Moï Ver : une première grande rétrospective au Centre Pompidou

Le Centre Pompidou organise la première grande rétrospective sur le travail de Moshe Vorobeichic, dit Moï Ver (1904-1995), avec plus de 300 œuvres et documents variés. Peintures, dessins, imprimés, mais surtout photographies, le corpus de travaux présentés englobe une multitude de réalisations de ses débuts, en 1928, jusqu’à son retrait de la vie artistique en 1952 où il déménage à Safed (Israël) pour se consacrer uniquement à la peinture, jusqu’à sa mort en 1995. Une exposition à découvrir jusqu’au 28 août 2023.

C’est dans sa ville natale de Vilnius qu’il commence sa carrière avec un reportage photographique sur le vieux quartier juif. En plus des portraits des habitants de ce quartier, Moï Ver s’attache aussi à photographier les rues ou, en plan serré, les façades des bâtiments et l’intérieur des lieux de prière. Ce travail le mène à diriger en 1931 la publication The Ghetto Lane in Wilna, l’occasion pour lui de retravailler ses images, de les couper pour les recomposer ensuite dans des séquences rythmées ; une façon d’offrir un panorama hybride de cette communauté, un panorama indubitablement teinté de modernité.

À partir des années 1930, son œuvre se diversifie, tant géographiquement que par les sujets traités : entre Paris, la Pologne et la Palestine, il s’attèle à allier ses photographies architecturales avec ses beaux reportages sur les communautés juives. Ses photographies architecturales, d’abord, s’inscrivent sans aucun doute dans le courant esthétique de la Nouvelle Vision.

Vues en plongée ou en contre-plongée, plans rapprochés et décadrés, collages… tous les codes de la photographie de l’époque sont alors remis en question pour offrir des images fortes, et considérées nouvelles et originales. Sa démarche est soutenue par Fernand Léger dont il suit les cours du soir – le même Fernand Léger qui introduira un peu plus tard sa publication Paris. 80 photographies de Moï Ver.

Deux prises de vue par moi-même. Yport, Seine-Maritime, sur la plage, 1931 Épreuve gélatino-argentique 24 × 17,7 cm MK2 Kreations © Yossi Raviv-Moi Ver Archive Photo © Centre Pompidou/Bertrand Prevost

Toujours dans les années 1930, envoyé par l’agence Photo Globe ou de sa propre initiative, Moï Ver poursuit donc sa documentation photographique des communautés juives d’avant-guerre en Pologne et en Palestine. Frappant de modernité – on croirait voir des images de la photographie humaniste et vernaculaire des années 1950 –, son travail offre à la fois une archive aujourd’hui précieuse et des photographies au noir et blanc contrasté, des portraits serrés qui montrent toute l’émotion et les marques inscrites sur les visages des personnes qu’il prend en photo.

Barbes, 1933-1934 Série Visages d’hier. Les juifs en Pologne 1929-1939 Épreuve gélatino-argentique 30 × 20 cm Yossi Raviv-Moi Ver Archive © Yossi Raviv-Moi Ver Archive Photo © Centre Pompidou / Dist. RMN-GP

C’est en 1932 qu’il part pour la première fois en Palestine pour réaliser ses images de juifs orientaux ; il s’y installe en 1934. Il met assez rapidement sa pratique au service de la propagande sioniste en témoignant des modes de vie des pionniers dans les kibboutzim (villages communautaires et ruraux).

Constructions de nouvelles infrastructures, travaux agricoles… tout passe sous son objectif, son regard au style toujours moderniste qui se distingue alors de l’esthétique dominante de son époque pour ce genre de publications. Moï Ver s’attache à décrire de la manière la plus directe et sincère possible ces nouvelles communautés en train de se créer avec de nombreux collages et photomontages.

Moï Ver s’installe de manière permanente dans le nord d’Israël (à Safed) en 1953, cinq ans après la proclamation de la création de l’État d’Israël par David Ben Gourion. Il rejoint alors la communauté artistique juive et délaisse progressivement sa pratique photographique pour retourner à la peinture – à l’huile, essentiellement, mais également au dessin et à la gravure.

De l’expressionnisme au modernisme, en passant par la tradition ésotérique du judaïsme, Moï Ver revendique de nombreuses influences pour ses œuvres tardives ; majoritairement abstraites, comme un retour à ses premiers travaux des années 1920, malgré quelques représentations figuratives et des paysages.

Moï Ver s’éteindra à Safed en 1995, laissant derrière lui une œuvre riche et aux multiples facettes que le Centre Pompidou présente de façon tout à fait complète. Face à l’ampleur et à la diversité de son œuvre, la Galerie 0 s’est divisée en six salles pour présenter toutes ses périodes artistiques.

La rétrospective consacrée à Moï Ver est à retrouver jusqu’au 28 août 2023 au quatrième étage du Centre Pompidou. Une publication est également à découvrir, avec plus de 200 pages dans bel ouvrage relié et au grand format, au tarif de 42 €.

Informations pratiques :
Moï Ver au Centre Pompidou
12 avril – 28 août 2023
Place Georges Pompidou, 75004 Paris
Galerie 0, Niveau 4
Exposition ouverte tous les jours de 11h à 21h, sauf le mardi
18 euros plein tarif, 15 euros tarif réduit