Le Contemporary African Photography Prize est un concours photo africain qui décerne chaque année depuis 2012 des prix aux photographes contemporains issus du continent africain ou bien qui ont travaillé sur le sujet. Il a été créé par Benjamin Füglister, un artiste suisse qui souhaitait mettre en avant la photographie africaine pour repenser l’image de l’Afrique.
Les cinq gagnants de l’année présentent ensuite leurs travaux lors d’un festival mondial et acquièrent une certaine renommée. Pour la 6e édition, 800 personnes ont participé au concours et 25 photos finalistes ont déjà été retenues. Parmi elles, nous avons choisi subjectivement 13 photographies dont nous souhaitons présenter l’histoire et l’artiste.
Sommaire
- Finding Freedom in the Water d’Anna Boyiazis
- With Butterflies, and Warriors de David Chancellor
- Cidade em Movimento de Delio Jasse
- The Things we Carry d’Esther Mbabazi
- Six Degrees South de Gilles Nicolet
- Manankim de Jenevieve Aken
- Nsenene Republic de Michele Sibiloni
- Are You Calling Me a Dog? de Nura Qureshi
- Plastic Crowns de Phumzile Khanyile
- Shadows of Domestic Work de Ralph Eluehike
- Butterflies are a Sign of a Good Thing d’Ulla Deventer
- Casablanca is not a movie de Yassine Alaoui Ismaili
- L’apparition d’un lointain si proche de Baptiste de Ville-d’Avray
Finding Freedom in the Water d’Anna Boyiazis
Anna Boyiazis est une photographe documentariste américaine qui partage sa vie entre le sud de la Californie et l’Afrique de l’Est.
Pour sa série Finding Freedom in the Water, elle a obtenu le deuxième prix du World Press Photo dans la catégorie « Personne ». Les photographies suivent le parcours des filles de l’archipel de Zanzibar dans leur apprentissage de la nage. Ayant grandi dans une culture islamique conservatrice, elles n’étaient pas autorisées à aller dans l’eau et n’ont donc pas acquis cette compétence vitale.
Le projet Panje souhaite changer la donne. L’association travaille avec des femmes et des filles locales pour leur fournir des maillots de bain, briser les tabous et leur apprendre à nager.
With Butterflies, and Warriors de David Chancellor
Le photographe David Chancellor est spécialisé dans les chasseurs, aussi bien ceux d’Europe que les braconniers d’Afrique.
Pour sa série With Butterflies, and Warriors, toujours en cours de réalisation, il est allé suivre les communautés locales dans les pâturages du nord du Kenya. C’est eux qui sont en première ligne pour conserver et protéger la faune contre la menace des braconniers.
Cidade em Movimento de Delio Jasse
Delio Jasse est un photographe angolais qui vit aujourd’hui entre Lisbonne et Milan. Son travail photographique est basé sur les parallèles entre le passé et le présent.
Pour sa série Cidade em Movimento, le photographe est revenu en Angola pour photographier les effets des changements économiques sur les populations locales. Le boom pétrolier a donné une dynamique économique au pays qui n’a malgré tout pas pu se développer sur le long terme à cause de la chute des prix en 2014.
Les photographies ont été prises à Luanda, la capitale de l’Angola, en 2016. Elles transmettent un sentiment de calme et de désillusion grâce à cette teinte bleue appliquée à tous les clichés.
The Things we Carry d’Esther Mbabazi
Esther Mbabazi est une jeune photographe de 23 ans née en Ouganda et basée à Kampala, la capitale de ce pays d’Afrique de l’Est.
Dans sa série en diptyque The Things we Carry, Esther suit la vie des réfugiés sud-soudanais dans le camp de Bidi Bidi à Yumbe, au nord de l’Ouganda. Elle leur a demandé la chose la plus importante qu’ils avaient amenée avec eux dans leur périple. Souvent léger, l’objet peut être un souvenir, une chose réconfortante, ou bien encore un objet qui leur donne du courage, un oreiller pour dormir, une peluche ou la seule chose qui leur restait.
Six Degrees South de Gilles Nicolet
Photographe autodidacte, Gilles Nicolet vit en Afrique depuis près de 35 ans maintenant. Il arpente aujourd’hui la côte Swahili, première étape d’un long voyage photographique pour documenter les communautés des pêcheurs défavorisés dans le monde.
Pendant des siècles, ces peuples vivaient de la pêche abondante. Mais la surpêche et le réchauffement climatique menacent leurs vies. Selon le photographe, il se pourrait que l’on assiste à la disparition de la dernière tradition de pêche et de navigation inchangée depuis des centaines d’années.
Manankim de Jenevieve Aken
La photographe nigérienne Jenevieve Aken est spécialisée dans la photographie sociale et documentaire. Elle aime raconter des histoires à travers ses clichés pour partager les expériences sociales et les problèmes contemporains des personnes qu’elles rencontrent.
Manankim est un mot qui fait référence aux jeunes femmes excisées qui entrent dans leur féminité à la suite de cette mutilation génitale. Ces adolescentes doivent être vierges et restent enfermées pendant deux semaines pour faire cicatriser leur blessure en salle d’engraissement avant d’être montrées à la communauté. Symbole de la pureté, la jeune fille est la fierté de la famille. Elle peut également mourir d’une hémorragie à la suite de l’opération et mal guérir de ces mutilations.
Certaines jeunes femmes sont excitées à l’idée de cette nouvelle étape de la vie. D’autres en ont peur. La photographe s’est entretenue avec elles et a voulu, à travers ses clichés, représenter les valeurs traditionnelles de ces tribus minoritaires de la Bakor au Nigeria. Elle-même originaire de ce groupe ethnique, l’artiste souhaite aussi montrer le conflit de ses différentes valeurs culturelles.
Nsenene Republic de Michele Sibiloni
À Nsenene en Ouganda, la chasse aux sauterelles est une véritable source de protéines et de revenus pour les habitants. En période de migrations qui ont lieu deux fois par an, des troupes innombrables de sauterelles traversent le ciel étoilé.
Michele Sibiloni est un photographe italien installé en Ouganda depuis sept ans. Principalement basé sur la nuit, son travail documente ce pays d’Afrique de l’Est en pleine expansion. Avec sa série Nsenene Republic, Michele souhaite montrer la frontière entre l’image traditionnelle et ancienne de cette pratique et son côté novateur qui pourra bientôt nourrir le monde.
Are You Calling Me a Dog? de Nura Qureshi
Plus d’un demi-siècle après l’indépendance du Kenya, les personnalités qui ont forgé la libération disparaissent une à une. La photojournaliste Nura Qureshi a souhaité revenir sur la résistance Mau-Mau en la réinventant, notamment grâce à des photographies de paysage, des portraits et du cinéma afin de recréer les scènes de rituels des Mau-Mau et des oppressions britanniques. La série Are You Calling Me a Dog? se pose aussi la question des débouchés de l’indépendance qui n’a pas réellement permis au pays de se libérer et de s’épanouir.
Plastic Crowns de Phumzile Khanyile
Née en Afrique du Sud en 1991, l’artiste Phumzile Khanyile propose une série qui sort des conventions sociales pour s’interroger sur l’image de la femme dans la société moderne.
Plastic Crowns explore les limites de ce que la grand-mère de Phumzile appelait une « femme bien ». Faut-il s’habiller ainsi ? Est-il possible d’avoir plusieurs partenaires ? Une homosexuelle peut-elle être une femme bien ?
À coup d’autoportrait, la photographe travaille sur son corps pour se découvrir en tant que femme. Les cadres sont remplis d’objet très symbolique qui explore cette question de la femme contemporaine en Afrique. Les ballons par exemple symbolisent les différents partenaires, grand péché pour sa grand-mère chrétienne.
Shadows of Domestic Work de Ralph Eluehike
Avant de décrocher plusieurs bourses artistiques pour suivre sa passion photographique, Ralph Eluehike est diplômé de géophysique dans une université au Nigéria.
Dans sa série Shadows of Domestic Work, le photographe souhaite mettre en lumière la maltraitance des travailleurs domestiques dans le monde. Ils seraient au nombre de 64,5 millions, dont certains vivent dans l’emprisonnement, la torture et le désespoir.
Butterflies are a Sign of a Good Thing d’Ulla Deventer
Étudiante et chercheuse à l’académie d’Anvers, Ulla Deventer est une photographe établie à Hambourg. Sa série Butterflies are a Sign of a Good Thing est un long projet qui documente le quotidien des femmes à Accra, capitale du Ghana.
Cette ville propose peu d’opportunités économiques, et ces femmes sont souvent obligées de survivre grâce à la prostitution. Avec l’aide de l’artiste Sam Kessie, Ulla a également fait des interviews et des vidéos des personnes qu’ils rencontraient.
Ainsi, ce projet montre la féminité dans une métropole africaine à notre époque tout en laissant place à la personnalité de ces femmes qui parlent de leur rêve, de leur passion et de leur problème. Dans cette société misogyne, très religieuse et peu développée économiquement, la place d’une femme n’est pas la plus facile.
Casablanca is not a movie de Yassine Alaoui Ismaili
Basé à Casablanca au Maroc, Yassine Alaoui Ismaili est un photographe et un chorégraphe marocain qui collabore régulièrement avec the New York Times, the National Geographic, Vogue ou encore the Gardian.
Plus connu sous le pseudonyme de Yoriyas, l’artiste marocain est spécialisé dans les photographies de rue et les portraits. Pour sa série Casablanca is not a movie, il a souhaité montrer le vrai visage de cette ville, la plus grande du pays. Le titre fait référence au film Casablanca que tout le monde a vu, mais qui n’a même pas été tourné dans la ville, mais dans un studio hollywoodien.
Les perspectives sont très intéressantes et les photographies de rue sont d’une grande qualité. Entre insolite, trouble et structure maitrisée, les photographies de Yassine nous font (re)découvrir cette belle ville méditerranéenne.
L’apparition d’un lointain si proche de Baptiste de Ville-d’Avray
Né en France en 1982, Baptiste de Ville-d’Avray travaille entre l’Europe et l’Afrique. Son regard cinématographique sur les paysages et les portraits donne à ses photographies un côté très poétique grâce à un plan souvent très large.
Depuis 2009, il a pour projet de capturer les mutations des sociétés en Méditerranée et surtout au Maroc. Entre photographie documentaire et fiction, Baptiste tente de montrer les contradictions du pays tiraillé entre le mouvement perpétuel et l’immobilité des corps. Les habitants semblent en effet perdus dans ces édifices en béton sorti du sol précipitamment et dénaturant un paysage pourtant si idyllique.
Pour découvrir tous les finalistes du concours, n’hésitez pas à vous rendre sur le site du CAP Prize. Si vous aimez les sélections de photographies, nous vous proposons un TOP 20 des plus belles photos prises par drone, un TOP 15 des photographies nominées au World Press Photo et un TOP 25 des finalistes du Sony World Photography Awards.