Monaco. Plus de 20 ans, Helmut Newton a vécu dans la principauté qui accueille actuellement une exposition exclusivement consacrée à son œuvre, au Musée National de la ville. Monaco, pour quitter Paris et son absence de soleil, comme il l’écrit dans ses mémoires, rejoindre le sud et sa lumière, les contrastes forts qu’elle offre, et cet univers de la côte méditerranéenne privilégiée, la Rivera, où seules l’apparence et la réussite semblent importer.
J’aime le soleil ; il n’y en a plus à Paris.
Helmut Newton
Helmut Newton a plus de 60 ans quand il quitte Paris pour s’installer à Monaco avec sa femme, June. Certains auraient pu croire à une retraite, après des années de succès qui en ont fait un photographe connu et reconnu ; au contraire, ce déménagement est pour lui l’occasion d’un renouveau de sa pratique, un moyen de retrouver une inspiration qui se tarissait sous le ciel gris de la capitale. Il avait le sentiment de tourner en rond, voilà qu’il reprend du service et entame la période la plus productive de sa carrière.
Photographe de la mode
Des années de travail fécondes aux photographies éclectiques et inspirées. Sa proximité nouvelle avec l’Italie le rapproche encore plus de la mode, la mode milanaise, la haute couture qu’il affectionne et dont il réalise de nombreuses campagnes de publicité. Dire d’Helmut Newton qu’il est un photographe de mode serait réducteur – parce qu’il est, sans conteste, un photographe de la mode, un véritable témoin de la société de consommation, conscient de son importance de plus en plus capitale au fil du temps.
Alors que le capitalisme, le luxe et le culte de la consommation sont à leur paroxysme, il considère le magazine et la publicité comme le vecteur le plus probant pour que ses photographies vivent et soient vues par le plus grand nombre.
Ce moyen de diffusion de masse ne l’empêche pas de signer ses photographies dans un style très particulier qui deviendra plus tard emblématique de son œuvre : sa signature. Diagonales tendues, ombres marquées, composition pensée au millimètre… l’architecture moderne apparaît à tous les coins des images d’Helmut Newton comme une inspiration évidente.
Non loin, aussi, Hitchcock et son noir et blanc contrasté caractéristique, ses figures féminines omniprésentes qui semblent prendre le dessus, se réapproprier leur pouvoir de séduction dans un mysticisme assumé.
Parce qu’elle est droite, fière, et imperturbable dans son environnement, la femme sous le regard du photographe devient une icône. Toujours pleine d’assurance, elle paraît dominante face aux hommes qui ne sont que figurant, en position d’infériorité, en admiration totale.
(Dé)peindre l’irréel et les « beautiful people »
La seule provocation que je déteste est celle de l’image surréaliste, elle est impossible dans mon monde.
Helmut Newton
En brouillant les pistes avec sa mauvaise foi, il nie franchement la dimension surréaliste très présente dans une partie de son travail. Legs coming home, littéralement « Jambes rentrant à la maison », s’inscrit concrètement dans le courant surréaliste, dans la continuité de Dali, de Man Ray ou de Marcel Mariën avec son Esprit de l’escalier.
Ailleurs, il écrit : « Tout ce qui est beau est faux », ou « Le plus beau des gazons est faux ». Il se sert de la photographie pour recréer artificiellement sa vérité, la concevoir de toutes pièces, en somme, réécrire la réalité par le biais d’une imitation presque burlesque. Face à l’injonction de l’instant décisif cher à ses contemporains, il défend l’idée d’une photographie à la frontière entre la réalité et l’hallucination : la photographie comme un miroir déformant de ses propres peurs et fantasmes.
Dans ce cadre, ce milieu huppé, empli d’abondance et d’opulence, il s’est attaché à photographier les stars qui l’entouraient. De passage à Monaco, Carla Bruni, Monica Bellucci, Isabelle Hupert, David Bowie… du cinéma à l’art contemporain, de la mode à la musique, tant que les modèles sont sous le feu des projecteurs et les paillettes, Helmut Newton s’attache à les photographier sous toutes les coutures.
Le Festival de Cannes, non loin de Monaco, lui offre le tableau parfait pour ses photographies parfois teintées d’ambiguïté. On ignore s’il regarde ces scènes avec cynisme ou envoûtement.
« Newton, Riviera » est à retrouver jusqu’au 13 novembre 2022 au Nouveau Musée National de Monaco à travers 280 tirages de particuliers et de la Fondation Helmut Newton de Berlin.
Le catalogue de l’exposition est également à retrouver aux éditions Gallimard, au tarif de 39 €. Composé de 250 photos sur 304 pages, il a été réalisé sous la direction de Guillaume de Sardes, historien de l’art, et Matthias Harder, conservateur à la Fondation Helmut Newton et commissaire d’exposition.
Informations pratiques :
Newton, Riviera
Nouveau Musée National de Monaco
Du 17 juin au 13 novembre 2022
Exposition ouverte tous les jours
10h-19h du 17 juin au 30 septembre
10h-18h du 1er octobre au 13 novembre
Entrée 6€ (gratuit pour les moins de 26 ans, groupes scolaires et groupes d’enfants, Monégasques, membres ICOM et CIMAM, demandeurs d’emploi sur justificatif, personnes en situation de handicap)
Entrée gratuite tous les dimanches