Nous poursuivons notre tour des constructeurs au CP+ 2023. Nous avons ainsi eu l’occasion de rencontrer Keiji Oishi, responsable du département UX Planning au sein de la division Imaging de Nikon Corp.
Au cours de cette interview, Oishi-san est revenu sur l’année 2022, riche en actualités pour Nikon, ainsi que sur le Nikon Z 30, le Z fc et bien sûr le nouveau fer de lance hybride de la marque, le Z 9. Nous en apprenons un peu plus sur sa conception. Bien entendu, le sujet de l’ouverture de la monture Z a été abordé, ainsi que la stratégie à venir, notamment en vidéo. Place à l’interview.
L’année 2022 a permis à l’entreprise Nikon de retrouver la rentabilité. Comment 2023 semble-t-elle se profiler ?
Pour répondre à votre question, je voudrais revenir en premier lieu sur l’année passée. En 2022, nous avons réussi à accroître la variété des objectifs que nous proposons, notamment du côté des téléobjectifs. Au total, notre portfolio compte 36 objectifs, et répond aux besoins de tous les photographes, des amateurs aux professionnels.
Du côté des boîtiers, en 2021 nous avions lancé le Z 9. D’ailleurs, nous avons publié deux mises à jour majeures pour ce boîtier, afin de répondre aux besoins en constante évolution de nos clients.
En parallèle, nous avons lancé en 2022 l’hybride APS-C Z 30, qui est spécialement conçu pour les vloggers. Nous avons également dévoilé une version noire du Z fc.
Ces différentes gammes de produit permettent d’offrir un sentiment de joie lors de la prise de vue au quotidien, offrant des possibilités d’expressions allant bien au-delà du smartphone.
Nous avons également amélioré notre manière de communiquer avec nos clients à travers le monde. Aussi bien en ligne qu’en physique, nous avons optimisé nos points de contact avec nos utilisateurs.
Pour Nikon, 2023 se positionne comme une année où nous voulons être plus inclusifs : nous voulons inviter les jeunes générations à découvrir et approfondir leur pratique de la photographie. Nous voulons la rendre plus accessible, tant d’un point de vue matériel que logiciel, afin de répondre à leurs besoins.
Par ailleurs, notre priorité est de continuer à étendre nos gammes vers la vidéo, afin de répondre aux besoins des vidéastes professionnels comme des vloggers. Notre but est de continuer à stimuler les utilisateurs de nos produits. Et pour cela, nous ne nous basons pas uniquement sur nos lancements de produits, mais également par l’amélioration de l’expérience et de la valeur que nous offrons à nos clients. C’est tout cela que nous voulons accomplir en 2023.
L’arrivée de Nikon sur le marché des hybrides date de 2018 : le virage vers l’hybride est-il achevé ? Les reflex Nikon font-ils désormais partie du passé ?
Avec les lancements consécutifs des Z 9, Z fc et Z 30, nous disposons maintenant d’une gamme de boîtiers qui répond aux besoins des amateurs comme des professionnels – sans oublier les amateurs avertis.
Bien sûr, la stratégie de Nikon au sujet des hybrides se concentre sur les boîtiers allant du milieu au haut de gamme, tant pour les boîtiers que pour les optiques. Par ailleurs, les connaissances que nous avons acquises au cours du développement du Z 9 seront réemployées pour améliorer nos futurs produits.
En outre, nous pensons que de plus en plus de clients feront la bascule du reflex vers l’hybride, et nous voulons leur apporter une solution optimale. Cependant, nous sommes conscients qu’une certaine part de nos utilisateurs tiennent beaucoup au format reflex et nous continuons de vendre et d’assurer le support pour ces produits.
Le Nikon Z fc a été l’un des best-sellers de l’an dernier. Selon vous, qu’est-ce qui explique ce succès ? Pensez-vous lancer d’autres boîtiers au look vintage, notamment en plein format, comme le Nikon Df ?
Le concept initial du Nikon Z fc repose sur le plaisir et la joie. Nous avons conçu cet appareil dans l’espoir que ceux qui souhaitent un appareil photo au design unique ressentent une certaine joie, aussi bien en manipulant cet appareil qu’en réalisant des images avec.
Ce design vient de la longue histoire de Nikon et de son savoir-faire artisanal. C’est toute notre passion qui s’exprime. Le Z fc ressemble beaucoup au Nikon FM2, un boîtier argentique de légende. C’est de cette façon que nous répondons aux attentes des clients qui connaissent notre histoire et celle du FM2. Ils apprécient le design du Z fc car il ressemble comme deux gouttes d’eau à ce boîtier historique. En parallèle, je pense qu’il parle aussi beaucoup aux jeunes générations, qui ne connaissent pas forcément le FM2, mais apprécient le look vintage du Z fc.
Et notamment les nouveaux coloris, que vous exposez au CP+ ?
Oui, et je vous remercier de les mentionner, car nous recevons beaucoup d’échos positifs de la part de nos clients.
Au sujet de la taille de capteur, nous avons fait le choix de l’APS-C car nous voulions proposer un boîtier qui soit suffisamment compact et abordable. Et son nom illustre notre pensée. Le « c » du Z fc correspond au mot anglais casual. Vous n’avez pas besoin de réfléchir à deux fois avant d’utiliser ce boîtier : vous l’attrapez et vous prenez du plaisir à photographier. Un point qui se retrouve à la fois en termes de taille et de prix.
Mais comme vous l’avez mentionné, dès que nous avons lancé le Z fc, bon nombre de personnes ont réclamé un équivalent doté d’un capteur plein format. Naturellement, nous ne pouvons pas évoquer en détails les produits à venir, mais nous entendons ces demandes et nous réfléchissons au type de produit qui pourrait y répondre pleinement.
Comme vous le disiez, le Nikon Z 30 est un boîtier orienté vlogging – un segment sur lequel Nikon était jusqu’alors absent. Avez-vous l’intention de cibler davantage les usages vidéo et vlogging ?
Nous pensons que le Z 30 répond aux attentes des vidéastes amateurs. Il s’agissait là d’une demande à laquelle nous avions besoin de répondre, et d’un segment très important pour nous. À ce titre, le Z 30 reçoit un accueil très favorable de la jeune génération, qui apprécie sa taille et son poids réduits.
Bien sûr, ce type de produits découle étroitement de l’importance considérable qu’ont pris les smartphones dans nos vies quotidiennes, et de la facilité avec laquelle les gens capturent des vidéos tous les jours. Il existe aujourd’hui une vraie demande pour une meilleure qualité d’image en vidéo – et c’est à cette demande que le Z 30 vient répondre. Car aujourd’hui, tout le monde peut devenir un créateur de contenu. Et je pense que cette tendance est là pour durer.
Certains photographes ont qualifié le Z 9 de « D6 killer », puisqu’il surpasse totalement les reflex monoblocs. Pouvez-vous nous rappeler les principales innovations de ce boîtier ?
Le Z 9 est un boîtier unique, et il incarne ce que les hybrides devraient être selon nous. Nous sommes repartis de zéro pour convenir ce produit qui est désormais notre porte-étendard. Il y a 4 éléments principaux que nos clients apprécient tout particulièrement.
D’une part, l’absence d’obturateur mécanique. Ceci apporte deux avantages : le boîtier est très adapté aux environnements silencieux, et l’absence d’éléments mécaniques accroît la durabilité du boîtier.
D’autre part, les utilisateurs apprécient beaucoup son viseur électronique et son aspect « viseur en temps réel ». Pour que les professionnels soient satisfaits par ce boîtier, nous devions vraiment optimiser le viseur. Or, sur un reflex, lors de prises de vues en rafale, un écran noir peut être observé dans le viseur en raison du miroir. Nous devions corriger ce point. L’absence totale du miroir, couplée à notre technologie double flux nous a permis de supprimer tout blackout et tout retard dans le viseur. C’est de ce point de vue qu’il s’agit d’un « viseur en temps réel », puisqu’il reproduit la scène telle que vous la voyez. Et c’est une fonctionnalité que nos concurrents n’ont pas encore réussi à proposer pour le moment.
En troisième lieu, les utilisateurs accordent une grande importance au suivi du sujet. Certes, nous avions déjà le suivi 3D sur nos reflex. Mais nous l’avons amélioré pour s’adapter aux besoins des hybrides. Sur le Z 9, l’autofocus est ainsi capable de suivre 9 types de sujets [auto, humains, félins, canidés, oiseaux, motos, trains, avions, vélos, NDLR].
Et en dernier lieu, nos clients apprécient beaucoup les capacités vidéo du boîtier. Le fait qu’il soit capable de capturer des séquences de longue durée en 8K en interne est très souvent cité comme l’un des points forts du Z 9. D’autant qu’il est compatible avec plusieurs types de compression : l’Apple ProRes 422 HQ 10-bit, le N-RAW 12-bit (8.3K 60p, 4.1K 120p) ou encore l’Apple ProRes RAW HQ (4.1K 60p).
Parmi eux, quel a été le point le plus critique dans la conception du Z 9 ?
Chaque point était difficile à atteindre (rires) ! Le retrait de l’obturateur électronique, le viseur électronique, la vidéo en 8K… Chacune de ces fonctionnalités présentait ses propres difficultés.
Quelle est l’importance des photographes professionnels dans l’ADN de Nikon ?
Comme je vous le disais, le Z 9 incarne le porte-étendard des boîtiers hybrides de Nikon. En termes de conception, notre objectif principal était de dépasser le D6. Chaque membre de l’équipe du projet était pleinement motivé pour atteindre ce but.
Ce que nous avons réussi à accomplir, c’est de livrer une solution qui répond le mieux à toutes les exigences que nous avions identifiées pour ce porte-étendard. Et nous nous sommes concentrés sur ces caractéristiques-clés, que les utilisateurs apprécient aujourd’hui, et nous avons réussi à les intégrer dans un boîtier suffisamment compact.
Pour nous, il était important de prendre en compte les spécifications du produit non seulement d’un point de vue quantitatif, mais aussi qualitatif. Et ceci inclut notamment les questions d’ergonomie, de confort d’utilisation – presque un rapport sensuel que les utilisateurs ressentent en employant ce boîtier.
Pensez-vous que les technologies incluses dans le Z 9 pourront se retrouver dans d’autres boîtiers, comme ceux de la famille des Z 6 et Z 7 ?
En bref : c’est ce que nous pensons. Car les technologies que nous déployons pour les boîtiers haut de gamme pourront aussi aider les utilisateurs de boîtiers d’entrée ou de milieu de gamme. Aussi, porter les technologies utilisées sur le Z 9 est tout à fait faisable, y compris sur ces gammes de produits. C’est d’ailleurs notre stratégie pour avoir un portfolio avec une base vraiment solide.
Mis à part les Z 9 et Z 30, il semble que Nikon n’ait pas lancé beaucoup de boîtiers ces derniers temps, alors que certains concurrents redoublent d’intensité. Pourquoi ce silence ? Pouvons-nous nous attendre à de nouveaux boîtiers cette année ?
Naturellement, nous ne pouvons pas évoquer nos futurs boîtiers, mais nous comprenons les besoins de nos fans. Nous ferons en sorte de fournir un boîtier qui comblera leurs attentes.
Par ailleurs, je voudrais rappeler que si les lancements produits sont importants, nous attachons une grande importance aux mises à jour firmware, car elles apportent de vraies améliorations à nos produits et continuent de susciter de l’engouement pour des produits qui sont déjà sur le marché.
Pour Nikon, il est vraiment primordial de continuer à accroître les capacités de nos produits existants, afin que nos clients continuent d’en être satisfaits.
Les mises à jour firmware sont une bonne chose. Mais pour les constructeurs, le souci est toujours de trouver un équilibre entre mises à jour firmware et lancement d’un nouveau boîtier. Comment se positionne Nikon sur ce sujet ?
Cet équilibre est évidemment très important pour nous. Mais lorsque nous hésitons sur le chemin à prendre, entre mettre à jour le firmware d’un boîtier et le fait de lancer un produit entièrement nouveau, nous nous replaçons toujours du point de vue de l’utilisateur. Dans notre planning, nos développements, nous nous plaçons toujours du côté de nos clients.
Nous comprenons qu’il existe toujours un dilemme du côté des utilisateurs. Lorsqu’ils investissent dans un équipement, ils voudront l’utiliser pendant longtemps, et avec des caractéristiques remises au goût du jour. Cependant, chaque lancement génère un vrai engouement, et la demande en ce sens est très forte.
Nous réfléchissons toujours de ces deux manières, et c’est comme utiliser deux pédales d’accélération dans une voiture. Nous essayons d’appuyer sur les deux, en disposant d’un bon équilibre. Je vous incite donc à rester attentif à nos prochaines annonces à ce sujet.
Du côté des objectifs, il semble qu’il manque encore plusieurs références avant que le portfolio de la monture Z ne soit au complet. D’après vos enquêtes, quelles sont les optiques les plus demandées par les utilisateurs Nikon ?
Le parc optique de la monture Z a été étendu en 2022, avec un effort très net du côté des téléobjectifs. Ainsi, nous proposons aujourd’hui un total de 36 optiques. Mais je pense que nous pouvons aller au-delà. Bien sûr, nous serons à l’écoute du marché, mais nous pensons que la monture Z a besoin d’objectifs plus petits et plus légers, et qui incorporent plus de fonctionnalités dédiées à la vidéo, ou encore avec un téléconvertisseur intégré. Nous allons accélérer le rythme du développement de nos objectifs. Et nous espérons que vous serez attentif à nos prochaines annonces.
En 2022, nous avons vu arriver le Tamron 70-300 mm, premier objectif « tiers » pour la monture Z. Et depuis, Sigma a annoncé 3 objectifs développés pour les hybrides de Nikon. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’ouverture de la monture Z ?
Suite à ces annonces, je peux vous dire que ces objectifs sont produits sous licence de Nikon. Ces constructeurs peuvent donc désormais proposer des objectifs pour la monture Z.
Et ce sont les utilisateurs qui en profiteront en premier lieu, car ils disposeront de plus de choix au moment de choisir leur objectif. De telles collaborations avec d’autres constructeurs, sous licence Nikon, sont très bénéfiques, et notamment pour les nouveaux utilisateurs de la monture Z.
Aussi, nous pensons que cette ouverture apporte une véritable valeur ajoutée à nos clients, et nous continuerons dans cette voie. De plus, chaque constructeur possède quelque chose d’unique au niveau des caractéristiques de ses objectifs, et nous pensons qu’il est intéressant que nos clients aient une plus grande diversité d’objectifs à leur disposition.
En parallèle, on observe des objectifs comme les Nikkor Z 17-28 mm f/2,8 et 28-75 mm f/2,8, qui ressemblent beaucoup à ceux que Tamron propose en monture Sony E. Tamron et Nikon travaillent-ils ensemble sur ces produits ?
Je ne peux naturellement pas parler pour les autres fabricants d’objectifs. Ces deux objectifs [Keiji Oishi nous montre les Z 28-75 mm f/2,8 et Z 24-70 mm f/2,8 S sur la table, NDLR] répondent aux exigences fixées par Nikon en termes de standard de qualité et de spécifications techniques. Mais leurs caractéristiques sont différentes. Nous ne sommes pas en mesure de vous en dire davantage.
Pourquoi est-ce que Nikon a lancé un nouveau Z 26 mm f/2,8 avec une distance focale si proche du Z 28 mm f/2,8 ?
Nous désignons cet objectif sous le nom de « pancake », et nous voulions le rendre aussi compact que possible. Tel était notre but de départ. Nous avons donc examiné la longueur focale et les caractéristiques optiques, et la plus courte focale que nous pouvions créer était un 26 mm.
Par ailleurs, cette focale devrait être familière à celles et ceux qui prennent des photos avec un smartphone. Ainsi, nous avons pensé que cet objectif pourrait inviter les utilisateurs de smartphones à entrer plus facilement dans notre univers.
Vous pouvez penser que nos objectifs 26 et 28 mm sont très proches, mais en termes de caractéristiques et en se projetant du point de vue de l’utilisateurs, les deux objectifs ont une proposition très différente et très marquée.
Continuez-vous à souffrir des pénuries de composants, ou s’agit-il d’un souci appartenant au passé ?
Le Covid a eu une influence négative très prononcée sur notre chaîne d’approvisionnement, tout au long de l’année écoulée. Mais heureusement, nous avons réussi à unir nos efforts. Le groupe Nikon dans son ensemble a été en mesure de rester en phase avec nos objectifs opérationnels. Cependant, nous devons rester vigilants. Notre but est que ces pénuries aient un impact aussi limité que possible pour nos clients.
En France, l’astronaute Thomas Pesquet, qui a fait plusieurs séjours dans la station ISS, a réalisé des photos avec du marché Nikon. Que pensez-vous de cette visibilité pour la marque ?
Nous sommes très contents que vous en parliez ! J’ai vu que Thomas Pesquet utilisait un Nikon D5 lorsqu’il a capturé des photos de la Terre depuis l’ISS et j’ai trouvé cela magnifique. À titre personnel, je suis un vrai fan de ses photos. Parallèlement, en tant que responsable du planning autour de nos produits, je suis ravi de voir que nos appareils photo fonctionnent parfaitement, même dans l’espace.
Merci à Nikon Corp pour cette interview. Nous remercions également Nicolas de Nikon France pour avoir organisé cette rencontre.
