur de l’OM-5 ne nous permet pas d’intégrer cette nouvelle structure de menus. Il s’agit là d’une limite technologique.

Malgré tout, le boîtier profite de certaines fonctionnalités de l’OM-1, comme les filtres ND. S’il ne va pas aussi loin, c’est aussi parce qu’il vise des photographes plus « généralistes ». Un filtre ND16 reste utilisable, même lorsqu’on ne maîtrise pas parfaitement la stabilité de son boîtier. Ce qui est moins le cas avec un filtre ND64.

Certains constructeurs proposent des boîtiers au look vintage. Comment OM System, qui a l’antériorité sur ce créneau, compte-t-il tirer son épingle du jeu ?

C’est l’une des choses que les gens apprécient chez nous. Les photographes apprécient le look de nos boîtiers. Si l’on regarde l’OM-5, il rappelle évidemment les boîtiers des années 1970 comme les OM-1, OM-2 ou OM-10.

Et ce mouvement n’est pas nouveau chez nous. Il y a une véritable cohérence depuis la sortie de la gamme E-M. Ce repère dans le temps a toujours fait partie de l’ADN d’Olympus.

En termes d’ergonomie et de prise en main, c’est ce que les gens apprécient. Nous essayons de ne pas faire de formes trop géométriques, là où d’autres boîtiers sont trop carrés à mon goût.

Si l’usage du vintage vise à retrouver le plaisir que nous avons connu avec les boîtiers des années 1970 et 1980, pourquoi pas ? Mais, selon moi, il ne doit pas s’agit d’un one shot, qui pourrait être interprété comme un acte commercial. En parallèle, il y a un goût immense pour le vintage actuellement, qui s’observe également dans la musique avec le retour des vinyles.

Sur le Salon, j’ai reçu tout à l’heure deux jeunes qui voulaient trouver des objectifs argentiques pour leur OM-10. C’est très drôle de voir ce contraste entre ceux qui veulent sans cesse des nouveautés et ces jeunes qui sont très heureux d’avoir acheté un boîtier des années 1970.

Quelques boîtiers historiques présentés sur le stand Olympus au CP+ 2019

Pentax et Leica s’apprêtent à lancer de nouveaux boîtiers argentiques. Est-ce quelque chose qui pourrait intéresser OM System ?

À ce jour, je n’ai aucune information à ce niveau-là. Je ne suis pas persuadé que ce soit dans les tiroirs. À titre personnel, j’aimerais bien un nouveau Mju-II en argentique. Ce serait le rêve absolu pour moi, mais je ne sais pas si OM System a cela dans ses cartons.

Le plein format et l’APS-C sont les deux tailles de capteurs qui semblent avoir le vent en poupe en ce moment. Dans ce contexte, quel est l’avenir du Micro 4/3 ?

Le format Micro 4/3 est toujours très populaire : il suffit de le voir sur notre stand ! Cela prouve qu’il est indispensable de regarder au-delà des fiches techniques. Il suffit d’observer la qualité des tirages réalisés par nos ambassadeurs qui sont exposés sur notre stand. C’est cela qui interpelle. Et, au-delà des tailles de capteur et du nombre de pixels, c’est l’image que les gens regardent, quel que soit le photographe.

De plus, nous voyons une autre marque sortir un nouveau boîtier Micro 4/3. Et nous en sommes très heureux. Cela montre qu’il existe une alternative au plein format, tant du côté de l’APS-C que du Micro 4/3. S’il n’existait que le plein format, tous les boîtiers finiraient par se ressembler, et toutes les images issues de ces capteurs se ressembleraient, d’une certaine façon. C’est une bonne chose d’avoir le choix entre plusieurs solutions.

Nous devons aussi lutter contre une idée bien implantée, selon laquelle « ma photo aurait été meilleure si j’avais eu un 24×36 entre les mains ». C’est l’idée reçue selon laquelle c’est un grand capteur qui donne une bonne qualité d’image.

Mais, en suivant ce raisonnement, on devrait tous capturer nos images au moyen format, voire à la chambre ! (rires). Alors que, dans les années 2000, les affiches de films exposées sur les abribus, par exemple, étaient capturées avec des appareils de 8 Mpx. Cela prouve que la photographie ne s’est jamais arrêtée.

D’autant que deux autres facteurs échappent à beaucoup de monde : celui de la puissance de calcul et celui de l’espace de stockage nécessaire pour traiter les fichiers, tant en photo qu’en vidéo.

Aujourd’hui, le quatuor Canon-Sony-Nikon-Fujifilm semble couvrir la grande majorité des besoins, tant chez les professionnels que chez les amateurs éclairés. Comment OMDS compte-t-il s’imposer ?

On ne cherche pas à s’imposer, en tout cas pas à leurs niveaux. Même si, entre nous, je ne suis pas tellement d’accord avec la qualification de quatuor que vous proposez : je parlerais plutôt de 2 duos. De notre côté, nous n’avons pas cette ambition-là. Nous cherchons avant tout à parler aux photographes de nature, d’aventure, d’animalier et de macrophotographie. Telle est notre cible. Nous n’allons pas chercher à reproduire les performances de Canon, Sony, Nikon et Fujifilm.

Ce sont les photographes de nature qui nous intéressent, pas les photoreporters. Maintenant, s’ils veulent venir chercher nos produits, nous les accueillerons avec plaisir. Notre communication – et nos ambassadeurs – sont axés autour des piliers que sont la nature et l’animalier.

Un de nos lecteurs nous a récemment demandé quel boîtier choisir pour la photo de rue, dans la mesure où le Pen-7 n’est (virtuellement) pas disponible en France. Quel réponse lui apportez-vous ?

En ce qui concerne l’Olympus Pen E-P7, il s’agit davantage d’un problème de distribution. Certains réseaux en France n’en ont pas voulu, car il est dépourvu de viseur. Mais il est disponible sur notre site Internet.

Sinon, je choisirais bien un OM-5 avec un objectif M.Zuiko Digital 17 mm f/1,8, ou un M.Zuiko Digital 25 mm f/1,8. Ce sont deux focales très adaptées à la photo de rue. Du côté des zooms, je suis amoureux du M.Zuiko Digital ED 8-25 mm f/4 Pro. Cette optique peut parfaitement convenir à la pratique de la photo de rue, puisqu’elle couvre toutes les perspectives, de l’ultra grand-angle (équivalent 16 mm) à un équivalent 50 mm avec une ouverture constante à f/4.

Certains constructeurs investissent beaucoup d’énergie dans la construction d’une gamme vlogging et vidéo. Est-ce un domaine qu’OM System a l’intention d’investir ?

C’est un domaine que nous investissons avec l’OM-5. Par exemple, sur notre stand, nous avons associé ce boîtier avec un enregistreur audio LS-P5. Un accessoire permet de le monter sur la griffe porte-accessoire, et on peut ensuite le brancher sur la prise micro du boîtier.

De cette façon, il peut servir à obtenir une qualité de son optimale, avec une synchronisation parfaite entre l’image et le son. C’est le kit vlogger par excellence. J’essaye notamment de promouvoir cette solution du côté des magasins, pour montrer qu’elle existe.

De même, comment séduire la jeune génération, qui n’a (pour certains) connu que la photo au smartphone ?

Je pense que c’est l’un des enjeux majeurs du moment, tant du côté des constructeurs que du côté de la presse. Comment faire venir la jeune génération à la photographie avec un boîtier ? À mon avis, il faut leur montrer la qualité d’image que l’on peut obtenir avec.

En parlant de cela, je pense que l’on a habitué les gens à une certaine qualité – bonne ou moins bonne. Un peu comme à l’époque du MP3, où les gens se sont habitués à une qualité inférieure à ce qu’on avait avant.

Je pense que, pour capter cette nouvelle clientèle, l’important est de toujours lui montrer ce qu’un appareil photo est capable de faire, en comparaison avec un téléphone. Je ne suis pas opposé aux smartphones, qui peuvent donner envie de faire de l’image. Mais les smartphones ont leurs limites, et c’est là que nous devons réussir à séduire la clientèle.

Montrons que l’image n’est pas seulement verticale, qu’elle peut également être horizontale. Il faut montrer ce qu’un appareil photo peut apporter de différent, en termes de qualité et de réglages. Je pense qu’il faut aussi promouvoir la compacité et la légèreté. Car, entre un boîtier photo et un téléphone, la différence de gabarit peut avoir son importance.

Un autre élément à mettre en avant est la simplicité. Olympus a été l’inventeur des filtres avec le E5, bien avant la mode d’Instagram. Tous ces filtres sont systématiquement intégrés dans nos boîtiers, ce qui permet d’être original sans passer par les logiciels de retouche habituels.

Enfin, il existe des domaines spécifiques où un téléphone ne peut pas aller. Il n’est pas possible de photographier un lion dans la savane, par exemple. Pour cela, il faut un appareil doté d’un objectif qui permet d’effectuer ce type de prises de vue. Il faut absolument insister sur les images que l’on peut obtenir avec un boîtier photo, pour montrer la différence d’usage entre les deux.

Et en termes d’interface, quels efforts peuvent être faits ?

Comme je le disais tout à l’heure à propos des designs vintage, il faut une cohérence dans la prise en main et dans l’accessibilité des réglages. Je comprends qu’on ait cette philosophie de la simplicité, mise en avant par certaines marques de smartphones. Mais je pense qu’il faut se garder de faire croire que la photo est toujours très simple.

C’est bien que l’on ait des modes assistés, des modes qui s’utilisent facilement. Mais c’est encore mieux de faire comprendre aux gens les réglages techniques, comme le « fameux » triangle vitesse-sensibilité-ouverture. Ce sont des choses que l’on doit maîtriser en photo, et que l’on ne peut pas simplifier.

Il y aura toujours besoin de jouer sur l’ouverture, sur la vitesse d’obturation, en fonction de ce que l’on photographie. Trop simplifier les choses revient à faire croire aux gens que la photo est facile. C’est le métier des photographes, et c’est un métier qui s’apprend. Au-delà de l’œil que l’on a ou que l’on n’a pas, la technique est importante et il convient de ne pas l’oublier.

Après, il est toujours possible de simplifier l’interface, à travers des curseurs plus visuels. C’est ce que nous avons sur l’E-M10. Pour autant, je ne suis pas convaincu qu’il faille aller au-delà, pour faire ressembler l’appareil photo à un smartphone.

Cependant, il pourrait être intéressant d’y intégrer des applications. Une marque l’avait tenté il y une dizaine d’années et je trouve que ce n’était pas une mauvaise idée. Et cela pourrait intéresser la jeune génération, justement.

Au-delà, il y a aussi la question de la puissance de calcul des boîtiers. Mais si l’on intégrait à l’intérieur d’un boîtier photo une puce comme celle qui est présente dans les smartphones, le prix serait encore plus élevé. Et cela pourrait représenter un frein au développement de la photographie. 

Quel est le boîtier que vous avez préféré utiliser ces dernières années ?

J’ai beaucoup apprécié l’E-M1X. Un boîtier qui avait été critiqué pour son volume – vu qu’il a un grip intégré – qui est moins dans la philosophie de la marque. Mais c’est un boîtier incroyable. Aujourd’hui, j’ai la chance d’utiliser un OM-1. C’est un super boîtier, qui répond à un très grand nombre de besoins. À vrai dire, il n’existe pas de thématique photo où il ne répond pas à mes besoins.

Mais, encore une fois, c’est un boîtier qu’il faut apprendre à utiliser. Et je pense notamment à la détection des oiseaux, que j’ai utilisée récemment sur un workshop – et qui est capable de fonctionner également avec les papillons. Les gens ont été très surpris de voir que, en couplant cette fonction avec le mode Pro Capture, on peut capturer tout le décollage du papillon. Je me réjouis d’avoir ce genre de fonctions dans un boîtier.

Idem, l’OM-1 m’offre un très grand nombre de fonctions qui me sont très utiles : la montée en ISO de très bonne qualité, le mode super-résolution à 50 Mpx à main levée… Et je trouve cela génial.

Et quel est l’appareil photo de vos rêves ?

Une pellicule argentique ? Je plaisante (rires). Le boîtier de mes rêves, je ne sais pas s’il existe, et je ne sais pas si ce serait une bonne chose. C’est une bonne chose de bénéficier de boîtiers aussi ciblés, car il est impossible d’avoir un boîtier qui sache tout faire à la perfection.

Je ne vois pas comment, techniquement parlant, un boîtier pourrait répondre de façon parfaite à toutes les attentes de tous les photographes. Je trouve qu’aujourd’hui c’est une bonne chose d’avoir des boîtiers polyvalents, et je pense que c’est une bonne chose que les marques aillent dans cette direction-là.

Personnellement, je ferais un boîtier plus sobre, moins dans la surenchère technologique, qui se fait parfois au détriment du plaisir de la photographie. L’appareil idéal ne doit pas prendre la place du photographe. Il faut conserver des choses qui soient indépendantes de la technologie.

Merci à Thierry Bourque d’avoir répondu à nos questions.

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