JR : Tehachapi, la rédemption par le portrait

S’il est un photographe demeuré anonyme tout en sachant faire parler de son travail, c’est sans nul doute l’artiste français JR.

C’est au cœur du désert Californien, à Tehachapi que l’artiste français s’est rendu à l’automne dernier pour un nouveau projet monumental : réaliser une fresque à même le sol dans la cour du pénitencier en collaboration avec vingt-huit détenus d’une prison à sécurité maximale. Un projet profondément humain exécuté à partir des portraits pris par l’artiste lors de ses entretiens face à face auprès de 48 personnes : condamnés, anciens prisonniers et gardiens de Tehachapi. Une fresque représentant le paysage enneigé entourant la prison complète ce projet.

Photo: Claire Dorn © JR. Courtesy of the artist & Perrotin

Une œuvre participative salvatrice

La co-création de cette fresque carcérale est pour les détenus une expérience rédemptrice. De nombreux résidents des cellules de Tehachapi ont été condamnés à perpétuité étant encore mineurs après avoir commis trois crimes, pour la moitié non violents, une sentence appliquée en Californie selon la « loi des trois crimes ».

Accompagnés de JR et de son équipe, des surveillants du pénitencier, mais aussi de leur famille et de victimes, les prisonniers ont pu prendre part à un projet artistique inédit leur offrant un rare sentiment de liberté. Documentant l’avancée du projet sur les réseaux sociaux et recueillant les témoignages et histoires de chacun de ces hommes, JR a ainsi construit une passerelle entre le monde extérieur et ces détenus incarcérés depuis leur plus jeune âge.

Photo: Claire Dorn © JR. Courtesy of the artist & Perrotin

Vue du ciel à l’aide d’un drone, la fresque composée de 338 bandes de papier, sorte de puzzle à grande échelle à même le sol, saisit le regard. Les yeux tournés vers le ciel les détenus en quête de réhabilitation photographiés par JR sont immortalisés comme au fond d’un trou. Par nature éphémère, la fresque monochrome s’est doucement effacée quelques jours plus tard sous les pas des prisonniers.

Photo: Claire Dorn © JR. Courtesy of the artist & Perrotin

Des portraits pour changer le monde

JR avait précédemment lancé de nombreux projets artistiques collaboratifs comme Inside Out, une œuvre participative globale pour « changer le monde ». Dans plus de 129 pays, les participants ont pu poster leur portrait accompagné d’un message sur une plateforme dédiée. Ces photos ont ensuite recouvert les murs de Karachi à Washington. Inside Out s’inscrit dans le projet Can Art Change The World ? devenu depuis une ONG. Un studio photo couplé à un véhicule-photomaton ainsi qu’un centre culturel établi à Rio sont les piliers de ce projet d’ampleur mondiale.

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Initialement lancés dans la clandestinité, les portraits géants réalisés par JR s’affichent dans chaque région du globe. Face 2 Face était en 2008 devenue la plus vaste exposition illégale ; ses portraits d’Israéliens et de Palestiniens se faisant face ont recouvert les murs des territoires frères ennemis.

Quelques mois plus tard avec Women are Heroes, l’artiste anonyme, met en avant les visages de femmes, premières victimes des conflits.

En collaboration avec le Time, JR a pris part au projet Guns in America lancé à Dallas, Saint Louis et Washington : des villes profondément meurtries par les armes à feu. Au travers de ses 245 portraits et témoignages, JR avait une fois encore donné la parole aux communautés humaines en accordant de la visibilité aux victimes ou tireurs, offrant un visage à chaque point de vue.

Photo: Claire Dorn © JR. Courtesy of the artist & Perrotin

De la clandestinité à la renommée

Les photographies prises de l’œuvre créée par JR et les centaines de bénévoles venus l’assister en avril 2019 pour fêter les 30 ans de la pyramide du Louvre sont actuellement présentées à la galerie Perrotin. Trois ans après avoir fait disparaitre le monument de Ieoh Ming Pei grâce à un collage trompe-l’œil, JR a rendu visibles les fondations de la pyramide de verre devenue iconique à l’aide de 2000 bandelettes de papier. Plans et photographies du projet sont proposés par la célèbre galerie du marais.

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Présentée à la galerie Perrotin jusqu’au 10 octobre, l’exposition Tehachapi devait initialement proposer une expérience de partage inédite entre les détenus, le personnel pénitencier ayant pris part au projet et les visiteurs grâce à un parloir virtuel. La situation sanitaire des prisons américaines a malheureusement conduit à l’annulation cette installation, leurs témoignages sont disponibles sur l’application JR: murals et sur le site de JR.

Informations pratiques :
« Tehachapi » de JR
Du 29 août au 10 octobre 2020
Galerie Perrotin
76 Rue de Turenne
75004 Paris, France
Du mardi au samedi de 11h à 19h.
Entrée libre