Né à Zurich en Suisse, Thomas Egli appréhende aujourd’hui la photographie d’un œil social et environnemental agrémentée d’une pointe d’humour. Dans sa série Paradis Island, présentée la semaine prochaine au festival Circulation(s), le photographe documente les ravages du tourisme sur une île autrefois paradisiaque.
Pendant ses études de dessinateur technique en aménagement public, Thomas se passionne pour l’art visuel. Après quoi, ses voyages le poussent à prendre de plus en plus de photographies, ce qui devient son hobby : « Je suis une personne curieuse et je peux m’inspirer de toutes sortes de sujets, la photographie est donc le dénominateur commun » nous explique le jeune artiste.
Il laisse donc tomber son apprentissage pour le dessin urbain et décide de faire un Bachelor en communication visuelle et l’art de la photographie à Lucerne. Après un stage d’un an pour le magazine suisse Tages-Anzeiger, Thomas Egli a acquis des compétences qu’il met maintenant au service des entreprises, des journaux, des magazines et de ses projets personnels.
Lors de cette apprentissage, Thomas entreprend sa série Billig Bus trip pour Tages-Anzeiger. En compagnie d’un journaliste, le photographe a voyagé en car de Zurich à Cologne puis de Cologne à Amsterdam. Ce mode de transport a connu un véritable succès depuis quelques années dans la plupart des pays d’Europe, y compris la France.
Pensant que le voyage allait se passer comme dans un bus qui traverse l’Amérique du Sud, c’est-à-dire avec un esprit de révolution cubaine, les deux journalistes ont été déçus de s’apercevoir que ce moyen de transport était simplement une alternative à bas prix pour se rendre d’une ville à l’autre. Le voyage fut donc terriblement ennuyeux, ce qui a permis à Thomas Egli de capturer la lassitude de ce long voyage monotone et morose.
Les portraits représentent le domaine de prédilection de Thomas, et il nous explique pourquoi : « C’est très difficile de m’ouvrir à ces personnes et d’essayer de gagner leur confiance. Mais une fois que c’est fait, vous apprenez à les connaître à travers des petites histoires, des personnalités et des points de vue différents. » Ainsi, le photographe crée des portraits pour des journaux et des projets mais également pour des séries personnelles. Les rencontres sont donc diverses et variées, allant du politicien à l’écrivain en passant par la mère célibataire, le toxicomane, le sportif professionnel…
Tout comme sa série Paradis Island, présentée au festival Circulation(s) à la mi-mars, les photos de Mt. Brabu ont été prises en Indonésie, plus précisément sur l’île de Lombok. Moins touristique, l’île est visitée par les surfeurs à la recherche de bonnes vagues et les chercheurs d’or qui travaillent dans des conditions insalubres et dangereuses.
Le photographe nous explique ce qu’il a vu : « La vapeur de mercure détruit les poumons des travailleurs et coule sans encombre dans la mer. Dans la baie au-dessous de la mine, il n’est plus possible de surfer ou de nager. Encore et encore, les travailleurs se sont blessés en tombant des pierres, parfois même jusqu’à la mort. »
Restons sur les îles indonésiennes pour parler de la série Paradis Island. Les photos ont été prises sur la petite île de Gili Trawangan à côté de celle de Lombok. C’est là où, en 1985, les parents de Thomas ont voulu faire leur lune de miel. Ils racontent à leur fils que cette île était paradisiaque, vide de monde et qu’ils en gardent un merveilleux souvenir.
Le voilà donc partie en direction de Gili Trawangan pour voir de ses propres yeux les miracles de la nature. Mais trente ans plus tard, les touristes ont remplacé les plages calmes et la pollution a détruit les récifs coralliens et l’alcool et la drogue a remplacé les traditions musulmanes locales. En quelques années, Paradis Island a connu une véritable descente au enfer.
Mais malgré tout, l’artiste utilise à bon escient l’humour ce qui permet de faire passer son message en douceur sans ennuyer le public.
Le but de cette série est donc de dénoncer la dégradation rapide et sans retour de l’environnement d’un endroit pourtant privilégié par la nature. Comme l’explique Thomas Egli, la série « expose des situations dans lesquelles les intérêts environnementaux, sociaux, économiques et politiques des habitants entrent en collision avec les répercussions sévères du tourisme mondial. » Un énième cri d’alerte qui nous vient de la profession photographique et qu’il faut entendre.
Si cette série vous a plu, je vous invite à voir plus de photographie sur le site de l’artiste. D’ici là portez-vous bien et rendez-vous au festival Circulation(s) le 17 mars prochain en compagnie de Guillaume Hebert, Alma Haser, Camille Lévêque, María Moldes, Karin Crona, Judith Helmer et bien d’autres !