Judith Helmer
Identically Different © Judith Helmer

Judith Helmer : des racines et des photographies

Judith Helmer, présente au festival Circulation(s) au printemps prochain, nous parle d’elle, de ses projets, de son amour pour la photographie et des causes qu’elle défend.

Née en 1982 dans le sud des Pays-Bas, Judith entame des études à la Fotovakschool dont elle est diplômée en 2017. Déjà, son travail est reconnu : les journaux et les expositions relayent son projet de fin d’étude intitulé « Identically Different », l’histoire de deux jumeaux identiques qui pourtant se révèlent totalement différents.

On remarque que ses projets portent principalement sur les liens au sein des communautés et des familles. Les racines que chacun porte ou supporte sont des éléments essentiels dans nos vies et c’est ce que Judith Helmer tente de montrer à travers ses photographies.

Judith Helmer
Toedeloe © Judith Helmer

Mais avant ça, la jeune artiste a travaillé sur deux autres projets. Toedeloe est une série centrée sur les « dames-pipi », très nombreuses aux Pays-Bas, qui permettent aux usagers des toilettes publiques d’avoir toujours un environnement propre.
Après avoir lu un article expliquant qu’il y avait de moins en moins de femmes de ménage dans les toilettes des Pays-Bas, Judith Helmer a souhaité se faire sa propre opinion en cherchant ces femmes et en documentant sa rencontre avec l’une d’elle.

Voici comment elle a rencontré Ruby, une travailleuse joyeuse et bavarde qui a remporté le Prix des Toilettes Publiques les Plus Propres des Pays-Bas. « Non seulement elle nous offre des toilettes propres mais aussi une vraie interaction sociale ». Malheureusement les temps changent et les toilettes se lavent de plus en plus toutes seules : « Ma série est une ode pour la dame-pipi, qui représente beaucoup plus qu’une simple fonction publique. » Une institution qui commence à se perdre aussi dans ce pays nordique. En effet, Judith nous explique que « de plus en plus de services publics, telles que les toilettes, sont en train d’être réduits et remplacés par des solutions numériques et électroniques. Je pense personnellement que le contact humain est important et peut faire la différence pour beaucoup de gens. »

Judith Helmer
Befaamd © Judith Helmer

En 2014, la célèbre usine « De Faam » à Breda ferme ses portes en raison de l’intensification de la concurrence et des prix trop élevés des matières premières. Créée en 1838 par un pâtissier et confiturier néerlandais, l’usine laisse sur le carreau une centaine d’employés qui vont ensuite plus ou moins bien s’en sortir. Judith a organisé un retour dans l’usine désaffectée avec quelques anciens salariés pour capter leur émotion à travers sa série Befaamd : « En les ramenant dans l’usine maintenant vide, ils se sentaient tous émus et avaient un peu le mal du pays. Un ancien employé a retrouvé la machine (maintenant rouillée) sur laquelle il a travaillé pendant 13 ans et est resté à la machine pendant au moins une heure. »

Loin des messages altermondialistes, la photographe voulait simplement transmettre les sentiments de ses ouvriers qui ont perdus une partie de leurs racines avec la fermeture de cette entrepôt : « Je voulais montrer au public les effets personnels que cela peut avoir lorsqu’une usine entière est fermée. »

La série Identically Different, qui sera présentée à Circulation(s), raconte l’histoire d’une jumelle devenue jumeau alors que tous les disaient totalement similaires. « Deux personnes ne peuvent pas être plus identiques que ça. » nous explique Judith. En effet, Laurens et Yentl sont nés jumeaux « mono-mono », c’est-à-dire qu’ils se sont développés dans le même utérus mais aussi dans le même sac amniotique et avec le même placenta. Cependant, depuis leur plus jeune âge, ils savent très bien qu’ils sont différents. Alors un jour, Laura devient Laurens et suit son propre chemin, avec cependant le soutien total de sa sœur : « Ce choix a obligé Laurens et Yentl à découvrir qui ils sont vraiment, en tant qu’individu et en tant que jumeaux. Mon projet les a suivi pendant cette période de découverte de soi. »

Identically Different © Judith Helmer

L’idée de ce projet lui est venue après avoir vu une émission sur les transgenres à la télévision néerlandaise. Est-il possible qu’avec presque le même ADN un des deux jumeaux soit transgenres et pas l’autre ? C’est le cas pour Laurens et Yentl qui ont rencontré Judith en avril 2016 : « J’ai rencontré le jumeau peu après que Laurens ait été opéré, nous explique Judith. Le jumeau était au milieu du processus de découverte de soi et de revendication d’identité, non seulement individuellement, mais aussi en tant que jumeau. Mon objectif principal était de montrer cela et de laisser le spectateur sentir qu’ils sont toujours ce double. Je voulais aussi montrer au monde le changement physique et qu’un jumeau identique puisse avoir l’air si différent. »

Judith Helmer
Identically Different © Judith Helmer

A l’aide de photos récentes et anciennes, la photographe néerlandaise accentue le changement qu’il y a eu au sein de ce duo inséparable. Pour accomplir sa mission, Judith Helmer était équipée d’un appareil photo argentique Hasselblad de 1982. Les photographies sont principalement prises avec des films Kodak Portra. « J’espère que cela montrera aux gens à quel point ça peut faire une différence d’être là pour l’un et l’autre. » déclare la jeune artiste.

Identically Different © Judith Helmer

Judith veut en effet aller plus loin et inciter la société dans son ensemble à faire attention les uns aux autres et à se soutenir dans les moments difficiles : « Mon accent sur les transgenres dans ce projet est juste une métaphore pour tout grand changement ou lutte que quelqu’un traverse. En particulier dans l’ère numérique où nous vivons, je pense qu’il est important de se connecter dans la vraie vie : rester curieux l’un de l’autre et apprendre à connaître les histoires que les gens portent avec eux. »

Retrouvez l’artiste Judith Helmer sur son site et au festival Circulation(s) où elle sera présente lors de l’inauguration du vendredi 16 au dimanche 18 mars. Vous y trouverez aussi Alma Haser, Camille Lévêque et Farhad Berahman.