Fabrice Abuaf

Interview Sony au Salon de la Photo 2023 : « Nous disposons d’une gamme très complète et bien pensée »

Le constructeur Sony ne chôme pas en 2023 : renouvellement d’optiques phares, développement de la gamme Vlog, nouveaux boîtiers plein format et retour de l’APS-C haut de gamme avec l’A6700. Pour nous, Fabrice Abuaf, chef de produit senior IP&S chez Sony France est revenu sur ces différents éléments lors du Salon de la Photo 2023.

Place à l’interview.

Quel est l’état d’esprit de Sony à l’entame de cette deuxième édition du Salon de la Photo de Paris à la Villette ?

Nous sommes ravis, c’est un moment important. On a hâte de découvrir si plus de monde encore est venu au Salon de la Photo. Et nous sommes content de voir que la deuxième édition s’est aussi étoffée, on a vraiment l’impression d’avoir plus d’exposants. On veut que le Salon de la Photo perdure le plus longtemps possible. Qu’on continue à être tous ensemble, en bonne intelligence, dans cet endroit où l’on reçoit tous les passionnés d’image.

Interview Sony au Salon de la Photo 2023 : "Sony dispose d'un gamme très complète et bien pensée"

Comment se porte Sony sur le marché de la photo ?

Sur les hybrides plein format, Sony est leader dans le monde. Quant au marché de l’hybride au global, je ne suis sûr de rien précisément, mais je pense que Sony est également leader aussi. Et 2023 est le dixième anniversaire de l’arrivée de Sony sur le marché de l’hybride plein format.

Alors, 2023, en France est-ce une bonne année pour Sony ?

Oui, 2023 c’est une bonne année, c’est même une très bonne année.

C’est d’autant plus une bonne année par rapport à des moments où, comme pour toutes les marques je pense, nous avons beaucoup souffert à cause du Covid, de pénuries, d’usines fermées, d’usines en ralentissement, de transports compliqués pour des marchandises venant de Japon, venant de Thaïlande, venant de la Chine.

Fabrice Abuaf, Sony
Fabrice Abuaf croque Sony

Nous avons donc eu des périodes compliquées entre 2020 et 2022 et cela s’est traduit par une sorte de mise en attente du côté des utilisateurs. Ils sont nombreux à avoir reporté leurs achats et, depuis le début 2023, je trouve que l’on est dans une pleine libération. La dynamique est de retour.

Et par rapport aux années pré-covid, Sony progresse ?

C’est toujours pareil, cela dépend des segments de marché. Sur les segments qui nous intéressent beaucoup chez Sony, l’hybride plein format ou l’hybride APS-C, nous sommes en expansion.

Quel est le boîtier Sony qui fait le plus recette en France et en Europe ?

Concernant les hybrides plein format, après les années dominées par l’A7 III, l’A7 IV a pris la relève. Il n’est pas forcément premier tous les mois, parce qu’il y a toujours des nouveautés qui suscitent de l’engouement.

Quand la concurrence sort un boîtier et qu’il est performant, il va bien se vendre. Mais, globalement, en lissé, le best-seller reste l’A7 IV depuis son lancement fin 2021.

Comment ont été accueillies les dernières nouveautés Sony que ce soit en France ou dans le monde ?

On a annoncé pas mal de choses à l’été 2023, notamment l’hybride APS-C A6700. Et les premières ventes sont bien meilleures que nos attentes. C’est une bonne nouvelle. L’APS-C est un segment toujours très important pour nous. Même si notre segment principal reste le plein format.

L’A6700 est le premier boîtier APS-C qui a été mis à jour avec les nouveaux menus, la nouvelle puce, l’IA. Il était très attendu par les utilisateurs. Et aujourd’hui, l’écho est excellent. Ce boîtier fonctionne très très bien. J’espère qu’on aura ensuite une déclinaison plus accessible APS-C pour remplacer l’A6100 et reconstruire la gamme.

Vous avez déjà des retours pour les nouveaux A7C II ou A7C R ?

Les A7C nouvelle génération, c’est un peu tôt, parce qu’on vient juste de livrer les premières pièces. Et on ne peut même pas se prononcer sur les précommandes, car en France et même en Europe,les précommandes sont moins développées qu’ailleurs. Les utilisateurs ont besoin d’aller voir en magasin, d’aller le prendre en main, d’aller le tester, et de regarder dans le viseur.

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Les nouvelles optiques arrivent-elles à trouver leur public ?

Les optiques, ça fonctionne plutôt bien. On a bien sûr des optiques qui sont nouvelles et un peu hors normes, comme le FE 20-70 mm f/4 G. Face à un 24-70 mm plus classique, les utilisateurs se posent encore la question. À l’usage, le 20-70 mm f/4 trouvera largement sa place, il en va de même pour le FE 70-200 mm f/4 macro G OSS II.

Ces optiques demeurent toutefois assez haut de gamme, n’est-ce pas un frein pour certains ?

C’est vrai qu’effectivement, le Sony 70-200 mm f/4 macro G OSS II est positionné à 2 000 €, un prix effectivement un peu élevé pour un f/4. Après, ce qui est important, c’est de voir aussi ce qu’on a mis dedans.

Nos concurrents sortent aussi des 70-200 mm f/4 qui ne sont pas tellement moins chers. Mais, chez nous, avec cette nouvelle version, on peut mettre un téléconvertisseur 1,4x ou le 2x, ce qui n’est aujourd’hui pas courant sur un f/4. Et il est macro 0,5x en natif et 1:1 avec un téléconvertisseur, ce n’est pas rien.

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Bar à optiques ?

De plus, pour ceux qui ont des besoins différents, il y a d’autres marques qui fabriquent en monture E. Il doit exister autant d’objectifs tiers qu’il existe d’objectifs produits directement par Sony. Après, évidemment, on préfère vendre les Sony, mais c’est aussi ça la richesse de la monture E.

Où en est le développement de très longues focales chez Sony ?

Patience, on a déjà le FE 300 mm f/2,8 GM OSS qui arrive. Mais on se concentre d’abord sur la remise à jour de nos optiques les plus classiques. Pour les plus longues focales, je ne déborde pas d’informations, mais je pense que les ingénieurs bossent sur des optiques.

Nous n’avons pas l’historique des autres constructeurs de reflex avec les très (très) longues focales. Donc c’est peut-être un peu plus facile pour nos concurrents sur ce secteur de proposer des nouveautés.

De notre côté, on essaye de répondre et de construire les focales qui vont être les plus utilisées et les plus nécessaires. Cela prend un certain temps de développer une formule optique et les ingénieurs Sony sont extrêmement exigeants. Donc cela prend peut-être un peu plus de temps encore chez Sony.

Mais ceux qui ont été patients verront qu’avec le FE 300 mm f/2,8 GM OSS, que ce soit en termes de prix, de poids, d’ergonomie ou de vitesse autofocus, on sera extrêmement pertinents.

Et pour les autres objectifs ?

Nous n’avons pas de line-up d’optiques à diffuser. Il y a une culture de la confidentialité qui est très forte chez Sony.

Nous avons une forte demande de la part de nos consommateurs pour un 85 mm f/1,2 ou au moins un f/1,4 de nouvelle génération et comme nous avons sorti les 24, 35, 50 mm à f/1,4, maintenant un 85 mm f/1,4, cela serait cohérent.

Mais encore une fois à date, nous n’avons aucune information sur les futurs lancements de Sony, c’est juste un souhait personnel.

La vidéo est un secteur toujours en expansion chez Sony ?

On va sur tous les segments où l’on considère qu’il y a un besoin pour les utilisateurs. De la photo à la vidéo en passant par le vlog. L’an dernier, on se demandait si le stand de vidéo professionnelle allait bien fonctionner. Une question pertinente sachant qu’on est au salon de la photo et pas de la vidéo.

Et nos collègues sur le stand n’ont pas arrêté pendant 4 jours. En effet, outre les habitués de la photo, il y a aussi des gens qui sont aussi des professionnels du cinéma. Cela devient aussi un petit rendez-vous.

Vous pariez encore beaucoup sur la pratique du vlog, même si le terme est un peu galvaudé ?

C’est quelque chose qui est encore très porteur. L’usage et le mouvement de la création de contenu vidéo sont très présents et cela ne va pas diminuer demain. Chez nous, on est dans cette phase d’explosion de croissance sur ce qu’on appelle le vlog. Grâce notamment à l’amélioration des vitesses de transfert sur les réseaux ; cela facilite grandement la consommation de contenu.

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Le Vlog, entre Alpha et Xperia

Le vlog englobe une quantité de choses. Ce n’est pas simplement parler du dernier maquillage qu’on a acheté ou de sa dernière perceuse. Cela permet de mettre en avant plein d’objets, plein de pratiques variées. Vloguer c’est autant faire des tutos comme se balader dans la rue en se filmant.

Nous avons donc créé des produits pour répondre à cette demande-là (compact, APS-C, plein format). Avec des fonctions spécifiques vlog, et on ne va pas s’arrêter. Le segment est toujours en développement. On cherche à faire des produits qui intéressent les créateurs de contenu avec différents niveaux d’expertise.

Et donc, votre stratégie est d’occuper le marché avec la gamme la plus étendue possible.

La gamme peut sembler complexe et avec des produits offrant des compromis, mais elle est très complète et bien pensée. Ce que va offrir un A7C II par rapport à un A7 IV ou un A7C R par rapport à un A7R V, ça va être de faire entre 150 et 200 grammes de moins dans un boîtier dont le volume est de l’ordre de 20 à 30 % de moins.

Il peut donc être mis dans un sac qui ne ressemble pas du tout à un sac photo. Les boîtiers hybrides compacts peuvent alors proposer un tout autre style de photographies.

Certes, le viseur est moins défini, mais ces boîtiers vous permettent d’avoir une alternative, quelque chose de différent. Nous n’avons concrètement rien mis de nouveau dans ces deux boîtiers, nous avons simplement mis ce qu’on savait faire de mieux : une excellente qualité d’image et un autofocus redoutable.

Il y a quelque chose qui demeure intriguant tout de même avec l’A7C II : il est globalement meilleur que l’A7 IV et surtout moins cher, comment l’expliquer ?

C’est une histoire de concours de circonstances. Au moment de la sortie de l’A7C numéro 1, il se trouve que l’A7S III avait été lancé un mois avant. Ce dernier inaugurait une nouvelle génération de processeurs ou encore des nouveaux menus. Autant de choses que ne possédaient pas l’A7C. En fait, il avait été repoussé et son lancement, après celui de l’A7S III, a créé une forme de confusion.

Et effectivement, on était dans un état de maturité du concept de l’A7 III, c’est-à-dire processeur, électronique, ce qui fait qu’on était déjà au bout de ce qu’on savait faire avec cette gamme. Il est donc sorti avec au final peu de différences et a un prix supérieur à l’A7 III car celui-ci avait déjà bien vécu. Ainsi l’A7C I a eu un peu de mal à trouver son public quand l’ A7 III est resté le best-seller.

Aujourd’hui, on sort un A7C II qui est nettement moins cher qu’un A7 IV, et qui va proposer une alternative différente: une prise en main un peu moins classique, parce qu’il est plus petit. Il n’y a pas tous les boutons, il n’y a pas de joystick, un viseur plus petit et un seul slot de carte mémoire, mais un design assez incroyable, un peu à l’ancienne. De plus, il intègre des technologies plus récentes en matière d’autofocus ou de vidéo. On attend de bien meilleures ventes avec ce nouvel A7C II.

Quelle la prochaine étape sur le développement de l’IA ?

Soyons clairs, la prise de vue automatique, pour l’instant, ce n’est pas notre sujet. Et pour nous l’IA doit se cantonner à la façon dont on l’implémente déjà dans nos boîtiers. C’est-à-dire pas une intelligence artificielle, mais simplement, une intelligence non apprenante, de l’algorithme, du calcul et de la base de données. Cela veut dire que la puce IA à l’intérieur de nos boîtiers est une énorme base de données et un processeur optimisés pour le suivi de sujets toujours plus variés.

Sony sur le stand du Salon de la Photo

Le but du jeu, et c’est la politique de Sony jusqu’à aujourd’hui, c’est de créer un outil qui va fonctionner toujours de la même façon, mais qui va apporter une facilité à l’utilisateur. Nous avons étudié tous les besoins de mise au point de nos utilisateurs. Ce sont eux qui décident, et nous, on apporte un outil.

Un outil, certes très puissant, qui reconnaît la pose humaine, qui reconnaît l’orientation des animaux, la tête, les yeux, les oiseaux, les insectes, les avions, etc. Mais le photographe ou le vidéaste, restent sont toujours les patrons. Leur boîtier, c’est eux qui décident, et il ne fera pas le choix à leur place.

Selon vous, quel est le prochain suivi de sujet qui devrait être intégré au boîtier Sony ?

Je ne sais pas quel va être le prochain sujet reconnu. Ce que je sais juste, c’est qu’on développe beaucoup le cloud [avec le Sony Creators’ Cloud, NDLR]. Le cloud, on a l’impression que c’est un mot ancien dans la tech. Ce n’est pas le cas. Les boîtiers vont de plus en plus s’interfacer directement avec le cloud via un smartphone ou un ordinateur.

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On pourrait sans doute, dans un futur proche, mettre à jour son boîtier directement depuis le cloud. Et peut-être télécharger ou s’acheter une base de données de reconnaissance de sujets. C’est une tendance qui pourrait sans doute arriver.

Quel est le boîtier que vous utilisez au quotidien ?

J’ai longtemps utilisé le premier A7C monté avec le FE 24 mm f/2,8 G et maintenant J’utilise beaucoup l’A7C R.

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Sony A7C R avec FE 24-70 mm f/2,8 GM II

J’adore une fonction que tout le monde ne connaît pas : le RAW Medium de 26 Mpx au lieu du RAW classique à 60 Mpx. Et comme ça, on peut l’utiliser comme un boîtier « domptable », avec des fichiers que l’on peut traiter plus aisément. J’adore cette polyvalence présente dans l’A7C R. Un hybride compact haute définition, mais pas seulement.

N’y aurait-il d’ailleurs pas une place pour Sony avec un compact expert plein format ?

Je pense qu’il y aurait un petit marché. Et s’il y avait un compact expert chez Sony, il aurait beaucoup de fonctionnalités en commun avec l’A7C R. On a eu le retour de quelques magasins, ils nous disaient qu’il y avait des clients intéressés par le Leica Q3 et qui venaient s’informer aussi pour un Sony A7C R.

Toutefois, Je pense que si demande il y a, cela restera une petite niche. Avec un compact expert haute définition, on comblerait d’un coup la demande des ultra-fans. Mais je ne suis pas sûr que cela ferait de grosses ventes de façon durable, même si j’aimerais bien qu’on sorte un successeur au RX1R Mark II.

Bien sûr, c’est des choses dont on a envie quand on est passionné d’image. On veut voir plus de boîtiers atypiques. Malgré tout, nous allons laisser les ingénieurs faire leur choix.

Ce que j’aime bien en photo, c’est qu’il y a toujours une dynamique pour développer toujours plus de nouveautés. C’est aussi ça qui est intéressant, ces nouvelles opportunités. Toutes les nouveautés en photo sont bonnes à prendre.

Fabrice Abuaf et son A7C R

Merci à Fabrice Abuaf d’avoir répondu nos questions. Nous tenons également à remercier l’équipe de Sony France pour cette interview.

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