Pentax fête ses 100 ans : « notre communauté est extrêmement attachée à notre marque »

Au sein d’un écosystème dominé par le trio Canon-Sony-Nikon, Pentax s’est montré plutôt discret. Grand absent du Salon de la Photo 2019, la marque – qui fête ses 100 ans cette année – a organisé un grand événement au Pentax Café, du 7 au 9 novembre dernier, non loin de la Place de la République.

À cette occasion, nous avons interviewé Philippe Farreng, Directeur Général des ventes de Ricoh pour l’Europe. Comment se décompose la gamme Pentax ? Quelle stratégie pour Pentax au sein de l’écosystème Ricoh ? Par quels biais la marque compte-t-elle attirer de nouveaux clients ? Faisons le point avec Pentax en cette fin d’année 2019.


Pourquoi Pentax n’était-il pas présent au Salon de la Photo cette année ?

Philippe Farreng : cette année, Pentax fête ses 100 ans. Nous avons des événements planifiés partout en Europe : aux Pays-Bas, en Suisse, en Angleterre, en Pologne, en Norvège… en plus de notre présence à Paris pendant ces trois jours. Nous avons donc une quinzaine d’événements prévus en cette période. Nos équipes n’ayant pas encore la capacité à être présentes à plusieurs endroits en même temps, nous avons donc dû faire des choix en termes de priorités. Si nous avions eu un stand au Salon de la Photo, nous aurions dû y consacrer la totalité de nos équipes alors que nous avions aussi le Pentax Café.

Phototrend Pentax Café
Pentax Café

Ricoh (à qui appartient Pentax, NDLR) propose également des caméras 360 – qui sont en train de progresser et qui sont l’un des focus majeurs de l’entreprise. Nous faisons donc de plus en plus de salons professionnels. En même temps que le Salon de la Photo se tenait le Salon Rent, un salon de l’immobilier connectée et où Ricoh avait un stand – et auquel nous avons donc dû consacrer une partie de nos équipes. À un moment donné, cela devenait trop complexe de gérer en plus le Salon de la Photo.

Nous n’avons pas de sorties majeures en ce moment : nous avons donc décidé de « sacrifier » le Salon de la Photo pour mettre davantage l’accent sur les autres événements que nous avons organisé. Ce n’est pas une décision que nous avons prise de gaieté de cœur mais nous n’avions pas vraiment d’autres alternatives.

Il y a forcément une considération économique en raison des autres événements que nous organisons, mais cela n’est pas l’essentiel. Ce qui compte pour nous, c’est de recevoir nos fans dans de bonnes conditions – ce qui nous obligeait à mobiliser pas mal de monde. Nous faisons de plus en plus de salons B2B ; le développement des caméras 360 est vraiment l’une des priorités de l’entreprise : nous avons donc une demande du Japon d’être présents sur ce type d’événements. À partir du moment où ces différents événements étaient simultanés, il nous était donc difficile d’être partout à la fois.

Cette décision n’est-elle pas problématique pour Pentax, qui risque de souffrir d’un manque de visibilité au Salon de la Photo ?

Philippe Farreng : nous avons communiqué sur les réseaux sociaux en amont, en expliquant pourquoi nous ne sommes pas sur le Salon de la Photo. Pour être totalement transparent avec vous, initialement le Pentax Café devait avoir lieu une semaine plus tard. À partir du moment où nous avons décidé de ne pas être présents au Salon de la Photo, nous avons pris l’option de le faire en même temps – en sachant que nous avons de nombreux fans qui viennent de province et qui allaient venir pour le Salon de la Photo. Ils ont donc pu se rendre sur les stands des autres marques, voir les différentes expositions et nous rendre visite pour les animations que nous avions prévues au Pentax Café.

En 2019, Pentax célèbre ses 100 ans !

Nous avons organisé cet événement dans le 11e arrondissement (bien loin du Salon de la Photo, NDLR) car nous sommes à 300 mètres du revendeur historique de Pentax à Paris, qui a ouvert il y a 6 ans. Nous avons donc monté des activités en commun : offres promotionnelles, nettoyage gratuit du capteur…

Les revendeurs du Village de vente du Salon de la Photo n’ont le droit de vendre que des produits des marques qui sont présentes sur le Salon. Nous avons donc décidé de monter toute la partie promotionnelle avec la boutique Pentax.

Si nous avions implanté notre Pentax Café près de la porte de Versailles, cela aurait peut-être été plus simple pour les visiteurs du Salon mais dans ce cas nous aurions été beaucoup plus loin de notre boutique. Nous avons accueilli plus d’une centaine de personnes lors de la première soirée du Pentax Café donc nous avons bien réussi à faire venir beaucoup de personnes à cet événement. Au total, ce sont plus de 340 personnes qui se sont inscrites à nos différents ateliers.

Pentax fête cette année ses 100 ans, mais elle n’est pas le seul : quels sont les facteurs historiques ayant contribué à la création de plusieurs grands noms de la photo à cette époque ?

Philippe Farreng : il y a 100 ans, Pentax ne portait pas encore ce nom mais s’appelait Asahi Optical. Pentax, mais aussi Nikon et Olympus, qui fêtent elles aussi leurs 100 ans, n’étaient pas à la base spécialisées dans la photographie. Toutes ces sociétés étaient à l’époque spécialisées dans la fabrication de verres optiques. Elles n’ont donc pas été créées pour développer des technologies en rapport avec la photographie.

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Ce n’est que plus tard, dans les années 50, que la prise de vue s’est démocratisée (le premier appareil photo d’Asahi Optical a été lancé en 1951, NLDR). À l’époque, les gens n’avaient pas encore de smartphones et avaient besoin d’appareils photo : les entreprises ont donc réorienté leur modèle économique en fonction de la demande et des évolutions technologiques.

Pentax a été créé en 1919 mais Ricoh, qui nous a racheté, a été créé en 1936 – et eux aussi s’appelaient Asahi Optical au départ. Ricoh nous a cédé le droit d’utiliser le nom Asahi Optical et, plus tard, Pentax a cédé le droit à Ricoh d’utiliser la monture K lorsque la marque a voulu lancer son premier boîtier reflex.

Quel regard portez-vous sur le marché actuel de la photographie ?

Philippe Farreng : le marché de la photo a atteint son pic en 2010 : il se vendait à cette époque plus de 250 millions d’unités. Aujourd’hui, vous pouvez prendre ces mêmes volumes et les diviser par 8. L’émergence du smartphone a complètement laminé tous les modèles d’entrée de gamme, tous les modèles compacts – à l’exception des compacts experts (à destination de populations averties et qui vont chercher une qualité d’image supérieure à celle que propose un smartphone) et des boîtiers interchangeables.

À l’époque de la photo argentique – qui était extrêmement stable – il se vendait 2,5 millions d’unités par an. On comptait ainsi 300 000 boîtiers à objectifs interchangeables et 2,2 millions de compacts ou de bridges. Aujourd’hui, si on prend le marché français des appareils à objectifs interchangeables, on obtient à peu près les mêmes chiffres si l’on ajoute ceux des reflex et des hybrides. En revanche, tout le marché des compacts a totalement disparu. Mais il faut reconnaître que la qualité des smartphones est en augmentation constante, notamment en basses lumières.

Phototrend Pentax MX
Le Pentax MX, commercialisé à partir de 1976, est le premier appareil de la marque à intégrer la monture K

Du côté des reflex, le marché décroît plus en volume qu’en valeur – puisque ce sont surtout les modèles d’entrée de gamme qui disparaissent. Les modèles full frame et les modèles premium résistent mieux par rapport à la décroissance du marché. Le mirrorless est aujourd’hui le seul secteur actuellement en croissance, mais uniquement sur sa partie haut de gamme.

On a déjà atteint un pic avec l’hybride : tous les boîtiers hybrides tirent le marché vers le haut (notamment en valeur) mais si on prend la totalité du marché en valeur on est déjà en décroissance. Ce qui souffre aujourd’hui dans le mirrorless, ce sont surtout les appareils à capteur micro-4/3 et APS-C. Sous l’impulsion de Sony, le marché des hybrides plein format se porte bien.

Il y quelques années, nous avions fait une tentative en lançant un hybride mais cette dernière n’avait pas forcément été couronnée de succès, car nous avions intégré un trop petit capteur. Aujourd’hui, la maison mère au Japon se pose beaucoup de questions quant aux hybrides afin de savoir si Pentax se lance sur ce marché, et si oui sous quelle forme.

Le marché du mirrorless full frame commence déjà à être saturé en très peu de temps. Sony n’a que peu de modèles à son catalogue mais garde longtemps en vente ses anciens modèles ; Nikon et Canon ont chacun sorti deux modèles, de même que Panasonic – qui a également sorti un troisième modèle orienté vidéo… Le marché est donc déjà particulièrement saturé.

Pour pouvoir espérer conquérir des parts de ce marché, il faudrait que nous soyons en mesure d’annoncer immédiatement une large gamme d’optiques. C’est là que se trouve la complexité aujourd’hui. En effet, développer un boîtier mirrorless s’avère plus simple que de concevoir un boîtier reflex. Par contre, la difficulté réside dans le développement d’une large gamme d’optiques en très peu de temps. Le marché se réoriente davantage sur le premium : cela représente un investissement conséquent pour les gens qui vont s’associer à une marque. Ils ne s’arrêtent pas au court terme mais regardent sur le moyen-long terme et vont donc analyser tout l’écosystème que proposent les différentes marques.

Plusieurs possibilités s’offrent donc à nous : se concentrer uniquement sur le marché de niche que sera demain le reflex, aller vers l’hybride – mais dans ce cas, avons-nous la capacité à entrer sur ce marché avec une gamme optique suffisante ? – ou utiliser une monture existante sur le marché en partenariat. Mais ce ne sont pour l’instant que des options. Aujourd’hui, aucune décision finalisée n’a été faite sur cette question à l’heure où je vous parle.

Pentax HD 11-18 mm f/2.8 et 35 mm f/2 : deux nouveaux objectifs à monture K

Si la marque venait à se lancer sur les hybrides, vers quels horizons un premier modèle pourrait-il être lancé ?

Philippe Farreng : Cela pourrait être rapide ou lent : c’est difficile à dire tant qu’une décision n’a pas été prise par la maison mère. En termes de développement – nouveau capteur, nouveau design, circuits électroniques – un reflex prend environ 14 à 18 mois pour être mené à maturité sur le marché. Avec un mirrorless, cela peut se faire dans un temps beaucoup plus court : en 8 ou 10 mois il est possible de concevoir un appareil hybride.

La grande difficulté, ce sont les optiques parce qu’il faut différentes chaînes de production : il y a donc un certain nombre de problématiques qu’il faut savoir gérer.

Quels sont les différents boîtiers de Pentax et comment la marque compte-t-elle procéder pour attirer de nouveaux clients ?

Philippe Farreng : Aujourd’hui, nous proposons 3 types de produits. Les appareils les plus haut de gamme que nous proposons sont les boîtiers moyen format, qui sont réservés aux photographes professionnels ou aux amateurs très avertis vu que le boîtier seul coûte entre 5 000 et 6 000 € et que le prix des optiques est en adéquation avec ces tarifs. Cela fait très longtemps que nous sommes présents sur ce marché et nous y resterons encore pendant de nombreuses années. Beaucoup de  photographes possèdent des boîtiers et disposent d’un parc optique conséquent : ils sont donc en attente d’évolutions technologiques sur ce type de produits.

Nous avons ensuite la partie Full Frame avec le K-1 Mark II et ses futurs successeurs. Nous avons lancé notre boîtier plein format en 2016, donc un peu plus tard que les autres constructeurs mais nous avons rattrapé une bonne partie de notre retard, puisque nous avons une quinzaine d’optiques full frame qui couvrent environ 90 à 95% des demandes des utilisateurs. Nous avons également les optiques issues du système APS-C et qui sont pleinement compatibles. Ce boîtier plein format était attendu depuis des années par les fans de Pentax et nous continuerons de le développer puisque le full frame est la tendance naturelle du marché – qu’il s’agisse de reflex ou d’hybrides.

Nous avons aussi notre gamme de reflex APS-C que je scinde en deux : d’une part, le K70, qui fait figure de produit d’entrée de gamme et nous permet d’aller chercher de nouveaux utilisateurs qui rentrent dans l’univers du reflex. D’autre part, nous avons un produit intermédiaire, le KP, que nous avons voulu un peu plus vintage de par son design qui reprend certains éléments de style des boîtiers argentiques comme le ME Super que nous avions lancé dans les années 70. Au départ, nous l’avions conçu comme un remplaçant du K3 Mark II, mais nous nous sommes aperçus que nous le vendions beaucoup plus à des clients non-Pentax.

La communauté des fans de Pentax est très particulière en raison de son attachement à la marque. Dans beaucoup de cas, le père était propriétaire d’un Pentax qu’il a ensuite transmis à ses enfants, qui eux-mêmes se sont équipés d’un appareil Pentax. Nous avons donc une communauté extrêmement fidèle à Pentax, et qui ont toujours choisi nos produits en raison de certains caractéristiques qu’ils ne retrouvaient pas sur les boîtiers concurrents à prix équivalent. Ainsi, tous nos boîtiers – même le K70 d’entrée de gamme – sont tropicalisés, de même que nos optiques, nos flashs et nos batteries-grip.

Le revers de la médaille, c’est que nos boîtiers sont peut-être un peu trop solides ! Notre taux de renouvellement est inférieur à ceux de Canon ou Nikon. Sur les forums Pentax en ligne, nous faisons tous les 2 ans un grand sondage en demandant quels boîtiers ils utilisent et nous constatons qu’un très grand nombre d’utilisateurs emploient toujours des appareils que nous avons lancé il y a 10 ou 12 ans. C’est quelque chose qu’on ne rencontre nulle part ailleurs.

Nous sommes également la seule marque où la totalité du parc optique est compatible avec nos boîtiers les plus récents. La monture K existe depuis 1976, mais grâce à une bague d’adaptation, vous pouvez profiter de toutes les optiques conçues par la marque. Nous allons donc peut-être proposer des offres de reprises plus attractives pour inciter les utilisateurs à passer sur du matériel plus moderne.

Nous n’avons pas de difficultés particulièrement avec notre communauté car elle défend énormément la marque – ils sont parfois même un peu radicalisés ! La plus grande difficulté est d’étendre cette base et d’aller chercher des clients additionnels. Nous avons récupéré un certain nombre de clients avec le lancement de notre boîtier full-frame et avec les opérations promotionnelles autour du K70 qui est notre clé d’entrée dans l’univers Pentax.

Mais nous essayons surtout d’intégrer des caractéristiques que l’on ne retrouve pas sur les modèles concurrents à prix équivalent. Tous nos boîtiers ont un viseur 100 % ; de même, ils utilisent tous des prismes en verre et sont conçus en magnésium… ce qui explique la fidélité des utilisateurs de Pentax c’est aussi ce rapport qualité/performance de nos boîtiers.

Phototrend Pentax café 100 ans

Quel rôle pour Pentax à l’intérieur de l’écosystème Ricoh ?

Philippe Farreng : aujourd’hui, Pentax est l’une de nos 5 marques et ne concerne que les boîtiers et les optiques. L’un des produits les plus importants de notre groupe, c’est le Ricoh GR, l’appareil idéal pour la street photography.

Nous avons lancé le Ricoh GR III il y a 6 mois et nous rencontrons un succès extraordinaire : par rapport aux ventes que nous avions faites avec le GR II nous avons un bond absolument incroyable, notamment en Europe où nous avons multiplié nos ventes par 7 ou 8. C’est donc un des piliers du groupe aujourd’hui et c’est l’une des branches sur lesquelles Ricoh investit beaucoup. Dans le futur, beaucoup de développements dans la gamme GR sont amenés à arriver.

Ricoh GR III : le nouveau roi de la photo de rue ?

L’autre pilier de développement concerne les caméras 360. Nous avions envisagé une ouverture au grand public plus importante que celle-là et, à l’heure actuelle, les 3/4 de nos volumes sont réalisés avec des ventes en B2B. C’est un produit qui a donc trouvé sa place et nous sommes très largement leader sur le B2B.

Ricoh Theta Z1, la première caméra 360° 4K à capteurs 1″ qui supporte le format d’image RAW

L’un des marchés les plus évidents est celui des agences immobilières qui font de plus en plus de visites virtuelles d’appartements ou de maisons. Mais nous avons développé d’autres activités, comme celui des voitures d’occasion par exemple, ou encore de la construction, de la surveillance ou dans le domaine militaire sur lesquels il y a des potentiels de développement énormes avec la vidéo à 360 degrés.

Le plus grand défi pour nous est d’ouvrir cette technologie au grand public. Nous allons développer la gamme Theta. Les produits qui vont arriver seront beaucoup plus orientés grand public, notamment au niveau du développement des applications. Jusqu’à présent nous étions fortement limités pour des raisons de format d’images : les lecteurs d’Instagram ou de Facebook compressaient énormément les photos et les vidéos et dégradaient la qualité des images.

(Depuis notre interview, Ricoh a annoncé la nouvelle Theta SC2 360, NDLR)

Ricoh Theta SC2 : la caméra 360° 4K/UHD facile à utiliser

En février 2019, nous avons lancé la caméra Theta Z1, qui intègre deux capteur CMOS 1 pouce, ce qui procure un gain en qualité photo énorme, notamment en basses lumières. Avec ce type de produit, il devient possible d’obtenir des images d’une très grande qualité, y compris sur les réseaux sociaux. Il faut des produits plus accessibles pour le grand public et qui leur permette d’obtenir des images de meilleure qualité.

Avec la nouvelle Theta SC 2 360, vous devriez également être capables de transformer une vidéo capturée à 360 degrés en une vidéo classique avec la possibilité de définir l’angle de vision. Vous pourrez aussi créer des animations photo en utilisant à la fois un smartphone et la caméra 360 : de nombreux applications ludiques sont en train d’arriver et devraient ouvrir ce marché vers le grand public.

Nous avons également une partie centrée autour des jumelles – et que nous développons de plus en plus. De nouveaux modèles, comprenant des fonctionnalités inédites, devraient arriver début 2020 ; je ne peux donc pas vous en parler pour le moment. Mais nous sommes en train de re-développer notre partie jumelles et optiques : il existe une vraie demande et il s’agit d’un marché particulièrement stable, contrairement à celui de la photo numérique.

Enfin, nous avons toute la partie outdoor avec des compacts étanches que nous continuons à développer en compagnie des compacts experts. En effet, les utilisateurs préfèreront toujours « risquer » d’immerger un compact sous l’eau que leur smartphone, sur lequel se trouvent toutes leurs données.

Le développement de Ricoh ne risque-t-il pas de se faire au détriment de Pentax ?

Philippe Farreng : il nous faut être lucide, le développement de Ricoh ne pourra pas se faire qu’à travers les reflex de Pentax. Aujourd’hui, le marché des reflex baisse de 15% chaque année : il ne permet donc pas de faire vivre à lui tout seul une structure entière. Nous ne sommes certainement pas les seuls dans ce cas-là : toutes les sociétés doivent revoir leur modèle économique.

Les autres branches de Ricoh sont actuellement en croissance : la seule en baisse est la partie reflex car elle suit la tendance actuelle du marché. L’avantage, c’est que les profits générés par les autres branches peuvent être réinvestis dans Pentax.

L’année prochaine, nous allons lancer un appareil flagship APS-C – dont le nom n’est pas encore défini – qui sera le véritable remplaçant du K3 Mark II. C’est un boîtier qui présentera énormément de caractéristiques nouvelles. Ce genre d’investissement est permis grâce aux profits dégagés par les autres branches. Cela étant, dans un groupe comme Ricoh – qui représente environ 20 milliards de dollars – Pentax représente une toute petite partie.

Pentax futur boîtier APS-C 2020

Quelle stratégie à court terme et à long terme ?

Philippe Farreng : le reflex fait totalement partie de la culture d’entreprise de Pentax. Même en ayant été intégré au sein de Ricoh, un grand nombre d’ingénieurs sur la partie Imagerie sont originaires de chez Pentax. Il y a donc une vraie culture autour des reflex avec de nouveaux développements qui sont prévus, tant du côté des boîtiers que des optiques. Cela étant, on ne va pas multiplier le nombre de boîtiers dans les années à venir : nous visons à proposer un boîtier répondant à chaque besoin du marché, mais pas 15.

Du côté du mirrorless, il est probable que la maison-mère, au Japon, considère très sérieusement la question en raison de l’évolution très nette du marché. Même si l’on est actuellement à 50-50 entre les hybrides et les reflex, il est clair que la part de marché des hybrides augmente graduellement.

Le but de Pentax est d’abord de répondre à ses clients existants et aux attentes des fans de la marque. Nous essayons également d’être un petit peu atypiques et anticonformistes et nous développons toujours nos boîtiers en intégrant des caractéristiques qui n’existent pas aujourd’hui : des centres R&D de Ricoh travaillent actuellement sur des solutions d’intelligence artificielle – il n’est donc pas impossible de les voir arriver au sein des boîtiers Pentax.

Si vous pouviez concevoir votre propre appareil photo, quels en seraient les principaux ingrédients ?

Philippe Farreng : « Le meilleur appareil photo, c’est celui que vous avez toujours sur vous », dit-on souvent. Je commencerais par le rendre extrêmement simple d’utilisation – c’est d’ailleurs ce qui fait le succès des smartphones. Pour être honnête, je préfèrerais avoir quelque chose de supérieur à ce que l’on peut obtenir avec un smartphone mais je voudrais avoir la capacité de l’avoir toujours sur moi sans avoir l’inconvénient du poids et de la taille.

Avant, on était sur la période analogique, et la période numérique a été une véritable révolution. Aujourd’hui, on voit apparaître des capteurs de 40, 80 voire 100 millions de pixels… on est en train d’atteindre les limites de ce principe. Quand on voit les gens qui achètent des boîtiers à 3000 voire 4000 €, on se demande comment les marques veulent leur faire changer de boîtier tous les 18 mois. Il va falloir que la photographie se renouvelle et qu’elle intègre des choses nouvelles : c’est peut-être par le biais de l’intelligence artificielle que l’on va pouvoir faire entrer des caractéristiques qui n’existent pas aujourd’hui.

On constate aussi qu’il y a de plus en plus de personnes qui achètent du matériel photo pour la vidéo – et pas uniquement pour la photo. Demain, est-ce qu’il faudra que nous proposions un appareil photo dédié à la vidéo, est-ce qu’il faudra que ce soit un hybride ? Plusieurs options se dessinent mais nous n’avons pas encore pris de décision.

Il faudra seulement éviter de faire comme Kodak qui était le premier à proposer un appareil numérique mais qui l’a volontairement bridé pour ne pas faire de concurrence à son activité principale de pellicules…


Merci Philippe d’avoir répondu à nos questions.