Il y a tout juste 10 ans, Canon lançait son tout premier boîtier hybride, l’EOS M. Ce dernier inaugurait une nouvelle monture, nommée Canon EF-M. Censée rivaliser avec les montures Micro 4/3 et APS-C de Panasonic, Olympus, Sony ou Fujifilm, elle compte aujourd’hui 8 références (5 zooms et 3 focales fixes). Alors que la monture RF, inaugurée en 2018, prend de plus en plus son envol, l’avenir de la monture EF-M paraît aujourd’hui incertain. Décryptage.
Sommaire
- La monture EF-M, première tentative de Canon de s’implanter sur le marché des hybrides
- Pourquoi la monture Canon EF-M ?
- Quels boîtiers et quelles optiques en monture Canon EF-M ?
- Quelle compatibilité entre les montures RF et EF-M ?
- La monture RF, avenir des hybrides APS-C de Canon
- Quel avenir pour la monture EF-M ?
La monture EF-M, première tentative de Canon de s’implanter sur le marché des hybrides
Pour comprendre l’intérêt de la monture EF-M, il convient de revenir sur le contexte dans lequel cette dernière a été lancé.
Les premiers « compacts experts à objectifs interchangeables » (désignés par la suite sous le terme « hybrides ») font leur apparition en 2008, avec les Olympus PEN E-P1 et Panasonic Lumix DMC-G1. Tous sont équipés de capteurs Micro 4/3. Sentant que ce marché peut s’avérer prometteurs, Samsung dévoile le NX-10 et Sony lance le tandem Sony Alpha NEX-3 et NEX-10, équipés d’un capteur APS-C.
En 2011, c’est au tour de Pentax de lancer sa gamme d’hybrides (hélas rapidement abandonnée), avec le Pentax Q, doté d’un capteur type 1/2,3 pouce. De même, le Nikon 1 se base sur un capteur CX, de type 1 pouce. Enfin, en janvier 2012, Fujifilm présentait son X-Pro1, première itération d’une longue série de boîtiers hybrides APS-C.
C’est donc dans ce contexte foisonnant que Canon présente son EOS-M en juillet 2012 – et sa nouvelle monture « compacte » EF-M. Cette dernière reprend l’abréviation « EF » (Electro-Focus, pour la mise au point motorisée) et le « M » pour mirrorless, pour les boîtiers sans miroir.
Avec cette nouvelle monture, Canon cherche donc à mettre un pied sur le marché des appareils photo hybrides, avec un capteur APS-C. La marque vise ainsi une cible moins expérimentée qu’avec ses reflex, et met en avant la qualité d’image, la compacité de ses boîtiers, ainsi que leur facilité d’utilisation.
Précision utile : à cette époque-là, aucun constructeur (à l’exception notable de Sony) n’a encore en tête de développer un boîtier hybride à capteur plein format. Canon est donc loin de lancer sa monture RF, présentée quant à elle en 2018.
Pourquoi la monture Canon EF-M ?
Lors de l’annonce de cette nouvelle monture, une question émerge : pourquoi donc Canon n’a-t-il pas réutilisé la monture EF « classique », plutôt que de créer une nouvelle monture ?
Pour saisir la logique de Canon, il faut revenir sur les caractéristiques techniques de ses différentes montures. La monture EF-M possède en effet un diamètre plus petit, ainsi qu’un tirage optique (la distance entre la baïonnette et le capteur) plus réduit.
Pour mieux comprendre, voici un tableau récapitulatif des différentes montures Canon :
EF-M | EF-S | EF | RF | |
---|---|---|---|---|
Diamètre interne (en mm) | 47 | 54 | 54 | 54 |
Tirage optique (en mm) | 18 | 44 | 44 | 20 |
Année de lancement | 2012 | 2003 | 1987 | 2018 |
Avec sa nouvelle ligne d’appareils EF-M, la marque cherche à livrer des boîtiers ultra-compacts (puisque le traditionnel miroir des reflex a été supprimé). Dès lors, les objectifs pour reflex auraient paru totalement disproportionnés. En optant pour un diamètre plus petit (47 contre 54 mm), Canon peut ainsi produire des optiques plus compactes, plus légères et in fine moins onéreuses.
Mais la différence la plus importante se situe au niveau du tirage optique : 18 mm seulement sur l’EF-M, contre 44 mm sur les montures EF et EF-S. Là encore, le but est de minimiser le gabarit du duo boîtier-optique. Un choix similaire est opéré par Sony avec sa monture E (46,1 mm de diamètre, 18 mm de tirage optique).
Mais le choix technique de Canon n’est pas sans conséquence. Jusqu’alors, les montures Canon EF et EF-S (l’une pour le plein format, l’autre dédiée aux boîtiers APS-C) partageaient les mêmes caractéristiques physiques. C’est ce qui explique pourquoi elles sont rétro-compatibles – avec la possibilité de monter un objectif en monture EF sur un boîtier APS-C en monture EF-S.
En diminuant drastiquement le tirage optique de la monture EF-M, il n’est donc plus possible de monter « nativement » une optique EF ou EF-S. Canon impose donc pour la 1e fois l’usage d’une bague d’adaptation. En revanche, l’emploi d’optiques EF-M sur un boîtier en monture EF ou EF-S est totalement impossible.
Mais surtout, les caractéristiques physiques de la monture EF-M différent totalement de celles de la nouvelle monture RF, lancée 6 ans plus tard. Là aussi, ceci n’est pas sans conséquences – ce que nous aurons l’occasion de voir plus loin dans cet article.
Quels boîtiers et quelles optiques en monture Canon EF-M ?
Au total, Canon a lancé 8 boîtiers hybrides EOS-M. Ces derniers se répartissent en 4 segments :
- Gamme débutant : EOS M10 (2015), EOS M100 (2017) ;
- Gamme grand public : EOS M (2012), EOS M2 (2013, Japon uniquement), EOS M50 et M50 Mark II (2018 et 2021) ;
- Gamme amateur : EOS M3 (2015), EOS M6 (2017), EOS M6 Mark II (2019) ;
- Gamme expert : EOS M5 (2016).
Ces différents boîtiers parviennent à séduire un public assez large, notamment auprès des néophytes – et plus largement auprès des photographes souhaitant bénéficier d’un kit très compact, au quotidien comme en voyage. De plus, Canon pratique une politique tarifaire attractive. La marque propose de nombreux packs incluant plusieurs optiques, vendus à des tarifs abordables.
Canon tient également à rassurer les photographes plus « technophiles » (et à réaliser des économies d’échelles) en réutilisant le couple capteur-processeurs de certains de ses reflex. Ainsi, l’EOS M6 Mark II et l’EOS 90D, lancés simultanément, reposent sur la même base technique
Du côté des optiques, en revanche, le choix est plutôt restreint. Canon propose aujourd’hui un total de 8 optiques : 5 zooms couvrant une plage focale allant de 11 à 200 mm et 3 focales fixes. La 1e optique (le Canon EF-M 18-55 mm f/3,5-5,6 IS STM) est lancé en 2012 avec l’EOS M, et la plus récente est lancée en septembre 2018.
Objectif | Équivalent en 24x36 | Type | Stabilisation | Motorisation AF | Date de lancement |
---|---|---|---|---|---|
Canon EF-M 11-22 mm f/4-5,6 IS STM | 18-35 mm | Zoom | Oui | STM | juin 2013 |
Canon EF-M 15-45 mm f/3,5-6,3 IS STM | 24-72 mm | Zoom | Oui | STM | octobre 2015 |
Canon EF-M 18-55 mm f/3,5-5,6 IS STM | 29-88 mm | Zoom | Oui | STM | octobre 2012 |
Canon EF-M 18-150 mm f/3,5-6,3 IS STM | 29-240 mm | Zoom | Oui | STM | décembre 2016 |
Canon EF-M 55-200 mm f/4,5-6,3 IS STM | 88-230 mm | Zoom | Oui | STM | juin 2014 |
Canon EF-M 22 mm f/2 STM | 35 mm | Focale fixe | Non | STM | octobre 2012 |
Canon EF-M 28 mmm f/3,5 Macro IS STM | 45 mm | Focale fixe | Oui | STM | mai 2016 |
Canon EF-M 32 mm f/1,4 STM | 51 mm | Focale fixe | Non | STM | septembre 2018 |
Ces différentes optiques traduisent clairement le positionnement marketing de cette monture EF-M. Certes, toutes sont stabilisées. Néanmoins, aucun des zooms n’est à ouverture constante – elle est d’ailleurs assez peu lumineuse (f/3,5-6,3 dans 3 cas sur 5). De même, si la motorisation STM peut être pertinente pour la vidéo, elle n’est ni spécialement véloce ni silencieuse. De même, jusqu’en 2018, Canon ne proposait aucune focale fixe lumineuse pour les portraits. Enfin, on notera l’absence complète des optiques en série L, qui restent l’apanage du plein format.
La faiblesse du parc optique Canon en monture EF-M est quelque peu compensée par les constructeurs « tiers ». Ainsi, Tamron propose un zoom 18-200 mm polyvalent. Sigma se montre plus généreux, avec trois focales fixes lumineuse (16, 30 et 56 mm f/1,4) lancées en 2019. Ces objectifs sont dotés de l’AF grâce aux travaux de rétro-ingénierie menées par les deux marques.
On notera également les (très) nombreuses optiques proposées par Samyang, Laowa, Meike, 7artisans ou Viltrox (entre autres) en monture EF-M ; néanmoins, ces dernières disposent d’une conception beaucoup plus simple. Elles sont entièrement manuelles et ne disposent ni de l’AF ni de la transmission des données EXIF au boîtier.
Comparé aux écosystèmes Micro 4/3, Sony E ou Fujifilm X, la monture EF-M fait donc pâle figure. Certains diront que Canon a préféré se concentrer sur les focales « essentielles ». Mais il paraît certain que la marque a voulu éviter de faire de l’ombre à ses montures historiques EF et EF-S. En clair, la monture EF-M est un produit d’appel, destiné à occuper le marché des hybrides à petit capteur, mais qui n’a jamais eu vocation à supplanter le marché reflex historique de Canon.
Quelle compatibilité entre les montures RF et EF-M ?
Comme nous l’expliquions dans un récent article, l’année 2021 s’est terminée sans aucune nouveauté de Canon pour l’écosystème EOS M. Certes, l’EOS M50 Mark II a été lancé en France en février 2021, mais ce dernier n’est autre qu’une version « rebadgée » du M50 avec un nouveau firmware. Plus que jamais, Canon déploie toutes ses ressources en faveur de la monture RF, qui compte 35 références en 5 ans d’existence (11 focales fixes, 22 zooms et 2 téléconvertisseurs).
Il est important de souligner que l’emploi d’optiques en monture RF sur les boîtiers EOS M est totalement impossible. Interrogée par Phototrend, la marque explique ceci par le tirage mécanique de la monture RF (20 mm), qui s’avère quasi-identique à celui de la monture EF-M (18 mm). Ainsi, une bague d’adaptation RF – EF-M devrait être extrêmement fine, ce qui complique sa conception.
Cette contrainte technique, ainsi que la faible demande pour une telle bague, expliquent sans doute pourquoi Canon n’a jamais tenté d’offrir une compatibilité entre montures RF et EF-M.
La monture RF, avenir des hybrides APS-C de Canon
Depuis plusieurs mois, une petite musique se fait de plus en plus présente. Ainsi, Canon lancerait prochainement son premier boîtier RF à monture APS-C. Parfois désigné sous le nom d’EOS R7, il reprendrait le gabarit de l’EOS R6, mais adopterait un plus petit capteur et un tarif moins élevé. Si ce dernier point est avéré, il rappellerait le Canon EOS 7D Mark II, déclinaison très réactive (et avec un capteur APS-C) des reflex Canon.
Pour Canon, un tel boîtier aurait beaucoup de sens. D’une part, il est clair que la monture RF s’impose comme LA monture unique de Canon (à l’image de ce que proposent Sony et Nikon). D’autre part, la marque japonaise n’a plus lancé un seul boîtier APS-C depuis l’EOS 850D (présenté en février 2020). Or les photographes amateurs comme expérimentés ont largement plébiscité les boîtiers de Canon en monture EF-S : il est donc (très) probable que Canon continue de s’adresser à cette cible.
Canon EOS 850D : le nouveau reflex APS-C abordable et polyvalent qui remplace les 800D/77D
Enfin, les boîtiers à capteur APS-C présentent certains avantages pour les professionnels : grâce au coefficient de conversion (x1,6 chez Canon), la focale est démultipliée, permettant à un 70-200 mm d’offrir un équivalent 112-300 mm. Un point très intéressant pour la photographie sportive ou animalière, notamment.
Coïncidence ou non, certaines optiques en monture RF offrent une focale très pertinente, aussi bien en plein format qu’en APS-C. On pense notamment au « petit » objectif RF 16 mm f/2,8 STM, qui offre une focale de 25,6 mm en APS-C.
Quel avenir pour la monture EF-M ?
Pour l’heure, Canon se montre assez peu loquace sur le futur de l’écosystème EOS. Néanmoins, il paraît peu probable que Canon annonce de nouveaux boîtiers et objectifs en monture EF-M, préférant logiquement se concentrer sur la monture RF, en pleine expansion. Et il paraît presque étonnant que Canon « abandonne » cette monture au bout de « seulement 10 ans » – même s’il est évident que la marque n’y a jamais consacré autant d’efforts que pour d’autres gammes de produits.
Il n’est d’ailleurs pas impossible que Canon fasse cohabiter ses deux gammes d’hybrides APS-C pendant un court laps de temps. Les boîtiers APS-C en monture RF serait ainsi réservés aux prosumers, et ceux en monture EF-M serviraient de produits d’appel, vendus à des tarifs plus accessibles, souvent sous forme de packs au moment des fêtes et de la saison estivale.
Mais à moyen terme, il n’est pas à exclure que la monture EF-M soit tout simplement arrêtée, lorsque tous les stocks auront été écoulés du côté du constructeur japonais. Et au vu de la pénurie actuelle de composants électronique, cet horizon pourrait se rapprocher à grands pas.
Pour les photographes déjà équipés en monture EF-M, ceci n’enlève rien aux qualités intrinsèques des optiques et boîtiers EOS M – à commencer par leur légèreté. De même, il sera toujours possible de compléter sa collection d’objectifs via le marché de l’occasion (y compris en monture EF). Mais sur le long terme, il est évident que seule la monture RF continuera de bénéficier des investissements de Canon.