Kenji Nakagawa, Tamron : « Notre objectif est d’être numéro 1 des 35mm f/1.4 en termes de qualité »

Après avoir été très timide à la Photokina, Tamron est revenu en force lors du CP+ avec une annonce de développement de trois objectifs très intéressants : un 17-28mm f/2.8 en monture Sony FE, un 35-150mm f/2.8-4 pour reflex et un 35mm f/1.4, la première focale fixe ouvrant à f/1.4 dans l’histoire de Tamron, ce qui a le mérite d’être souligné.

Tamron : 3 nouvelles optiques en développement dont un nouveau zoom 17-28mm F/2.8 pour Sony FE et un 35mm à ouverture f/1.4

Nous avons échangé avec Kenji Nakagawa, responsable de la planification produit chez Tamron, et Koji Satoh, manager de la planification marketing chez Tamron. S’il y a bien deux personnes qui pouvaient nous parler des nouveaux produits et de la stratégie pour les prochains développements de Tamron, c’était bien eux ! Place à l’interview.


Le stand Tamron au CP+ 2019

Tamron a engrangé beaucoup de succès avec l’objectif 28-75mm f/2.8, récompensé par de nombreux magazines et médias (dont Phototrend) comme le zoom idéal pour hybride Sony. Désormais, Tamron annonce le développement d’un nouveau zoom 17-28 mm f/2,8 Di III RXD pour les utilisateurs Sony. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cet objectif ?

Kenji Nakagawa : le concept de ce 17-28mm est de couvrir la partie grand-angle après avoir lancé le 28-75mm f/2.8. Avec ces deux objectifs, Tamron couvre une plage focale de 17mm à 75mm, plage qui est très utile pour les photographes. En ayant le même diamètre (67mm pour le filtre), c’est un objectif très pratique. C’est ainsi notre concept de base pour couvrir la partie grand-angle. Aussi, cet objectif n’a pas de réduction de vibration, car l’appareil dispose de la stabilisation du capteur. Laissons l’appareil photo faire cela pour obtenir un objectif aussi compact que possible.

Un mockup (presque final) du 17-28 mm f/2,8 Di III RXD

La qualité optique de cet objectif est superbe, tout comme le 28-75mm f/2.8. Comme vous pouvez le voir, de nombreux clients apprécient la qualité de cet objectif, donc ici nous gardons le même niveau de résolution d’image sur cette optique.

Comment réussissez-vous à proposer des objectifs f/2.8 plus compacts et moins chers que ceux de Sony ?

Kenji Nakagawa : Bien sûr, la première priorité est de faire un objectif aussi compact que possible, car la taille correspond vraiment à la taille des appareils photo hybrides Sony. Sans compromettre la qualité d’image et aussi en ayant une ouverture constante à f/2.8 sur toute la plage du zoom, nous avons besoin de considérer la plage focale qui doit être un peu revue, comme ne pas avoir un 16mm jusqu’à 35mm par exemple pour ce nouvel objectif. Nous avons simulé le design optique et avons finalement décidé de conserver la même taille avec un diamètre de 67mm et avons donc choisi une plage focale de 17 à 28mm, sachant qu’ensuite nous avons le 28-75mm f/2.8.

Kenji Nakagawa, responsable de la planification produit chez Tamron

Bien sûr, tout comme le 28-75mm f/2.8, cet objectif devait disposer d’un prix compétitif. Nous n’avons pas besoin d’être très cher car le client ne peux pas se permettre d’acheter des objectifs trop chers sur hybride. Nous avons donc besoin d’être très compétitif sur le prix. Nous ne voulons pas être aussi cher que les objectifs Sony.

Est-ce que le développement d’objectifs pour boitiers hybride est-il si différent que pour les reflex ? Quels sont les défis de ces nouvelles montures ?

Koji Satoh : Les moteurs et actionneurs à l’intérieur des objectifs pour boîtier hybride sont différents des systèmes reflex conventionnels car l’appareil photo a des fonctions vidéo et les moteurs de l’objectif doivent être très doux. Quand vous filmez avec un reflex conventionnel avec un objectif disposant d’un moteur à entrainement direct (DC), la mise au point fait des aller-retour gênants. Sur cet objectif qui dispose de moteur pas à pas, l’autofocus est plus doux et silencieux. C’est l’une des grosses différences de ce type d’objectif.

Sur ces optiques pour hybrides, la lentille de focalisation est vraiment petite et nous n’avons pas besoin d’utiliser des actionneurs capable de déplacer des lentilles très lourdes.

Est-ce que les utilisateurs d’hybrides FF Canon et Nikon peuvent s’attendre à une version de ces zooms f/2.8 (17-28 and 28-75mm) dans un futur plus ou moins proche ?

Koji Satoh : Nous ne savons pas encore si nous pourrons introduire ce type de design optique sur la monture EOS R ou Nikon Z dans le futur, car nous sommes toujours en train d’étudier ces montures. Ces appareils utilisent des systèmes de contrôle très différent donc nous devons d’abord les étudier avant de pouvoir décider.

Entre les nouvelles montures Canon, Nikon ou Sony, chaque système dispose d’un diamètre et d’un tirage optique différent donc l’angle selon lequel la lumière touche le capteur est différent donc nous devons être très attentifs à cela. Bien sûr, nous sommes prêts à développer nos objectifs sur les montures Canon et Nikon.

Tamron a annoncé un nouveau SP 35 mm F/1.4 Di USD au CP+. C’est la première fois que Tamron produit un objectif à ouverture f/1.4 n’est-ce pas ? Pourquoi avoir décidé d’entrer sur ce marché des objectifs à grande ouverture ?

Koji Satoh : d’autres constructions comme Canon, Sigma ou Nikon ont déjà un objectif 35mm f/1.4 à leur catalogue. Ce sont des objectifs dont la qualité d’image est plutôt bonne, comme par exemple le Canon 35mm f/1.4 . Donc nous sommes les derniers à introduire ce type d’objectif. Notre but avec cette optique est d’être le numéro 1 des 35mm f/1.4 en termes de qualité.

Le 35mm f/1.4 de Tamron dans les mains de Koji Satoh, manager de la planification marketing chez Tamron

Kenji Nakagawa : Nous avons enfin réussi à offrir la plus haute qualité d’image sur une courbe MTF mais aussi avec l’effet de bokeh et le piqué. La qualité d’image est toujours bonne sur les bords. Tout sera vraiment bon et nous croyons que c’est un objectif superlatif comparé aux autres fabricants. Tamron peut le faire.

 

Nous n’avons pas encore de spécifications sur cet objectif pour le moment. Pouvez-vous nous en dire plus ? Comment ce 35mm f/1.4 va-t-il se différencier du SP 35mm f/1.8 Di VC USD ? Connaissez-vous déjà son prix ?

Koji Satoh : Le SP 35mm f/1.8 Di VC USD dispose d’une haute qualité d’image et d’une stabilisation optique. Il permet une mise au point minimale rapprochée à 20cm donc vous pouvez l’utiliser comme objectif macro. C’est un objectif assez casual que vous pouvez emporter avec vous tous les jours.

Un aperçu de la différence de taille entre le 35mm f/1.4 en développement et le 35mm f/1.8 VC chez Tamron

En comparaison, l’objectif 35mm f/1.4 en développement ne dispose pas de VC ou d’autres fonctionnalités. Nous nous focalisons ainsi uniquement sur la qualité d’image pour avoir la meilleure résolution d’image du centre aux bords. C’est un objectif de qualité professionnelle que nous avons réussi à réaliser et c’est la première optique f/1.4 proposée par Tamron.

Kenji Nakagawa : c’est une optique SP (Super Performance) et cette année marque les 40 ans de notre premier objectif de cette gamme. Nous avons vraiment décidé de produire le meilleur objectif possible pour célébrer cette date.

Nous ne pouvons pas encore vous dévoiler les spécifications ni le prix de cet objectif. Ces informations seront annoncées plus tard dans l’année par un communiqué.

SP 35mm f/1.4, un beau bébé

Pensez-vous qu’aujourd’hui les photographes préfèrent davantage acheter un objectif à grande ouverture qu’un objectif stabilisé ? Ou est-ce deux usages différents ?

Kenji Nakagawa : Récemment, les consommateurs sont prêts à acheter des objectifs à très grande ouverture comme f/1.4 ou f/1.2. Tamron disposera de deux objectifs 35mm : f/1.4 et f/1.8 VC.

La version stabilisée à f/1.8 est vraiment pratique car elle est stabilisée, vous pouvez photographier en condition de faible lumière et sa taille est très compacte. Le consommateur peut ainsi choisir selon les conditions.

Notre 35mm f/1.4 est vraiment pour la plus haute qualité d’image. S’il souhaite réaliser des images très piquées et de haute qualité, il peut utiliser cet objectif. S’il souhaite voyager, il peut prendre la version VC avec une taille plus compacte. Cela dépend de la situation dans laquelle se trouve le consommateur.

Est-ce que la décision du développement du SP 35 mm F/1.4 Di USD – non stabilisé – a été prise suite à la sortie de boîtiers hybrides dotés de la stabilisation du capteur ?

Kenji Nakagawa : Cet objectif est en effet complètement compatible avec les adaptateurs de Canon ou Nikon pour leurs boitiers hybrides et le boîtier pourra donc s’occuper de la stabilisation de l’image.

Vous avez récemment annoncé un zoom 35-150 mm f/2,8-4 Di VC OSD qui suit le 17-35mm f/2.8-4 sorti l’an dernier. Sur le papier, cette optique est très bonne : bonne qualité d’image, grande ouverture, distance minimale de mise au point intéressante, double processeur, etc. A quels types de photographe s’adresse cet objectif ?

Koji Satoh : Nous appelons cet objectif un « zoom pour le portrait ». Elle correspond à la demande de notre clientèle pour la photographie de mariage ou le portrait par exemple. Cet objectif peut couvrir les plages focales utiles en portrait : 85mm est une focale très populaire en focale fixe pour le portrait. L’objectif couvre aussi le 35mm, le 50mm, le 85mm, le 105mm, le 135mm et le 150mm, qui sont toutes des focales très populaires en focale fixe pour le portrait.

Un zoom comme focale à portrait, pourquoi pas ?

A 85mm, quelle sera l’ouverture de cet objectif ?

Kenji Nakagawa : A 85mm, nous seront à f/3.5, donc plutôt bien. Si vous zoomez à 150mm, vous pourrez obtenir un très beau portrait. Si vous dézoomez, vous pouvez obtenir un 35mm pour avoir un portrait plus large sans changer d’objectif, ce qui est très pratique.

Avec un seul objectif, vous pouvez couvrir 4 focales très utiles en portrait. En général, le photographe utilise deux objectifs : 24-70mm et un 70-200 f/2.8. Avec cet objectif, nous proposons un objectif plus court et plus léger. Nous pensons que 200 mm est peut-être trop long, donc nous faisons cette version plus compacte et vous disposez d’une seule optique pour couvrir toutes les plages utiles. C’est vraiment pratique.

La dernière fois que nous nous sommes vus, à la Photokina, Tamron regardait très attentivement les nouvelles montures de Canon et Nikon. Quelle est la position actuelle de Tamron concernant ces nouvelles montures FF ? Est-ce que le basculement vers les optiques pour hybrides est une priorité pour Tamron ?

Kenji Nakagawa : Nous avons mis davantage de ressources humaines sur le développement d’objectifs pour hybrides plein format. Nous avons commencé avec le monture FE de Sony et bien sûr nous sommes désormais en phase de recherche et développement sur les montures Canon EOS R et Nikon Z. Pour les montures Canon et Nikon, nous considérons qu’il est important d’être présent.

Si la demande des nouveaux systèmes hybrides plein format augmente, alors nous développerons des produits pour ces systèmes.

Avec des ressources limitées, comment choisissez-vous les prochains objectifs à développer ?

Kenji Nakagawa : nous sommes un fabricant d’objectifs tiers, donc notre activité dépend vraiment de la demande des appareils photo. Nous devons vraiment faire attention à la direction que prend le marché car si nous sortons de nouvelles optiques et qu’elles ne se vendent pas, nous ne pouvons pas survivre. Nous sommes donc toujours à l’écoute du marché. Si le marché de l’hybride se développe, nous devons mettre plus d’efforts sur ces nouveaux systèmes.

Aujourd’hui, nous sommes dans une période de transition du reflex conventionnel vers l’hybride plein format, donc nous devons vraiment regarder comment les utilisateurs se comportent : vont-ils vers l’hybride plein format ou restent-ils avec leur reflex actuel ? Dans ce cas-là, nous devons aussi produire des objectifs pour les reflex. Nous ne savons pas encore.

Le trio d’objectifs en développement chez Tamron pour 2019

Quelle est la stratégie de Tamron pour le développement de nouveaux objectifs ?

Kenji Nakagawa : En ce qui concerne notre stratégie pour l’hybride, aujourd’hui nous avons déjà un 28-75mm f/2.8 et nous avons annoncé le développement du 17-28mm f/2.8. Nous devrions également proposer plus tard un autre objectif zoom qui couvrira la plage focale du télézoom. Une fois disponible, cet objectif permettra de couvrir la plage focale de 17mm au télézoom. C’est la première étape à atteindre.

Nous pouvons également penser à des produits plus avancés, comme par exemple des optiques disposant de stabilisation ou d’autres fonctions, et nous auront peut-être des focales fixes inspirées de la gamme SP. Il y a beaucoup de choses à faire en ce moment, le marché de l’hybride est en train de se développer et nous n’avons pas encore assez de produits pour le moment.

Notre stratégie est donc de proposer des optiques de plus haut niveau, le marché bouge très vite et nous devons accélérer pour suivre ce marché.

Etant donné que le marché bouge très vite, j’imagine que vous devez accélérer la conception de nouvelles optiques ?

Kenji Nakagawa : Oui, nous devons accélérer notre vitesse de développement. Notre objectif est d’introduire au moins 5 nouveaux objectifs par an.

Aujourd’hui, combien de temps passe entre l’idée d’un objectif et sa mise sur le marché ?

Kenji Nakagawa : A partir de la réflexion sur le concept jusqu’à l’annonce d’un nouvel objectif, il se passe généralement 1 an et demi. Peut-être que d’ici 2 à 3 ans nous aurons assez d’objectifs pour le marché de l’hybride. Il faut également noter que les systèmes – d’un point de vue électronique et optique – sont très différents entre Canon, Nikon et Sony en termes de capteur, de diamètre de la monture et de tirage optique.


Merci MM. Nakagawa et Satoh d’avoir répondu à nos questions. Nous tenons également à remercier Arthur Michaux de Tamron France pour avoir rendu possible cette interview avec Tamron Co.