© Robin Friend, Cliffe Bonfire, Bastard Countryside, 2008

Bastard Countryside : flânerie photographique dans la campagne britannique de Robin Friend

La 13ème édition du festival ImageSingulières a ouvert ses portes à Sète, l’occasion de détailler sa riche programmation. Jusqu’en avril 2022, le public pourra découvrir le travail d’Hugues de Wurstemberger, résident du festival, mais aussi la série Bastard Countryside du photographe anglais Robin Friend qui sera exposée à partir du 13 janvier 2022.

Du Paris de Hugo au Sussex

Bastard Countryside est un projet initié il y a 15 ans par le photographe d’East London Robin Friend, avant même que l’idée d’en faire une série puis un livre, aujourd’hui épuisé, ne germe dans son esprit. Ce travail photographique documentaire est une vision hybride où nature et ville fusionnent. Où la beauté et une certaine laideur se rencontrent pour s’entredévorer.

Empruntée à Victor Hugo, l’expression « campagne bâtarde » visait dans Les Misérables à décrire la périphérie parisienne :  » (…) Flâner, est un bon emploi du temps pour le philosophe ; particulièrement dans cette espèce de campagne un peu bâtarde, assez laide, mais bizarre et composée de deux natures, qui entoure certaines grandes villes, notamment Paris. Observer la banlieue, c’est observer l’amphibie. »

L’expression colle en effet parfaitement aux scènes capturées par Robin Friend, dans ces lieux ni tout à fait ruraux ni tout à fait citadins.

Cliffe Bonfire, Bastard Countryside, 2008 – © Robin Friend

Capturer la vérité de zones oubliées

Bien qu’il soit anglais, Robin Friend a grandi en Australie, un pays continent où la nature est omniprésente. C’est avec ce filtre que l’adolescent de retour au pays perçoit le Sussex et le reste de l’Angleterre.

Au Royal College of Art, le photographe avait fait la rencontre de l’auteur Robert MacFarlane, qui signe un essai dans le livre de l’artiste. Tous deux partagent un rapport entre fascination et aversion pour ces lieux à mi-chemin de l’urbain et du paysage rural. Des lieux à la frontière de nos vies qui nous restent souvent invisibles, semblent des zones de transit où le photographe a pourtant choisi d’arrêter son regard.

Bastard Countryside témoigne d’un autre visage de la campagne anglaise, à mille lieues des clichés poétiques victoriens et de l’image du Gentleman Farmer entouré de troupeaux et de plaines verdoyantes.

Gaewern Slate Mine, Bastard Countryside, 2013 – © Robin Friend

Des paysages marqués de cicatrices

Robin Friend témoigne aussi et surtout de la colonisation humaine, de l’empreinte de la culture sur la nature et des cicatrices laissées dans ces paysages autrefois vierges de notre existence.

De manière documentaire, détachée, Robin Friend photographie côtes britanniques, sites industriels, serres abandonnées ou clairières emplies de métaux, voitures ou navires oubliés avec le même intérêt. Lors de ses photoreportages, le photographe ne cache pas avoir ressenti une certaine anxiété. Détaché de tout jugement ou militantisme, Robin Friend cherche avant tout à créer et partager des images vraies, parfois prises dans des conditions périlleuses. Descente en rappel, nuit passée à bord d’une épave échouée : le photographe s’est fait explorateur pour aller au plus proche de ces scènes.

Sperm Whale, Bastard Countryside, 2016 – © Robin Friend

On distingue clairement les traces laissées par l’Homme mais Bastard Countryside raconte aussi comment, lentement, mais inexorablement, la nature reprend ses droits lorsque l’Homme se retire. Entre ville et campagnes, ces zones de métissage semblent également figées entre passé et présent, peuplées de carcasses d’objets dont certaines remontent aux années 70′. Devant les photographies de Robin Friend, on ne peut s’empêcher de songer à l’histoire de ces objets, au pourquoi de leur présence et, à notre tour se laisser absorber par la portée narrative de ces images captivantes. Bastard Countryside devient alors un roman photographique contemporain, un témoignage naturaliste.

Les photos de la série Bastard Countryside sont à l’honneur à Sète. Majoritairement réalisées en longue exposition et tirées en grands formats, les images seront à découvrir au Centre photographique documentaire – ImageSingulières du 13 janvier au 6 mars 2022. Retrouvez plus d’informations sur le festival ImageSingulières.

ImageSingulières 2021 à Sète : le festival retrouve son public jusqu’en avril 2022

Le travail de Robin Friend est également à découvrir sur son site.