Le salon du CP+ 2024 a permis à Panasonic de présenter ses dernières nouveautés en photo, avec notamment deux objectifs fraîchement annoncés. Sur place, nous avons pu nous entretenir avec M. Toshiyuki Tsumura, le nouveau directeur de la division Imaging Business chez Panasonic Corp. Il revient sur plusieurs sujets, comme les technologies présentes dans les nouveaux objectifs annoncés, la gamme Lumix S, l’IA, ainsi que l’importance du marché français pour Lumix et l’engagement de la marque à répondre aux besoins des créateurs. Place à l’interview.
Avec les Lumix S5 II et S5 IIx, vous disposez de deux boîtiers photo « compacts ». La gamme Lumix S1 a-t-elle été abandonnée ?
Afin de répondre aux besoins d’un large éventail de créateurs, nous continuerons de renforcer notre gamme complète. Nous pensons que la gamme LUMIX S1 est également importante pour répondre aux besoins des créateurs de haut niveau.
Panasonic propose désormais un boîtier « polyvalent » (S5 II) et un boîtier plus spécialisé vidéo (S5 IIX). Peut-on s’attendre à un S5 IIR avec un capteur haute définition ?
Nous sommes conscients que les boîtiers haute définition ont le vent en poupe. Par le passé, nous avions en effet le Lumix S1R qui répondait à ce besoin. Aujourd’hui, nous avons le Lumix S5 II, qui dispose d’un mode High Resolution grâce au déplacement du capteur.
En outre, un capteur haute définition impose des compromis en termes de sensibilité. Plus on augmente la définition du capteur, plus on diminue la qualité d’image lors de la montée en sensibilité. Ceci nous impose de trouver un point optimal d’équilibre entre ces deux aspects, mais nous nous efforçons d’améliorer les choses.
En photo, la haute définition devient de plus en plus importante. En vidéo, la très haute définition est aussi un aspect clé. Mais la diffusion de vidéos 8K n’est pas encore là, car les écrans 8K ne se sont pas encore démocratisés. En revanche, l’édition de vidéos en haute définition [avec par exemple le crop 4K dans de la 8K, NDLR] se répand fortement. Nous améliorons donc nos technologies liées au capteur, et nous devrions ainsi être en mesure de proposer la vidéo haute définition.
En photo, le mode haute définition de 96 Mpx des derniers boîtiers Lumix est intéressant, mais uniquement lorsque le sujet photographié – et le photographe – sont parfaitement statiques, ce qui réduit les opportunités, n’est-ce pas ?
Vous avez raison : le mode Haute Définition est parfois difficile à utiliser dans certains cas où des sujets sont en mouvement. Cependant, sur les Lumix S5 II et Lumix S5 IIx, nous avons intégré une technologie permettant de compenser les mouvements des sujets. Nous ne pouvons certes pas compenser cela à 100% mais vous pouvez obtenir de très bons résultats avec ce mode.
La plupart des constructeurs semblent avoir abandonné le marché de l’entrée de gamme. Cependant, Panasonic a toujours eu une forte présence sur ce segment, notamment avec ses bridges abordables et ses hybrides Micro 4/3. Lumix a-t-il l’intention de réintégrer ce marché ?
Tant qu’il y aura une demande de nos clients, nous n’abandonnerons jamais le segment de l’entrée de gamme. En janvier de cette année, nous avons présenté le Lumix G100D, un hybride Micro 4/3 d’entrée de gamme, et nous continuerons à nous efforcer de répondre aux besoins des utilisateurs qui souhaitent documenter facilement des événements et leur quotidien avec des photos et des vidéos en haute qualité, de même qu’aux vloggers qui veulent des images d’une qualité supérieure.
En 2020, nous avions interviewé Yosuke Yamane de chez Panasonic, qui nous indiquait comme objectif pour Panasonic de devenir numéro un sur le marché de l’hybride plein format en France. 4 ans plus tard, qu’en est-il ?
C’est une très bonne question. L’Europe, et en particulier la France, est l’un des pays où la conscience et la part de marché de la marque Lumix sont très élevées. En France, de nombreux utilisateurs sont fidèles aux produits Lumix depuis de nombreuses années, et nous souhaitons viser une part de marché encore plus élevée en collaborant étroitement avec les médias, les influenceurs et les partenaires commerciaux.
Nous ciblons ainsi une position de numéro un sur un segment plus restreint, celui des créateurs qui utilisent à la fois la photo et la vidéo, que ce soit de manière individuelle ou en petite équipe. Ce qu’on appelle les créateurs « hybrides ».
Ainsi, nous atteignons 12 % de parts de marché en France sur le plein format. Mais comme je le disais, sur le segment des créateurs « hybrides », notre part de marché est sans doute plus élevée. Je vous donne rendez-vous dans 2 ou 3 ans pour voir comment tout cela aura évolué (rires).
Ces dernières années en particulier, le nombre de fans enthousiastes parmi les créateurs a augmenté, et l’attrait de nos produits a atteint les utilisateurs cibles que nous visons. La France est donc un marché extrêmement important pour la marque Lumix.
En plus d’une interaction étroite avec les médias français, nous nous rapprochons beaucoup des créateurs et influenceurs français, et nous créons beaucoup de contenu informationnel en langue française.
Lumix est une marque qui « avance avec les créateurs » et notre slogan est Motion.Picture.Perfect. Afin d’atteindre l’objectif de rendre les œuvres des créateurs français « Picture Perfect », nous continuerons à élaborer des produits qui anticipent les besoins des créateurs, car ces derniers évoluent avec le temps. En particulier, notre thème au CP+ était « Lumix color », et ce dernier a été très apprécié par nos clients. Nous continuerons à le faire évoluer en tant qu’atout pour nos clients français, afin d’atteindre cet objectif.
Selon vous, la gamme Lumix S est-elle au complet, ou manque-t-il encore certains objectifs-clé ?
Lorsque nous sommes entrés sur le marché du plein format, nous disposions d’une solide gamme d’objectifs S-PRO ainsi que des boîtiers photo de la série S1, qui visaient les professionnels. Par la suite, la série S5 a été très bien accueillie par les créateurs « hybrides » – qui gèrent tout par eux-mêmes, de la prise de vue au montage – ainsi que par les clients qui apprécient la prise de vue de haute qualité. Aussi, nous nous sommes concentrés sur l’amélioration des objectifs dédiés à la série S5 : ils sont à la fois compacts, légers et performants, afin d’offrir une variété d’expériences de prise de vue.
En plus de la série de focales fixes ouvrant à f/1,8, nous avons introduit cette année l’objectif macro 100 mm et le téléobjectif zoom 28-200 mm, qui sont les objectifs les plus compacts et légers au monde dans leur catégorie. Nous continuerons de proposer aux créateurs des moyens d’élargir leur champ créatif. En outre, tous nos objectifs visent à avoir la même compacité, les mêmes fonctionnalités et la même colorimétrie, de même qu’une ergonomie améliorée.
Comme indiqué dans notre roadmap, nous développons également un super-téléobjectif pour les amateurs éclairés et les professionnels. Au global, par rapport à notre roadmap d’août 2023, il nous reste encore 2 objectifs à annoncer, dont un super-téléobjectif pour les professionnels. Je vous invite à rester attentif à nos annonces.
En juin 2022, Panasonic et Leica ont signé l’Alliance L2. Un an et demi plus tard, comment se concrétise ce nouveau partenariat technique entre Panasonic et Leica ?
Le moteur de traitement d’image équipé de la technologie L², développé conjointement par les deux sociétés, est présent au sein de nos modèles phares comme les Lumix S5II, S5IIX et G9II. Il constitue la technologie de base des boîtiers Lumix. De plus, le G9II est équipé d’un nouveau style photo, le Monochrome Leica, et donne ainsi vie à la philosophie de Leica en matière de création d’image.
Quelles sont les prochaines étapes pour la L-Mount Alliance ? Quelles sont les grandes orientations stratégiques que l’Alliance souhaite poursuivre pour 2024 et les années à venir ?
La L-Mount Alliance est passée de trois à huit sociétés membres initiales et a élargi sa gamme d’objectifs pour atteindre un total de 85 objectifs. Nous pensons que c’est devenu une option importante non seulement pour la photographie, mais aussi pour les vidéastes.
L’une de nos stratégies principales consiste à couvrir les domaines qui ne peuvent pas être couverts au sein de Panasonic, grâce à la collaboration avec d’autres sociétés.
Quelle est la place de la division Imagerie au sein du groupe Panasonic ?
En avril 2024, Panasonic fusionnera sa division Imagerie grand public, dont je suis actuellement en charge, avec l’activité audiovisuelle professionnelle actuellement située chez Panasonic Connect. Sur le marché de l’imagerie, la réduction de la frontière entre la production vidéo individuelle et professionnel s’estompe, et le marché de la vidéo se développe. Je suis sûr que la fusion de ces deux entités génèrera de nombreuses synergies.
Par exemple, dans le domaine grand public, les hybrides se développent et le nombre d’utilisateurs réalisant des vidéos augmente considérablement. Et dans les productions vidéo professionnelles, l’emploi d’hybrides plus abordables se développe, avec une tendance vers des capteurs plus grands, des budgets plus réduits et des économies de main d’œuvre dans la production vidéo.
En fusionnant les divisions Professionnel et Grand Public, nous combinerons leurs forces et favoriserons la fusion des technologies pour créer des produits encore plus attractifs sur le marché, qui répondront aux besoins de nos clients.
En outre, nous faisons partie de la Panasonic Entertainment and Communication company, qui ne regroupe pas seulement les produits pour la photo et la vidéo mais aussi les télévisions, les équipements audio et vidéo pour la maison, la domotique, etc. Au sein de cette entité, la division Imagerie occupe une place très importante, et j’espère qu’elle continuera de grandir.
Côté technique, Panasonic a surpris tout le monde avec son objectif Lumix S 28-200 mm : comment avez-vous atteint une telle compacité, tout en intégrant la stabilisation optique ?
Vous pouvez mettre cet objectif dans votre poche (rires). Sa conception est le fruit de nombreuses recherches en matière d’optique, qui ont permis de réduire considérablement sa taille. Nous avons utilisé par exemple des lentilles asphériques, qui permettent d’atteindre un très haut niveau de précision tout en réduisant la taille de ce zoom. Nos ingénieurs ont fait de nombreuses simulations avant d’arriver à la formule optique optimale, qui permet de combiner précision et compacité.
L’ouverture f/4-7,1 a donc été choisie pour réduire l’encombrement de l’objectif ?
En parallèle de la série de boîtiers S5, nous avons développé plusieurs objectifs : 14-28 mm f/4-5,6, 20-60 mm f/3,5-5,6 et 70-300 mm f/4,5-5,6. Nos clients apprécient ces objectifs zooms très compacts, qui permettent de capturer des scènes variées. Pour autant, ceci nécessite de transporter 3 objectifs.
Pour résoudre cela, nous devions couvrir les différents types de photo avec un seul objectif. Le 28-200 mm est le résultat de cette démarche. Nos ingénieurs avaient pour mission d’intégrer toutes les technologies dont nous disposions dans un objectif aussi compact que nos focales fixes à f/1,8. C’est là le point de départ de ce zoom 28-200 mm.
De même, comment avez-vous réussi à livrer un objectif macro aussi compact ?
Pour concevoir l’objectif Macro Lumix S 100 mm f/2,8, nous avons combiné une nouvelle technologie révolutionnaire appelée « Dual Phase Linear Motor » ainsi que des lentilles asphériques en plastique moulé – un domaine dans lequel nous excellons. Ceci a permis une nette réduction de l’encombrement ainsi qu’un autofocus très rapide et précis. Nous organisons également des séminaires techniques sur notre stand, nous espérons donc que de nombreux clients en feront l’expérience.
Pouvez-vous nous donner plus d’informations au sujet de la technologie Dual Phase Linear Motor ?
Le Dual Phase Linear Motor est une technologie nouvelle. La motorisation autofocus est très compacte, mais s’avère 3x plus puissance qu’un moteur AF linéaire conventionnel. On peut ainsi contrôler le groupe de mise au point avec un seul moteur – contrairement à ce que son nom indique.
Le jour où nous déciderons de concevoir un nouvel objectif 70-200 mm ou des objectifs ouvrant à f/1,2, nous pourrons utiliser cette technologie.
À l’opposé, comment expliquez-vous que la plupart de vos autres objectifs (zoom ou focales fixes lumineuses) en monture L soient aussi lourds et encombrants ? Certains concurrents parviennent à allier compacité, luminosité et performances…
Nous sommes constamment à l’écoute du marché, et nous développerons les meilleurs objectifs pour le système de la série S. La technologie de miniaturisation utilisée pour le 100 mm macro et le 28-200 mm est devenue un atout de notre entreprise.
À l’avenir, nous continuerons d’identifier les besoins du marché en matière de zooms et de focales fixes, ainsi que la formule optique optimale afin de parvenir à une plus grande réduction de l’encombrement et à de meilleures performances.
Verrons-nous un jour des objectifs ouvrant à f/1,2 en monture L ?
Nous prendrons en compte la possibilité tout en évaluant la demande.
On parle beaucoup d’IA en ce moment. Utilisez-vous l’intelligence artificielle pour le développement de vos produits ?
Nous avons recours à l’IA pour aider nos ingénieurs sur certains points, par exemple lors du développement optique, pour réaliser des ajustements très fins. Mais ces aspects sont confidentiels. Je ne peux malheureusement pas vous donner plus de détails à ce sujet.
Le Lumix S5 II (X) et le Lumix G9 II sont les premiers appareils photo dotés d’un AF hybride. Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont vous avez mis en œuvre cette technologie ?
L’AF à détection de contrastes et la technologie DFD ont été affinés au fil des années. Ils offrent une mise au point extrêmement précise et rapide en recherchant constamment le point de netteté et en déplaçant avec finesse la lentille de mise au point. De son côté, l’AF à corrélation de phase possède une excellente capacité de suivi pour les sujets en mouvement en connaissant instantanément la position de mise au point du sujet.
Le Lumix S5II combine les atouts du DFD, de la détection de contraste et de la corrélation de phase pour obtenir des performances de suivi AF sans précédent.
Afin d’obtenir d’excellentes performances avec l’AF à corrélation de phase, il est nécessaire de déplacer les lentilles très rapidement. En menant activement nos recherches en matière d’AF à détection de contraste et à corrélation de phase, nous avons réussi à optimiser le contrôle mécanique des lentilles afin d’obtenir une mise au point très précise et rapide.
C’est précisément grâce à nos connaissances en matière de design optique que nous sommes en mesure de faire ressortir davantage les performances à grande vitesse de l’AF à corrélation de phase. L’autofocus est une technologie qui améliore les performances globales des capteurs, des objectifs, des moteurs de traitement d’image, des algorithmes et de la reconnaissance d’image basée sur l’IA. L’AF du S5 II n’est pas seulement équipé d’un capteur PDAF, mais a également atteint de hautes performances grâce à l’accumulation de ces technologies jusqu’à présent.
Le lag au démarrage en mode rafale avec l’obturateur électronique a été corrigé sur le Lumix G9 II avant le début de sa commercialisation. Comment expliquez-vous que ce lag soit toujours présent sur le Lumix S5 II ?
Nous sommes à l’écoute du marché et examinons les possibilités d’améliorations.
Verra-t-on un jour de nouvelles caméras de type BGH1/BS1H inspirées du G9 II ou du S5 II ?
Dans le cadre de l’intégration de nos activités professionnelles et grand public, nous envisageons plusieurs possibilités, y compris une nouvelle « Box Camera ».
Avec le G9 II et le S5 II, vous disposez désormais de deux appareils photo dotés d’un bon AF et d’une cadence en rafale très élevée. Allez-vous franchir le pas et cibler les photographes sportifs professionnels avec un capteur empilé ou un boîtier global shutter ?
La photographie sportive professionnelle est une catégorie avec une barrière à l’entrée assez élevée, mais nous continuerons à surveiller les tendances en matière de développement de capteurs et identifions les possibilités offertes par les capteurs empilés et le global shutter.
Merci à M. Toshiyuki Tsumura d’avoir répondu à nos questions. Nous tenons également à remercier l’équipe de Panasonic Japon et Panasonic France pour avoir rendu possible cette interview.
Mise à jour 7 mars 2024 : contrairement à ce qui était indiqué dans une première version de l’interview, seul le Lumix S 100 mm f/2,8 Macro a eu recours aux lentilles asphériques en plastique moulé.