MP #203 : Lutter contre le syndrome d’acquisition de matériel (Gear Acquisition Syndrome)

Vous avez trois appareils photo, une myriade d’objectifs que vous n’utilisez pas et qui prennent la poussière dans un placard, mais malgré tout vous avez envie de vous acheter ce dernier appareil photo qui vient de sortir ? Ne cherchez plus, vous êtes atteint de GAS. Non, vous n’avez pas de perturbations gastriques, mais vous êtes touchés par le syndrome d’acquisition de matériel (GAS ou G.A.S. en anglais, pour Gear Acquisition Syndrome).

Cette « pathologie » touche de nombreux consommateurs, notamment les photographes. Elle se caractérise par une envie frénétique d’acheter du nouveau matériel photo, même si l’on n’en a pas besoin.

Dans ce Mercredi Pratique, nous allons tenter d’en savoir plus sur le G.A.S., ses effets sur votre créativité et surtout les solutions pour combattre ce syndrome qui grève de plus en plus de photographes davantage concernés par le matériel que par la création photographique.

Le Gear Acquisition Syndrome

Cette maladie imaginaire qu’est le GAS a plusieurs syndromes qu’il est facile de reconnaître :

  • vos discussions photo traitent davantage de matériel que d’image
  • vous passez plus de temps à regarder les forums, sites de tests et autres sources d’informations qu’à prendre des photos
  • vous vous sentez au fond du trou à chaque fois qu’un nouveau matériel photo sort, alors que votre appareil photo n’a que quelques mois et qu’il est plus performant
  • et vous avez envie de changer de matériel à chaque nouvelle annonce d’un constructeur
  • vous pensez que votre pratique de la photo sera plus facile, et vos photos de meilleure qualité, si vous achetez plus de matériel.

Personnellement, je ne connais pas un photographe qui ne soit pas passé par cette étape. Nous sommes tous à la recherche de l’outil adéquat pour prendre de meilleures photos. J’ai ici volontairement utilisé le mot « outil », car le matériel photo est un outil pour réaliser une tâche donnée : prendre des photos.

Moi-même, j’ai parfois des crises de GAS, et ce phénomène est amplifié en raison de ma position : je teste chaque mois de nombreux appareils photo, objectifs ou autres accessoires photo. Il est très tentant de se laisser séduire par du nouveau matériel photo.

Heureusement, la majorité des photographes dont l’objectif final est l’image arrivent à abandonner la course à l’équipement pour se focaliser sur leur travail, qui est de créer des images. Ils ont trouvé leur matériel photo et l’utilisent au maximum plutôt que de butiner telles des abeilles de boîtier en boîtier.

Pourtant, le GAS existe bien et ses effets sur la vie d’un photographe sont dévastateurs.

Les effets du syndrome d’acquisition de matériel

Le photographe qui est touché par cette boulimie d’équipement photo ressent des effets bien réels. Parmi eux, on retrouve une paralysie générale et un manque de créativité et d’inspiration. En se concentrant davantage sur l’outil que l’art, le photographe atteint de GAS a peur d’avancer et de faire un pas créatif, car il pense que son matériel photo n’est jamais à la hauteur, qu’il lui manque toujours cet objectif, ce système d’éclairage, cette carte mémoire rapide, ce boîtier à la rafale plus rapide, etc.

Le GAS déstabilise le photographe et l’empêche de se poser les bonnes questions. Il se repose ainsi davantage sur son matériel photo que sur ses compétences et met le blâme sur son matériel photo lorsqu’il fait de mauvaises photos.

Mais d’ailleurs, cette boulimie de matériel et cette envie permanente d’acheter du nouveau matériel peuvent être encore plus déstabilisantes en obligeant parfois le photographe à changer de constructeur, car Canon a un meilleur ton de peau, Fuji a de meilleurs JPEG, Sony est meilleur en vidéo, Nikon a des couleurs plus justes, etc.

En changeant de plateforme photographique, on perd ses repères et on doit réapprendre de nouvelles habitudes qui n’ont pas le temps de devenir des automatismes. Au final, l’outil qui doit se faire oublier par l’artiste pour être au service de sa créativité reste un outil. Et en ne contrôlant pas suffisamment son outil, on ne l’exploite pas à son maximum et on ressent une fois encore cette envie de changer pour quelque chose de mieux, alors qu’au final on vient à peine de tâter le terrain. C’est un cercle sans fin.

Le matériel photo, une course perdue d’avance

Aujourd’hui, on se concentre souvent trop sur le matériel et pas assez sur la photo. Et c’est une course perdue d’avance. En effet, chaque année, les constructeurs regorgent d’astuces pour sortir de nouveaux produits plus rapides, plus performants, plus chers

Économisez en photo : n’achetez pas le tout dernier boîtier

Avons-nous besoin de ces produits ? Acheter un meilleur équipement ou davantage de matériel pourra toujours faire de vous un meilleur photographe d’une certaine manière, ou au moins vous faire le faire croire, mais ce n’est pas vrai.

On peut réussir ses photos à l’aide de n’importe quel matériel, même un appareil photo jetable, et penser que le dernier boîtier fera de vous un photographe n’est vraiment pas la solution. Ne soyons pas hypocrites, certains boîtiers sont plus adaptés à certaines pratiques de la photo. Par exemple, pour de la photo de mode ou de la publicité, un boîtier plein format avec un capteur très défini est conseillé, alors que pour de la street photography, un appareil photo compact ou un hybride discret sont recommandés.

Témoignage : un photographe de mariage raconte son passage du reflex plein format à l’hybride

Le pire dans tout cela, c’est que même si vous rêvez la nuit d’une prochaine acquisition, une fois que vous aurez fait votre achat, vous ne retrouverez très vite plus le même niveau d’excitation en utilisant votre matériel. Pire, vous verrez rapidement que les points positifs que vous aviez notés sont surestimés par rapport à la réalité.

Cela s’explique par un phénomène appelé l’adaptation hédonique : l’être humain s’ajuste toujours à un changement de situation. En photo, cela veut dire que l’on s’habitue toujours à quelque chose de mieux. Pourquoi cela ? Parmi les réponses, on note que :

  • l’homme n’est jamais content et se focalise toujours sur ce qu’il n’a pas
  • il a également une fâcheuse tendance à se comparer avec ceux qui ont plus que lui
  • il surestime les bénéfices d’un achat et en réduit ses inconvénients
  • il prend tous les achats déjà effectués comme acquis.

En quelque sorte, l’Homme manque naturellement de gratitude, surtout dans les sociétés modernes où la consommation est devenue un culte. Ce n’est pas une critique, mais une constante à noter et à garder en tête.

Heureusement, il est possible de combattre le GAS avec quelques règles à suivre.

Comment combattre le GAS ?

Avant de continuer cette lecture, je vous invite à découvrir notre dossier sur le photographe zen. Être zen est un état d’esprit qui implique souvent de simplifier au maximum son matériel.

Mieux connaître vos usages et habitudes photographiques

Avoir beaucoup de matériel peut vous rendre plus crédible auprès de vos clients, mais castre votre créativité. En simplifiant votre matériel, vous développez votre créativité en n’utilisant que ce dont vous avez réellement besoin. Il existe ainsi des solutions pour mieux connaître vos habitudes photographiques et ainsi voir quel matériel vous utilisez le plus dans toute votre panoplie de photographe.

Mieux connaître ses habitudes photographiques en analysant son Lightroom

Cette analyse vous permettra de vous rendre compte qu’une grande partie de votre matériel est inutile.

Se fixer un challenge de 30 jours

Avez-vous déjà essayé d’utiliser votre appareil photo avec un seul et unique objectif sur une période donnée. Cela peut être sur une sortie photo, une semaine ou même un mois, pour bien comprendre les avantages et inconvénients d’un objectif et l’apprécier à sa juste utilité.

On n’apprécie jamais assez ce que l’on a tant qu’on ne l’a pas perdu.

Par exemple, j’ai un objectif 85mm f/1.8 pour Nikon que je n’utilise que très peu. Je l’ai acheté à un moment où je souhaitais expérimenter avec la photographie de portrait, et couplé à mon Nikon D800, cet objectif offre une qualité d’image respectable. Au fil des mois cet objectif a pris sa place dans mon placard et je ne l’ai pas vraiment utilisé, souvent remplacé par un 50mm f/1.8 plus versatile ou bien même mon 24-70mm f/2.8 qui bien que moins lumineux est utilisé dans 80% des cas.

En me forçant à n’utiliser uniquement que le 85mm f/1.8 pendant plusieurs sessions photo, j’ai redécouvert cet objectif, ses avantages et ses inconvénients. Et aujourd’hui, je me suis convaincu qu’il fallait le revendre pour que quelqu’un d’autre puisse l’utiliser et en profiter.

Louer du matériel plutôt que de l’acheter

Dans certains cas, le GAS s’exprime par une envie impulsive d’essayer du nouveau matériel. Dans ce cas là, la solution est de le louer pendant quelques jours ou bien même l’emprunter à un ami. Ainsi, vous pourrez le prendre en main et vous faire votre propre idée.

Certains magasins photo proposent à leurs clients de tester un matériel pendant une journée, sous réserve de laisser une pièce d’identité et un chèque de caution.

Un nouvel appareil photo, ça se prend en main, merci Olympus

Attention, pour certaines personnes, une fois que le matériel est entre leurs mains, il est déjà trop tard. Pour d’autres, cela risque de les déboussoler encore plus, en se disant que tel ou tel produit est bien, mais peut-être que cet autre produit pourrait être encore mieux, alors pourquoi ne pas le tester ?

La question pourrait même se poser de savoir s’il ne serait pas plus intéressant d’avoir un prêt longue durée sur un appareil photo, un peu comme c’est le cas avec les voitures en leasing. Au moins, vous pourrez facilement changer d’avis et ne serrez pas « bloqué » avec un achat.

Concentrez-vous sur des projets

On a tendance à insister sur les différences entre tel ou tel matériel photo, mais il existe bien plus de similitudes que de différences entre les derniers produits sortis. Ils offrent tous une qualité d’image fixe appréciable, de la vidéo full HD ou 4K, etc. Tous les appareils sont « presque » pareils, très proches les uns et des autres.

Je pense ainsi qu’il est aujourd’hui plus important de se focaliser sur vos idées et projets photographiques que sur votre matériel.

Ce sont ces idées qui doivent dicter le matériel dont vous aurez besoin, et non l’inverse.

Demandez l’autorisation à quelqu’un pour vos achats

Pour éviter de faire des achats impulsifs, voici une solution un peu radicale, mais efficace : faire passer chaque demande d’achat de matériel au-dessus d’un certain montant (par exemple 200€) par quelqu’un d’autre, en lui expliquant vos motivations. Par exemple, si vous avez envie d’acheter un nouvel objectif, soumettez-le à votre conjoint(e) ou ami photographe en écrivant noir sur les avantages de cet achat.

Parmi les choses à noter, listez :

  • le problème que ce nouvel achat résout
  • comment il améliore votre travail
  • pourquoi, si vous êtes photographe professionnel, cet équipement vous permettra d’augmenter votre chiffre d’affaires
  • s’il est possible d’obtenir le même résultat pour moins cher

Après avoir rédigé cette liste, vous pourrez peut-être même vous convaincre de ne pas forcément en avoir besoin.

Séparez ce que vous voulez de ce dont vous avez besoin

Ce dont j’ai besoin / ce dont j’ai envie : chaque nouvel achat tombe dans l’une ou l’autre de ces deux catégories. Souvent, nous confondons ce dont nous avons besoin et ce dont nous avons envie. Avez-vous besoin d’acheter un nouvel ordinateur, ou en avez-vous envie ? Avez-vous besoin d’un boîtier plus performant ou en avez-vous envie ?

En y pensant, personne n’a vraiment « besoin » d’un appareil photo, sauf si vous vivez de la photographie. Malgré cela, vous pouvez « vouloir » un appareil photo parce que cela rend votre vie plus joyeuse, plus créative et vous remplit de bonheur. C’est une raison suffisante pour s’acheter du matériel photo, tant que vous en êtes conscient.

Pourquoi combattre le GAS fera de vous un meilleur photographe ?

En prenant conscience de ce syndrome d’acquisition de matériel et en le combattant, vous allez pouvoir passer plus de temps à photographier plutôt que de lire des forums et faire vos recherches sur le dernier matériel photo sorti.

A chaque fois que vous avez envie de rechercher des informations et vous informer sur un achat futur pas forcément nécessaire, arrêtez-vous, prenez votre appareil photo et allez faire des photos.

L’heure que vous auriez passé à comparer tel ou tel modèle d’appareil sera ici utilisée pour réaliser des photos : et vous verrez que votre matériel photo n’est pas si mal.

L’autre avantage de ne pas céder à la boulimie de matériel, c’est que vous ferez de sérieuses économies d’argent. Le coût d’opportunité d’un nouveau matériel est à prendre en considération. Imaginez que vous n’achetez pas ce nouvel appareil photo dont le prix est de 1000€. Vous aurez 1000€ de plus sur votre compte, dispose pour voyager (voyager plutôt que s’équiper) ou alors à utiliser sur d’autres postes si vous êtes un professionnel, par exemple en engageant un assistant sur un shooting photo, ou en investissant sur la création d’un site photo ou de la formation.

MP #61 : Voyagez au lieu de vous équiper ?

Le matériel photo est un outil important pour le photographe, mais ce n’est pas le seul : la formation et la communication ont une place importante à prendre pour développer votre regard photographique et recruter de nouveaux clients.

Allez prendre des photos

Vous ne serez jamais satisfait de ce que vous avez, il va bien falloir vous y faire. Les choses matérielles n’apportent jamais vraiment de bonheur véritable. Même si c’est surfait de dire cela – car on sait tous que l’argent et les possessions matérielles contribuent au bonheur, jusqu’à un certain seuil – accumuler du matériel n’est jamais une bonne idée, sauf si vous comptez ouvrir une société de location ou une boutique.

N’allez pas faire de photos sur les rails d’une voie ferrée active, c’est très dangereux

Au lieu de passer des heures sur Internet à chercher quel est l’objectif qui offrira le meilleur piqué à pleine ouverture, sortez faire des photos et lancez-vous dans des projets, occupez-vous l’esprit, et vous ne penserez plus à tout cela.

Si vous avez un(e) ami(e) qui semble atteint(e) du syndrome d’acquisition de matériel, ou GAS, envoyez-lui cet article, vous lui ferez une faveur.

Fondateur et rédacteur en chef

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  1. Article bien écrit, fort juste à mon sens et complémentaire de celui sur « le guide du photographe zen ». Merci Damien pour cette tranche de clairvoyance et de bon sens.

    Loïc.

    1. Merci Damien,
      Je suis depuis quelques mois votre blog, et le trouve vraiment très précis. Sur ce thème, je vous rejoins à 100%. J’ai un Xpro2 avec un XF23 et change parfois avec mon 56. Je l’ai depuis 8 mois, et ne le maitrise pas encore totalement. Je pense qu’avant de pouvoir sentir et utiliser 100% des fonctionalités, un certain temps doit s’écouler. J’ai laissé mon XE-1 après 6 ans de bons et loyaux services. 🙂
      C’est bon de pouvoir lire ce genre d’article que j’ai partagé avec un ami.
      Continuez, votre bog est TOP!
      Merci à vous

  2. Excellent article très juste et qui reflète bien l’état d’esprit de pas mal de photographes (moi y compris).
    Je me suis rendu compte que quand j’avais un projet photo en cours, que j’étais concentré dessus, je me fiche complètement de l’appareil photo que j’ai entre les mains.
    Mon cher d750 n’est plus qu’un vulgaire outil pour arriver à mes fins et je pourrais aussi bien le casser en deux si ça me permet de réussir la photo que je souhaite faire.
    Je sais que j’ai déjà un très bon appareil photo qui me permet de tout faire correctement et de mener à bien n’importe quel projet photo et que le nouveau d850 ne fera pas de photos plus intéressantes ni de moi un meilleur photographe !

  3. C’est vraiment ce que j’apprécie sur Phototrend : un article de fond, bien complet et de bon sens qui s’appui sur des expériences vécues.
    Je fais partie d’un club photo (argentique et numérique) et dès que l’on a un moment de pause dans nos activités nous parlons …matériel. Je suis atteint de G.A.S. en papillonnant non seulement sur le complément d’équipements mais aussi en changeant de marques! Merci pour ce récit que je vais précieusement conserver.

    Jean-François

  4. J’avais un Canon 70 D avec 5 objectifs, chargeurs, pied etc etc. J’ai tout vendu et suis parti pour 8 mois autour du monde avec un iPhone !!!! (Au lieu de 4,5 kg de matériel) J’ai fait beaucoup plus de petits films montés avec iMovie. J’ai utilisé l’app findpenguins et en rentrant j’ai fait imprimé un album de 240 pages. J’ai des souvenirs.
    Y
    En rentrant, j’ai racheté un XT2 avec l’objectif inclus. Depuis je n’achète plus rien et je pars avec l’appareil l’esprit libre. Surtout je suis léger !

  5. Excellent article Damien, et qui concerne nombre de photographes dont moi le 1er!
    Mon équipement actuel dépasse largement la majorité de mes besoins: il me permet de pouvoir envisager et réaliser n’importe quel type de photo, moyennant quelques concessions bien évidemment. En 2 ans je me suis construit un système µ4/3 complet (vive le marché de l’occasion) et j’ai ainsi à disposition 3 sets principaux: minimaliste pour la photo de tous les jours (GM5 et 2 pancakes, soit un fixe lumineux et un zoom transtandard polyvalent), une petite besace avec un équipement complet pour les sorties « légères » (3Kg si j’emporte tout), week-ends, vacances et photos de famille (EP5, 5 fixes, 2 zooms et éclairage), et un kit plus « pro » pour des sorties spécifiquement axées photo (EM1, macro, 2 zooms « pro » + ou – gros télézoom lumineux + flash). De fait après quelques années avec une activité proche de zéro j’ai repratiqué ma passion avec enthousiasme!
    Le fait est que j’ai passé au final bien plus de temps à écumer les forums et les magazines qu’à faire des photos, mais il est vrai que j’ai tendance à alterner pratique intensive et périodes beaucoup plus calmes. Au final le désir et l’envie d’acquérir les derniers joujoux sortis est toujours grande (ah l’EM1 mark II), mais heureusement tempérée par mes finances. Et la raison me rappelle que les derniers « gros » et onéreux objectifs ultra-lumineux ne seraient que très rarement utiles ou utilisés malgré leur piqué supérieur: est-il vraiment nécessaire de passer de très bon à excellent en usage amateur, sans compter le coût et le poids? Mon matériel actuel me donnant entière satisfaction je me suis donc résolu à stopper la course effrénée (et bien inutile) aux nouveautés pour essayer de me recentrer sur une pratique plus assidue, réfléchie et gratifiante…

  6. Si votre passion photographique a des conséquences économiques désastreuses, il est temps de consulter. Par contre, je suis plus réservé sur le discours moral « combattre le GAS fera de vous un meilleur photographe ».
    C’est avant tout l’idée que vous vous faites de vous mêmes et de vos images qui fera de vous un meilleur photographe. Or, le matériel photographique est central dans l’image que l’on a de soi « photographe ».
    J’ai croisé de nombreux photographes qui étaient persuadés que leur LeicaNikNon prenait de meilleurs photos que les appareils concurrents ou que jamais les photos qu’ils réalisaient en moyen-format ne pourraient être égalées en full frame. Et ils avaient raison, ne serait-ce que parce qu’ils en étaient tellement convaincus que leur pratique leur apportait beaucoup de satisfactions !
    Inversement, j’ai croisé des photographes amateurs malheureux qui étaient persuadés que si leurs photos étaient médiocres, c’était parce qu’ils n’avaient pas de chambre 4×5 » (ou même 20×25 pour les plus angoissés). Heureusement pour eux, ils ne finissaient jamais par réaliser leur fantasme, ce qui leur permettait de continuer à entretenir cette image d’un photographe à la vocation contrariée par le manque de moyen. Au bout du compte, cette insatisfaction permanente était d’un grand réconfort.
    Si vous préférez photographier un mur de briques de temps en temps plutôt que de redécouvrir le pictorialisme 100 fois par jour, pourquoi pas. Après tout, un autre discours moral que l’on retrouve quasiment depuis l’invention de la photographie, consiste à dénoncer les photographes qui multiplient les images. Et quand bien même vous accumuleriez frénétiquement du matériel, pourquoi vous condamner, si vos moyens vous le permettent, si c’est votre façon à vous d’accomplir votre rêve photographique. On peut acheter du matériel et ne pas prendre de photos tout comme on peut réaliser des images et ne pas les développer comme Garry Winogrand.
    Etre victime du GAS, c’est une face d’une médaille dont l’autre face c’est le sténopé ou la Lomo. Dans tous les cas, c’est le matériel qui est au centre de l’idée de ce que devrait être un « meilleur » photographe. L’une de ces addictions est nettement plus onéreuse que l’autre et à ce titre condamnable (c’est mauvais pour la planète) ou louable (c’est bon pour l’emploi).

    Finalement l’idée que je pourrais devenir un meilleur photographe en achetant plus de matériel (idée finalement condamnée même par les victimes du GAS) me semble beaucoup moins folle que celle qui voudrait que ce soit en voyant le reportage réalisé « dans la vraie vie » par un photographe, plutôt que par un test réalisé scientifiquement sur un banc, que je pourrais apprécier les qualités d’un nouveau boîtier ou d’un nouvel objectif. (Idée beaucoup plus largement partagée si j’en crois les forums.) 🙂

  7. Juste une remarque… cette photo avec les photographes couchés sur une voie ferrée visiblement encore en utilisation n’est pas très pédagogique pour plusieurs raisons: c’est interdit de s’y trouver là et surtout, c’est très dangereux car combien de fois ces prises de photos finissent en drame.
    On croit qu’on entendra le train arriver, mais ceci n’est pas le cas!
    En cherchant « killed on traintrack » on trouve plusieurs articles rien que du mois de février de plusieurs cas, dont celui-ci, comme par hasard « Filles couchées sur voie férrée etc… » Girls ‘lying on track when train killed them’ | Daily Mail Online

  8. Votre article analyse nos états d’âme face au dilemme du toujours plus, notre tendance à être des fashion victimes consentantes … mais j’ai l’impression qu’il manque un chapitre, celui du plaisir et de notre goût pour les nouvelles technologies. Parce que oui, c’est un plaisir que d’acheter un nouvel appareil photo ou un nouvel objectif … c’est beau, c’est de l’art, de la haute technologie à l’état pur, un bijou … ce bruit de l’obturateur, ces reflets sur la lentille frontale, tout un univers à découvrir avec un nouvel équipement, une nouvelle histoire « d’amour » à écrire … ce qui n’empêche pas tout de même de réfléchir à deux fois avant de se lancer !!