Interview Cyril Thomas, Leica : “une fois que l’on a essayé un Leica, c’est très difficile de faire machine arrière”

Leica rend hommage à son histoire en dévoilant une nouvelle édition de son M6, un boîtier icône. A cette occasion, nous avons rencontré Cyril Thomas, directeur général de Leica Camera France, pour échanger sur les dernières nouveautés de Leica, qui ne se limite d’ailleurs pas qu’à la photographie pure. Se présentant comme « la dernière manufacture de la tech », Leica reste également un acteur majeur de la photographie argentique, un marché toujours en croissance.

Place à l’interview.

Quel est le bilan pour Leica de cette dernière édition du Salon de la Photo ?

Le bilan du Salon de la Photo 2022 est très positif. Le lieu où se tenait le salon était beau, c’est bien mieux que la Porte de Versailles, moins fouillis. Nous serions très heureux si nous pouvions continuer à le faire là-bas. Ensuite, en termes de public, on en revient au cœur de cible de ce que sont nos clients, c’est-à-dire des gens passionnés par la photo. On a d’ailleurs rencontré beaucoup de monde sur le stand avec un fort intérêt pour la marque. Il y avait aussi pas mal de personnes qui continuaient à découvrir nos lignes de produits et certains systèmes que l’on propose depuis longtemps, mais qui sont parfois un petit peu méconnus.

Stand Leica au Salon de la Photo 2022

On observe que le marché de la photo monte fortement en gamme. Est-ce que cela ne légitime pas encore plus la proposition de valeur de Leica pour les photographes ?

Je dirais en effet que c’est rassurant. Leica n’a que très peu souffert de la vague descendante du numérique avec la disparition progressive des compacts, bien que Leica continue à vendre en quantité ses modèles D-Lux. Ce sont des compacts qui vont délivrer une très belle qualité d’image, mais qui ne représentent pas la colonne vertébrale de Leica.

Leica reste très bien positionné sur le segment haut de gamme, avec au minimum de l’APS-C et sinon du plein format et au-delà.

La colonne vertébrale de Leica c’est le Q2, le système SL et le système M. Si les ventes se font, le groupe se porte bien de manière générale. On lit parfois des articles comme quoi la téléphonie mobile va un jour remplacer la photographie et les appareils photo. Je n’ai pas de boule de cristal, mais je ne pense pas que cela va être le cas. Je pense en revanche que les outils dans l’univers photo vont être de plus en plus poussés et de plus en plus qualitatifs, et c’est cela qui, demain, va fondamentalement faire la différence avec le smartphone.

On a aujourd’hui des téléphones qui ont des définitions de 40 Mpx. Il y a certes beaucoup de technologie embarquée pour faire du computational imaging [de l’imagerie computationnelle] et améliorer la photo, mais cela restera des petits capteurs. Le marché de la photo a considérablement évolué vers des capteurs 24×36 et du moyen format, avec un rendu de plus en plus qualitatif.

C’est également rassurant de voir que les autres marques vont aussi vers ce type de produits. J’aurais tendance à dire que Leica était un petit peu seul à jouer dans cette catégorie de prix. Aujourd’hui, il y a beaucoup de marques qui sont dans les mêmes prix que nous.

Est-ce que justement cela n’apporte pas une nouvelle concurrence à Leica ?

Je ne dirais pas que c’est de la concurrence. Des gens qui n’osaient pas passer sur Leica dans le passé n’hésitent plus aujourd’hui. Ils se rendent compte que, pour certains produits, on est dans la même catégorie de prix. Il y a donc de plus en plus de gens qui essaient du Leica. Et une fois que l’on a essayé un Leica, de par la qualité optique, la colorimétrie ou encore le rendu d’une image Leica, c’est très difficile de faire machine arrière. On a beaucoup d’échos de ce genre, notamment chez les photographes professionnels.

Cela joue donc dans notre sens et les chiffres le prouvent, on va très bien.

Quel est l’état du marché de la photo en France selon Leica ?

Je dois t’avouer, et c’est sans aucune arrogance, que je ne suis pas fondamentalement dans les chiffres de la photo.

Mon ressenti général est qu’on a la chance d’être dans un pays de photographes. Les Français sont des photographes. Quand on regarde l’évolution de l’argentique – bien que ce ne soit plus le cœur de métier aujourd’hui de Leica – on voit deux pays dans le monde où ce marché se re-développe très fortement : le Japon et la France. Nous venons d’ailleurs de sortir un nouveau M6, une réédition du Leitz M6 d’origine de 1984. il y a une raison à cela.

Pour vous donner une idée, on vendait il y a 3-4 ans environ 8 fois moins de boîtiers argentiques qu’aujourd’hui. C’est assez surprenant. Cela reste une niche et une petite partie de l’activité. Mais nous avions un peu prévu cela : une chute de l’argentique, qui va remonter à un certain palier et qui va rester à ce niveau.

Chez Leica, un boîtier M-P ou un M6 nouvelle génération coûte à peu près 5500 €. Ce qui est surprenant, en prenant la France, Belgique et Luxembourg [les trois pays de la filiale Leica en France], on vend environ 350 boîtiers argentiques de ce type par an. C’est énorme pour un boîtier argentique.

Et dans le domaine du numérique ?

Leica est un peu la dernière manufacture de la tech. On propose des outils d’exception et technologiques, mais on est resté une grosse manufacture. Leica a 1800 employés à travers le monde, dont 700 au siège. Nous avons deux manufactures dans le monde, une en Allemagne et une autre au Portugal depuis 1972.

Je pense que le marché évolue positivement. Il y a de plus en plus de produits intéressants pour les photographes. Et il y a de plus en plus de gens passionnés par la photographie. Quoi qu’on en dise, le numérique et les téléphones mobiles amènent beaucoup de monde à la photographie. Cela nous offre un vivier de consommateurs potentiels de plus en plus important qui ont envie de développer leurs connaissances photographiques.

J’ai 49 ans, je suis né à l’âge de l’argentique, je comprends la lumière, une ouverture, une vitesse d’obturation. Il y a beaucoup de jeunes aujourd’hui qui sont dans cet univers photo numérique et qui font une photo sans savoir exactement comment fonctionne la lumière. Mais d’un autre côté, quand on regarde Instagram et ces plateformes dédiées à l’esthétique, il y a beaucoup de gens qui ont envie de développer leurs connaissances et donc de se plonger plus profondément dans la photo.

On dit toujours qu’une image c’est mille mots et qu’un film c’est mille images. À l’arrivée, les gens auront de plus en plus envie de s’exprimer, d’exprimer leurs émotions, leur personnalité, à travers de l’image et de la vidéo. Cela ne peut être que positif pour les acteurs de l’univers de la photo et de la vidéo.

Est-ce que vous remarquez des différences entre la France, la Belgique ou le Luxembourg chez Leica ?

Non c’est assez similaire. Leica est organisé par divisions : la division Photo, la division Sport Optics qui regroupe les longues-vues, les télémètres laser pour le golf, la division Montres – qui est toute petite, mais qui commence à se développer – ainsi qu’une division sur la Télévision Laser que l’on est en train de développer. On a également la division Ciné Lens puisque Leica est très actif dans l’univers du cinéma.

On remarque les mêmes grandes tendances en France, Belgique et Luxembourg : la photo représente environ 80-85% de l’activité, et le reste 15%, avec une bonne part pour le Sport Optics.

Leica Sport Optics, avec notamment des jumelles

Au sein de la photo, la tendance est la même sur les trois pays. Les trois pôles importants sont le M, le Q et le SL. Il y a un pôle assez important qui est le M, avec une base de clients installée conséquente. L’activité sur le système SL se développe également fortement.

Revenons justement sur le M et le nouveau M6 qui vient de sortir. Vous avez relancé la production d’un modèle qui s’était arrêtée en 2002. Qu’est-ce que ce boîtier représente pour Leica ?

Dans la série M, qui est née en 1954 avec le M3, il y a eu 2 icônes majeures chez Leica au temps de l’argentique : le M3 et le M6. Le M6 est sorti en 1984 et est resté 18 ans en production. C’est un boîtier légendaire, un peu plus simple en utilisation que le M3, grâce à une lecture de l’exposition intégrée.

On a voulu le sortir à l’identique par rapport au premier modèle réalisé en 1984. La raison est simple : nous avons depuis 4 ans une forte augmentation de la demande sur les boîtiers M-P et M1, les deux appareils argentiques en série chez Leica. Chaque boîtier reçu depuis l’Allemagne est ainsi déjà alloué, avec toujours des commandes à livrer notamment pour du M-P. On s’est donc dit qu’il serait intéressant de ressortir une icône et on a donc choisi le M6.

Le produit sera en vente à partir du 3 novembre – il est même question du 7 novembre – et je ne vous cache pas que l’on a des bons de commande largement supérieurs à ce que l’on imaginait.

Nous avons déjà – alors qu’on n’a pas commencé à le vendre – plus de 200 commandes sur le produit. C’est très important pour un boîtier argentique de 5500 €.

On le trouve d’ailleurs un peu moins cher en occasion…

On le trouve un peu moins cher en occasion c’est vrai. Il y a 4-5 ans, un M6 d’occasion valait peut-être autour de 1500-1600 €. Aujourd’hui on les trouve fréquemment autour de 3000 € et plus. Le prix d’occasion augmente. C’est un point intéressant chez Leica, parce que l’on sait que beaucoup de produits deviennent vintage. L’occasion garde une bonne côte. Je pense que c’est en partie lié au prestige de la marque, mais aussi parce que la qualité de construction est vraiment exceptionnelle.

Des personnes critiquent les récentes éditions limitées – 007, Seal, M9 Hermès – comme de la pure spéculation en sachant que le boîtier prendra de la valeur quoi qu’il arrive. Qu’en pensez-vous ?

Je n’ai pas fondamentalement de jugement là-dessus. Je pense qu’historiquement on a toujours fait des éditions limitées chez Leica. Depuis toujours. Après il y a de petites séries qui ne sont pas limitées, comme le Safari, le Reporter.

Leica Q2 007

Il y a des produits qui prennent une valeur incroyable. Par exemple, un Leica 0 qui faisait partie des 25 premiers boîtiers Leica au format 24×36 mis sur le marché est parti aux enchères à 14,4 millions d’euros. Nous avions un précédent sur un autre boîtier qui n’était pas le même et qui s’était vendu il y a quelques années à 2,4 millions d’euros. J’aurais tendance à dire que sur du vintage comme cela, les produits n’ont pas de valeur : c’est ce que l’acheteur est prêt à mettre pour l’avoir, c’est une émotion.

Il y a tout un côté vintage et de collection chez Leica qui est certain. Après, la marque a un énorme historique. On a toujours fait des séries limitées. Je ne pense pas que celles-ci soient mauvaises pour la marque : cela met la marque en avant. Cela nous fait réaliser de sublimes produits.

Leica Q2 Reporter

On fait de petites séries où l’on va célébrer un événement, comme ce nouveau M6, ou alors on va faire un partenariat, mais c’est toujours des choses qui ont du sens. Par exemple, ce que l’on avait fait avec Hermès. Hermès a une culture de faire de très très beaux produits. Allier les deux marques pour faire une édition avait beaucoup de sens puisqu’on a la même culture là-dessus.

LEICA M10-P “ASC 100 Edition”

Je pense que c’est bon pour la marque de faire des éditions limitées. Et aussi, ce n’est pas désagréable de se dire que lorsque l’on achète quelque chose cela va sûrement prendre de la valeur. C’est mieux que d’acheter quelque chose qui perd de la valeur (rires).

Leica est encore l’un des rares fabricants à considérer l’argentique. Quelle est la vision de l’argentique dans les 10 prochaines années ?

Leica produit toujours le M-P et le M1, deux boîtiers argentiques. Depuis 4 ans il y a une demande croissante. Aujourd’hui on revient avec un M6. Ce n’est pas une série limitée, mais il va être limité dans le temps. On va en produire quelques milliers pendant peut-être un ou deux ans. Mais il y aura toujours en produit le M-P et potentiellement le M1.

Les gens passionnés de photo qui connaissent l’argentique ont tendance à utiliser le numérique, mais aussi à faire pas mal de photos en argentique. C’est une forme d’art spécifique, encore différent de l’art numérique. Ils aiment le film, ils aiment tirer leurs images, mettre leurs mains dans des bains, voir l’image se développer devant leurs yeux, etc. Ce marché est en croissance aujourd’hui.

En termes de pérennité, on parle d’appareils purement mécaniques, il y a très peu d’électronique dedans. Les gens aiment ces produits qui restent. Au niveau mondial, on voit que le marché de l’argentique grossi. Je pense que cela restera une niche, mais une niche qui peut devenir assez importante. Adresser une telle niche pour Leica est extrêmement intéressant et cela a du sens pour la marque, qui vend moins d’appareils photo que d’autres grandes marques japonaises.

Aujourd’hui Leica développe son expertise dans d’autres domaines que la photographie, avec par exemple les smartphones ou les vidéoprojecteurs. Quelle est la stratégie de développement de Leica ?

Leica restera forcément sur les activités Photo et Sport Optics. C’est notre cœur de métier. Après, on essaie toujours de délivrer la meilleure image. C’est pour cela que l’on fait des optiques où l’on va chercher des qualités que d’autres marques ne vont peut-être pas chercher. On a tendance à aller se positionner un peu tout seul sur ce type d’optiques.

Certaines autres marques auraient sûrement les compétences pour faire de meilleures optiques, mais elles se disent qu’il n’y a pas de marché. Nous prenons le parti d’aller là où tout le monde pense qu’il n’y a pas de marché. Et j’aurai tendance à dire que cela fonctionne très bien.

L’idée est toujours de faire des produits exceptionnels avec une conception exceptionnelle et les meilleures optiques possibles. On reste constamment droit dans nos bottes et on va dans des univers où on est légitime.

Par exemple, pourquoi Leica fait-il des montres ? Dans un boîtier M argentique, il y a plus de 1300 pièces rien que sous le capot. Une montre à grande complication possède 300 à 350 pièces. Leica sait donc faire ce que savent faire des horlogers en micro mécanique. On fait donc notre propre mouvement. Cela prit beaucoup de temps en développement, c’est de très petites quantités, et on ne prétend pas développer des quantités gigantesques.

On se dit qu’on a de la légitimité à faire cela, donc on y va. Aujourd’hui, le mécanisme des montres L1 et L2 est un petit chef-d’œuvre. Et en plus de cela, l’Allemagne fait partie des deux pays qui sortent du lot en horlogerie – avec bien sûr la Suisse. Il y avait eu des montres Leica dans le passé, qui étaient davantage des montres publicitaires. Aujourd’hui, on fabrique entre 150 et 200 montres par an pour le moment, on a donc beaucoup plus de commandes que ce qu’on est capable de livrer. Je pense que cette division des accessoires et des montres a tout un avenir devant elle.

Leica fait aussi son propre jeu de cartes

En ce qui concerne la télévision laser, qui est en train d’être développée, on parle bien sûr d’optique. On ne va ici pas s’attaquer à l’objet télévision, mais plutôt à être des spécialistes de l’optique pour la télévision laser. J’ai encore peu d’informations sur ce prochain produit [le Vidéoprojecteur Laser Leica Ciné 1, NDLR], mais j’ai eu des démonstrations de ce produit qui sera disponible, je pense, en Europe à partir d’avril 2023. C’est assez extraordinaire. Par rapport à un grand écran plat, je ne pensais pas que l’on puisse arriver à ce même rendu. La profondeur de l’image et ce que l’on peut ressentir est juste incroyable.

Leica Cine 1 Laser TV

Ce sont d’ailleurs des technologies de demain : les téléviseurs actuels consomment 4 à 5 fois plus d’énergie que ce type de vidéoprojecteur laser. Par ailleurs, on ne s’abîme pas les yeux puisque l’image est projetée sur un mur ou un écran et nous revient. On atteint également des formats très importants. Je pense que cela a encore une fois du sens pour Leica de développer la partie optique de ce genre de produits.

Au niveau de la division Leitz Ciné, cela fait de nombreuses années que l’on produit des optiques pour différentes caméras de cinéma. Beaucoup de réalisateurs utilisent de plus en plus de boîtiers hybrides pour filmer. C’est quelque chose où Leica a toute sa légitimité puisque de nouveau on a un modelé dans l’image que les réalisateurs apprécient. Cela fait déjà 8 ans que l’on est dans cet univers. C’est un marché en pleine croissance. Il y a même une ligne M-08 qui est basée sur les optiques M que l’on peut monter sur les boîtiers M.

Et sur l’activité mobile, ce qui nous intéresse particulièrement c’est la photo. L’univers du mobile a déjà très largement remplacé les compacts. Cela a donc du sens pour nous d’être dans cet univers. On n’interviendra cependant jamais comme fabricant de mobiles, ce n’est pas notre métier. On est plutôt sur la partie optique et traitement de l’image.

Est-ce que l’on pourrait retrouver un jour des technologies Leica chez plusieurs constructeurs mobiles ?

Je pense que l’on va sûrement rester avec un seul partenaire. Aujourd’hui on est avec Xiaomi. On a aussi fait un téléphone, le Leitz 1 au Japon avec Sharp [et le Leitz 2, annoncé après notre interview, toujours avec Sharp]. C’est un vrai téléphone Leica qui n’est distribué qu’au Japon. Peut-être qu’un jour il y aura un téléphone Leica, mais qui sera toujours basé sur les technologies de cette marque.

En juin dernier, Leica et Panasonic ont annoncé la L2 Technology, une collaboration stratégique. Comment cela pourrait-il se concrétiser ?

Là-dessus, je n’ai pas encore d’informations. Leica est partenaire avec Panasonic et Sigma sur l’alliance L-Mount. Je pense qu’elle est très intéressante puisqu’elle ouvre un parc d’optiques et boîtiers qui utilisent toutes et tous la même monture, ce qui donne accès au client final à une multitude d’optiques qu’il peut monter sur une multitude de boîtiers.

Est-ce que la L-Mount Alliance a contribué à l’augmentation des ventes de produits Leica, notamment SL ?

Je pense que cela y contribue. Leica a une manière de faire des optiques en poussant le vice : on essaie de faire des optiques qui soient extraordinaires. Je vous encourage à tester les optiques SL APO SUMMICRON f/2 comme le 21, le 28, le 35, le 50, le 75 et le 90 mm. Ce sont des optiques extraordinaires et qui ont un certain coût. Elles varient entre 4000 et 5500 €. Ce qui m’intéresse dans cette alliance c’est que d’un côté on peut avoir des optiques exceptionnelles comme celles-là, mais aussi choisir des optiques plus compactes, plus simples, qui sont également très bien faites par Panasonic et Sigma.

Leica SL2 avec le SL APO SUMMICRON 50 mm f/2

Je pense que Sigma a un large choix d’optiques qui peuvent être complémentaires aux nôtres en L-Mount et ce partenariat est donc bénéfique.

J’invite vraiment les gens qui aiment le SL2 et qui achètent certaines de nos optiques à aller aussi tester des optiques Sigma et Panasonic parce qu’il y a des choses intéressantes. Le but est vraiment d’ouvrir le système. Je n’ai pas de problème avec cela : on fait des optiques à la manière Leica, automatiquement ce sont des optiques où l’on va apporter des gains de qualité qui ont une certaine valeur.

Cela ne veut pas dire que Sigma et Panasonic ne font pas de bonnes optiques, mais elles sont différentes. Je pense qu’il faut de tout pour faire un monde et ce système est intéressant. Il y a certaines optiques chez Panasonic et Sigma que nous ne ferons pas (comme un 135 mm f/1,8) et que je trouve très intéressantes.

Quel a été l’accueil du M11 ?

Le M11 est disponible depuis environ 8 mois. Cela marche très fort. Chaque nouveau M est un peu meilleur que le prédécesseur et on se demande toujours ce qu’on va pouvoir proposer. Parce qu’on ne va pas mettre d’autofocus, sinon ce n’est pas un M. Parce qu’on ne va pas le faire hybride, sinon ce n’est pas un M. Le M reste le M. Qu’est-ce qu’on peut faire de plus ? Le M10 et ses déclinaisons M10-P et M10-R étaient déjà d’excellents boîtiers. Là, les chefs produit et ingénieurs ont encore passé une étape avec ce M11, qui donne de la polyvalence avec cette triple définition 18, 36 et 60 Mpx. Le capteur est excellent et étant donné que les optiques sont sublimes, les deux combinés cela donne des résultats extraordinaires.

Leica M11 sur le stand Leica au Salon de la Photo 2022

Je dis toujours que le M est un appareil ingrat : si on ne le connait pas, on va faire de mauvaises images au début. C’est un appareil qui se mérite. Mais une fois pris en main et qu’on le connait, on vas faire les plus belles images du monde. Pour les utilisateurs des boîtiers comme le Q2 ou le système SL, un jour ou l’autre ils passeront au M, qui est l’étape ultime, la porte du paradis (rires).

Et pourquoi pas un M avec un viseur électronique ?

Cela pourrait arriver, mais ce ne sera pas un M. Un M c’est une visée télémétrique. D’ailleurs le M vient de Messucher, télémétrique en allemand. Si un boîtier a une visée hybride, on ne peut pas l’appeler M.

Dans la dernière vidéo sur le M11, on a pu apercevoir un mockup d’un boîtier qui ressemblait beaucoup à un moyen format. Aujourd’hui Leica n’a que le S3, un moyen format reflex. Est-ce qu’un moyen format hybride pourrait arriver un jour ?

Pour le moment, je n’ai pas d’informations sur le sujet. Je pense que s’il y a une suite au S3, logiquement ce sera un hybride. C’est marrant, il y a beaucoup de gens qui regardent dans le détail et ils ont vu ce tableau dans cette vidéo. Quand Audi sort la 4e génération de l’A6, la 5e génération est déjà prête. Dans l’industrie, on doit savoir ce qu’on va faire à terme. Les gens ont regardé cela et ont dit “ça arrive !”. Attention, cela doit prendre son temps.

Leica Camera - M11 Keynote

J’ai été directeur général de la division Sport Optics pour le monde et avant j’ai été responsable du marketing du groupe en Allemagne. Quand on sortait un produit, on savait à quoi allait ressembler celui d’après. Cela ne veut pas dire qu’il arrive. Cela peut prendre 3-4-5 ans. Un développement produit c’est beaucoup d’investissements et cela prend du temps.

Capture d’écran de la Keynote Leica M11 publiée sur Youtube le 13 janvier 2022

Et surtout, chez Leica nous avons des cycles produits assez longs. C’est un truc qui est assez perturbant : quand tu achètes un Leica tu l’achètes pour la vie, l’idée c’est de pouvoir le passer à tes enfants qui le passeront après à leurs enfants. Avec le numérique, on n’a pas tellement d’antécédent. Les optiques, ça reste. Les boîtiers, ça évolue. Ils tiennent dans le temps, pas de problème, mais il y a des évolutions technologiques, qui ont tendance à se tasser un petit peu avec le temps. Je suis pour des durées de vie assez longues et chez Leica on a tendance à avoir des cycles de vie de produits qui sont plus longs que chez les autres constructeurs. C’est aussi pour cela que la qualité de construction est si importante.

Chaque produit qui sort doit pouvoir tirer la marque vers le haut. Il faut sortir quelque chose si on a quelque chose à dire, s’il y a une réelle amélioration. On n’utilise jamais la marque pour tirer le produit, les clients ne sont pas dupes.

Leica va bientôt ouvrir un nouveau magasin à Paris, pouvez-vous nous en dire plus ?

Ce nouveau store de 300 m² sera ce qu’on appelle un flagship. Il sera situé à Paris entre rue Boissy d’Anglas et Village Royal avec une vitrine de chaque côté. Il devrait ouvrir en avril 2023 et l’idée est de faire rayonner la marque et d’offrir une expérience immersive.

Leica Store – Rue la Boétie à Paris

On pourra y retrouver toute la photo, le Sport Optics, la télévision laser, des accessoires comme nos montres, mais également un véritable espace galerie d’environ 150 m². On retrouvera également un espace Leica Akademie avec des ateliers et des workshops, un espace pour le service après vente, avec un fort développement de tout le service que l’on pourra faire directement en France.

Espace exposition au Leica Store Rue la Boétie

J’insiste là-dessus. Une marque comme la nôtre se doit d’avoir un service parfait. Un service parfait c’est avoir un interlocuteur identifié, que l’on peut rencontrer facilement, de qualité et qui soit le plus rapide possible. On essaie de développer cela en France. Je pense qu’on a un très bon SAV chez Leica, mais l’idée est de le localiser et le faire au plus près de nous, en évitant de retourner certains produits en Allemagne pour les faire revenir ensuite.

L’objectif est d’avoir une équipe plus étendue au niveau du SAV et de faire une majorité des réparations directement dans ce nouveau Store au centre de Paris. Ce sera d’ailleurs le plus grand magasin Leica en France, de loin, avec un peu plus de 30 m² réservés au SAV, avec certaines machines qui nous permettront de faire certains types de réparation sur place.

Est-ce que le Store Leica est le canal de vente principal ?

Leica est en distribution sélective, avec peu de partenaires. L’organisation de la distribution est la suivante : 5 magasins en France, dont 3 à Paris, 1 à Lille et 1 à Marseille. Un réseau de partenaires qui sont des boutiques avec un shop in shop Leica ainsi que d’autres partenaires qui distribuent certains produits, mais pas les systèmes de Leica. Tout cela est assez restreint en nombres de points de vente.

Nos stores représentent environ 30% du chiffre d’affaires global sur la France, la Belgique et le Luxembourg. Ensuite, nos partenaires boutiques représentent une bonne partie du reste.

Merci à Cyril Thomas d’avoir répondu à nos questions. Nous tenons également à remercier l’équipe Leica France pour cette interview.

Pour en savoir plus, retrouvez tous nos articles sur Leica.

Fondateur et rédacteur en chef

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  1. Bonjour,

    c’est un excellent documentaire, riche, détaillé et instructif.
    Mais comment admettre que vous laissiez appeler des boutiques,
    des magasins des « stores » et pire que vous utilisiez ce vocable
    anglo-saxon…
    Ceci-dit, pour le fond, et la documentation, bravo.

    Cordialement votre.

    Jean

  2. “une fois que l’on a essayé un Leica, c’est très difficile de faire machine arrière”

    Vraiment un à-priori pour gens très aisés.

    On ne prend de bonnes photos qu’avec le matériel adapté au sujet, et que l’on maitrise.
    Ce n’est pas le cas d’un Leica en toutes circonstances, comparé à un reflex ou un numérique.
    C’est un bel objet, oui, d’accord, mais dont les résultats, et seulement pour certaines prises de vue, peuvent être comparés, à égalité, à d’autres matériels bien plus universels.

  3. Bonjour,

    A la lecture de cet article, je me demande s’il s’agit d’une publicité ou d’un entretien.
    “une fois que l’on a essayé un Leica, c’est très difficile de faire machine arrière”
    J’en ai d’autres :
    “une fois que l’on a essayé un Fujifilm, c’est très difficile de faire machine arrière”;
    “une fois que l’on a essayé un Sony, c’est très difficile de faire machine arrière”, etc.

    Cela fait 30 ans que je photographie, il ne m’est jamais venu à l’esprit d’acheter le moindre produit de cette marque.
    Je suis persuadé que ce n’est pas le tarif du matériel qui fait une bonne photo mais plutôt celui qui la prend. J’ai d’ailleurs vu d’excellentes photographies prises avec des smartphones à 100 euros et heureusement que cette passion n’est pas liée au portefeuille !

    Je ne doute pas qu’il s’agisse de bons produits (mais qui en fait de mauvais) à ce niveau de prix cela me parait être la moindre des choses.
    N’ayant pas la prétention d’être henry Cartier Bresson mais juste un passionné, je m’en suis toujours passé et continuerai à le faire.

    Bien cordialement.