Interview Fujifilm au Salon de la Photo 2023 : « Le plein format est largement surcoté »

Fujifilm a multiplié les sorties de nouveaux boîtiers photo entre 2022 et 2023, de l’instantané au grand format en passant par de (nombreux) produits APS-C. Lors du Salon de la Photo 2023, Franck Bernard, Directeur de la division photo chez Fujifilm France, a détaillé la stratégie et les ambitions de la marque.

Interview Fujifilm au Salon de la Photo 2023 : «le plein format est largement surévalué»

Dans quel état d’esprit se trouve Fujifilm à l’entame de cette deuxième édition du Salon de la Photo à la Grande Halle de la Villette ?

Fujifilm se trouve dans une excellente disposition, d’abord parce qu’on a la chance de communiquer à la fois sur les appareils photo numériques, mais aussi sur de l’instantané, sur les équipements pour les photographes pro, sur l’impression et aussi MyFujifilm.

Interview Fujifilm au Salon de la Photo 2023 : «le plein format est largement surévalué»

Pour nous, le salon est un événement incontournable durant lequel on montre au grand public l’ensemble des produits qu’on développe sur la catégorie image. On est très content et on attend beaucoup de monde.

Vous allez profiter du Salon pour dévoiler des produits inédits ?

Il n’y aura pas de nouveautés à proprement parler, mais on présentera au grand public pour la première fois des produits uniques comme l’Instax Pal, les optiques tilt-shift pour GFX et surtout le moyen format GFX100 II.

Interview Fujifilm au Salon de la Photo 2023 : «le plein format est largement surévalué»

Justement, comment ont été accueillies les dernières nouveautés de Fujifilm ?

L’accueil du GFX100 II et de ses objectifs à décentrement a été très positif. Dès son lancement, on a senti un engouement de la part de toutes les personnes qui avait pu l’essayer. Et même pour les optiques à décentrement, on a senti une grosse attente que peut-être, nous n’avions pas imaginée. Tout cela devrait se retrouver dans nos résultats de fin de l’année 2023.

Interview Fujifilm au Salon de la Photo 2023 : «le plein format est largement surévalué»

Nos ambitions sont très fortes. Pour rappel, la stratégie de Fujifilm est de prendre en tenaille les appareils plein format entre nos moyen formats et nos boîtiers APS-C. Outre l’arrivée du GFX100 II, je rappelle quand même qu’on a lancé depuis 15 mois le X-H2, le X-H2S le X-S20 et le X-T5. On est sur une très forte dynamique.

Le Fujifilm GFX100 II est doté d’un autofocus plus musclé et d’une meilleure rafale, en verra-t-on certains au bord des stades pour les JO de Paris ?

Pour les Jeux olympiques, on verra, mais c’est sûr qu’en ayant un autofocus qui est à la hauteur des attentes des professionnels du sport, c’est une très bonne chose. On va aussi aller chercher les experts de l’animalier, un secteur qui était quand même bien verrouillé par certaines marques et on s’en réjouit.

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Le GFX100 II est aussi très bon en vidéo. Il a une vocation pour le cinéma et va nous permettre de couvrir tous les besoins professionnels. Mais oui, il est évident que l’autofocus va lui donner une connotation sportive et on pourra retrouver ce produit autour des stades.

Dans la même logique, est-ce que le Fujifilm X-H2S arrive à se trouver une place dans le monde du sport professionnel ?

La route est longue, il nous faut « évangéliser » nos potentiels clients. Le X-H2S est un produit qui prend une part de marché, mais il faut lui laisser du temps, c’est un excellent produit.

Après, il ne s’agit pas seulement d’avoir le meilleur produit, il faut aussi avoir tout l’écosystème, le réseau de distribution, un marketing fort, la bonne stratégie de communication, faire essayer le produit, etc. Ce n’est pas si évident que cela.

Vous attendez alors que le GFX 100 II surpasse son aîné et le GFX 100S ?

C’est sûr sinon on ne l’aurait pas fait. En France [comme ailleurs dans le monde, NDLR], nous avons relancé le moyen format en surprenant tout le monde. Notre volonté d’encercler le plein format est réelle. Nos ambitions sont extrêmement fortes.

D’ailleurs, quelle est la part de marché occupée par Fujifilm sur le moyen format en France ?

Je ne crois pas qu’occuper 90 ou 95 % du marché soit le plus important. On a avant-tout recréé la demande, on a recréé ce marché qui demeurait méconnu. Il y avait des constructeurs installés comme Phase One, Pentax ou encore Hasselblad, mais je pense que personne ne s’en occupait vraiment. On a créé la surprise et ça a réellement été une surprise immense. Du coup, je ne saurai pas vous communiquer les progressions.

Notez qu’on exploite ce créneau à fond, car nous pensons que ces gros capteurs sont une alternative au plein format et qu’il y a de vrais besoins, notamment chez les professionnels.

En termes de parts de marché global, comment s’en sort Fujifilm ?

Nous nous concentrons surtout sur les hybrides et on fait bien la distinction entre les non plein format et les plein format. Ainsi, en France, sur le marché des hybrides (hors plein format), je peux vous dire qu’on est leader avec 26 % de parts de marché sur 12 mois glissants. Et notre produit phare, ça reste le X-T5, le modèle étalon de la gamme. Vient derrière le X-T30 II, et suivent ensuite les X-S10 / X-S20.

Et comment analysez-vous le marché de la photo aujourd’hui, à l’aune de la domination des smartphones ?

Je crois que cela dépend toujours de quel point de vue on se place. Si l’on regarde le chiffre d’affaires ou la production en quantité, il est certain que le marché a chuté depuis l’abandon des compacts.

Cependant, le marché a explosé en valeur. Pour moi, le marché de la photo est pérenne et le restera toujours. La demande d’appareils photo persiste et les smartphones sont un accélérateur de cette demande. Tous les jeunes qui sont passés par un smartphone se disent, à un moment ou à un autre, « je vais aller sur un vrai appareil photo parce que la qualité est au rendez-vous, c’est quand même autre chose. »

Interview Fujifilm au Salon de la Photo 2023 : «le plein format est largement surévalué»

Quelle était l’idée derrière la sortie de l’Instax Pal ?

Aujourd’hui, on est vraiment très content d’avoir l’Instax Pal. Ça permet de communiquer sur la marque, ça permet de communiquer sur l’instantané différemment. Quand vous avez un Mini 11, que vous passez au Mini 12, il y a certes quelques innovations techniques, mais rien de révolutionnaire.

Alors qu’avec l’Instax Pal, on est sur tout autre chose, sur un produit radicalement différent, atypique. Après, on verra si le succès du produit sera au rendez-vous ou non. On veut tout d’abord recréer l’effet de surprise pour l’utilisateur. Ce moment où l’on se demande quelles sont les photos que je vais avoir finalement ?

Quant à ses résultats de vente, on verra bien à Noël. C’est aussi un pari. Quand on lance un Mini 12 on sait tout de suite que ça va être un succès. Pour l’Instax Pal, on est sûr de rien, mais on est optimistes. On est aussi là pour donner sa chance au produit et s’investir à fond pour que cela soit un succès.

Justement, la gamme Instax se porte-t-elle bien ?

Nous sommes leaders que ce soit pour les instantanés ou les imprimantes nomades. Le Fujifilm Instax Mini 12 est en 1ère position aujourd’hui selon les données du cabinet GFK.

L’Instax Mini Evo fonctionne très bien, il est 3e sur son marché, mais c’est un résultat un peu faussé, car il se retrouve dans la même catégorie que les appareils conçus par des fabricants de jouets, alors qu’il est bien plus haut de gamme.

On sait que le compact expert Fujifilm X100V est souvent victime de son succès. Avez-vous des nouvelles d’un éventuel successeur ?

Je ne peux malheureusement pas vous répondre. Ce que je peux vous dire c’est qu’aujourd’hui, la série X100 lancée en 2011 est un produit qui est devenu iconique autant par son look, par son côté vintage que par sa qualité.

La demande pour le Fujifilm X100V est forte et cette demande n’a cessé de s’envoler. Et parfois, l’entreprise qui fait des prévisions 12, 13, voire 15 mois à l’avance, est un peu pessimiste et va sous-estimer une tendance. Et nous n’avons pas vu venir cette vague apportée par les réseaux sociaux.

Mais à présent, on essaye de suivre et le produit est là et nous en livrons presque tous les jours. Nous n’arrivons cependant toujours pas à solder la liste d’attente.

Pour ce qui est d’un successeur, je n’ai pas d’informations à ce jour, il est d’ailleurs trop tôt pour en parler. Cela fait maintenant 3 ans qu’il est sorti et nous n’avons pas un cycle de renouvellement bien fixe nous obligeant à changer de boîtier tous les trois ans.

Aujourd’hui, on essaie de produire afin de satisfaire la demande extrêmement forte. Croyez-moi, nous sommes sous pression de la part des clients sur cette référence puisque c’est un modèle à forte valeur ajoutée. Il y a même des gens aujourd’hui qui vont sur LeBonCoin et qui remettent leurs X100V en vente à des prix affolants.

On constate que Fujifilm ne propose plus de boîtiers d’entrée de gamme, comment l’expliquer ?

Si nous avons décidé d’arrêter les produits d’entrée de gamme type X-T200 ou X-E4, c’est parce que ce n’est pas porteur comme marché. Aujourd’hui, des concurrents décident aussi d’abandonner certaines lignes de produits plus accessibles.

Je crois que Fujifilm a fait le choix industriel depuis déjà plus de 5 ans de se tourner vers des produits haut de gamme et on ne reviendra pas sur des produits d’entrée de gamme.

En toute logique, il devrait y avoir un successeur au X-T30. On aimerait maintenir des produits plus anciens et abordables qui correspondent à un certain pouvoir d’achat. Mais on n’a pas de visibilité sur les futures gammes.

Étant donné votre stratégie de tenaille, Fujifilm n’a donc jamais vocation à se lancer sur le marché du 24×36 ?

Ce n’est pas le but à ce jour, non. Il faudrait développer des gammes d’optiques supplémentaires et c’est quand même des investissements conséquents. Depuis 25 ans que je suis dans le groupe Fujifilm, je n’ai pas souvent vu des gens qui arrivaient dans les magasins et disaient : « je veux un 24×36 ».

Le plein format, selon moi, c’est un marché qu’on a créé de toute pièce et c’est bien joué d’un point de vue marketing. Et aujourd’hui tout le monde a à la bouche le « full frame« . C’est selon moi largement surcoté.

Est-ce que vous considérez les constructeurs tiers comme une force à mettre en avant pour les optiques ?

Je vais rester assez neutre là-dessus. Bien sûr, il n’est pas question pour nous de freiner ou d’interdire. Après, cela peut faire de l’ombre sur la vente de certains objectifs, clairement. Mais je crois que la qualité Fujifilm est là, et que l’on peut faire la différence par rapport à Tamron, à Sigma ou aux autres. Je ne dis pas qu’ils font des objectifs de moins bonne qualité, mais voilà, il en faut pour tout le monde.

On ne s’oppose pas, on ne pousse pas, on est plutôt neutre. On a du respect, et toutes les nouveautés sont bonnes sur le marché de la photo.

C’est un état d’esprit qu’il faut absolument conserver, parce qu’il y a trop de gens qui ont un intérêt pour la photo. Pour moi, toute innovation, toute nouveauté, quelle que soit la marque, est bonne pour la photo.

Quelle est la place de l’IA dans le développement des appareils photo ?

L’IA, on l’a partout. Tout le monde en parle. Nous n’avons pas attendu la mode, le mot est très large. Il fait peur, mais comme je l’ai déjà dit, toutes les nouvelles technologies sont bonnes à prendre. Je ne suis pas dans les secrets industriels, mais je ne peux pas imaginer que Fujifilm reste à l’écart de ces technologies-là.

Franck Bernard, Directeur de la division photo chez Fujifilm France

Merci à Franck Bernard d’avoir répondu nos questions. Nous tenons également à remercier l’équipe de Fujifilm France pour cette interview.

Pour en savoir plus, retrouvez tous nos articles sur Fujifilm.

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  1. Logique que le patron de Fujifilm France dise que le full frame est surcoté puisqu’ils ne produisent pas ce type d’appareil. Les Fuji actuels sont d’un très haut niveau de qualité et c’est vrai que quand j’ai renouvelé mon matériel, le XT-30 me tentait bien. Finalement j’ai décidé de remplacer mon vieux Sony APS-C par un Panasonic Lumix S5. Du full frame donc, pour pas beaucoup plus cher. Ok, je veux bien que tout le monde n’en ait pas forcément besoin, mais en ce qui me concerne, je ne regrette vraiment pas. Certes en conditions de lumières optimales avec de bonnes optiques de part et d’autre, on ne voit littéralement aucune différence avec un APS-C ou un bon micro 4/3. Par contre en basse lumière le 24×36 est juste impérial avec des raw exploitables sans problème jusqu’à à 12800 iso. Formidable pour les spectacles en salle par exemple. Pareil en cas d’exposition complexe, la dynamique est énorme et permet de faire de belles chose à main levée, sans passer par du braketing d’exposition. Et comme les optiques plein format sont en général de très bonne facture les photos bénéficient la plupart du temps d’un excellent piqué dans toutes les situations.
    Ma conclusion, c’est que non, les 24×36 ne sont pas si surcotés que cela, et personnellement, j’aurais du mal à revenir en arrière tant le résultat me plaît.

  2. Merci pour cet article/interview et les sujets évoqués. Mais aucune question au sujet de la série X-pPro ? Abandon ?

  3. Dire que le marché du plein format est surcoté est une ineptie surtout quand Fuji n y présente pas de produit .
    L APS-C présente cette plusieurs intérêts,le moyen format est une niche;le marché de référence reste le plein format