Gian Paolo Barbieri, Milano 2000 ©Emiliano Scatarzi, Courtesy Fondazione Gian Paolo Barbieri

Zoom photographe : Gian Paolo Barbieri, une vie en quête de beauté

Maître incontesté de la photographie de mode bien au-delà des frontières italiennes, Gian Paolo Barbieri (1935 – 2024) a ébloui par sa capacité à sublimer la beauté sous toutes ses formes. De ses débuts à Milan dans les années 1960 à ses explorations ethnographiques des décennies plus tard, il a su allier sophistication, audace et technique pour devenir l’un des photographes les plus influents de son époque.

Disparu le 17 décembre 2024 à l’âge de 89 ans, Gian Paolo Barbieri laisse derrière lui un héritage artistique intemporel.

Portrait Gian Paolo Barbieri
Lilly Bistrattin in Pomellato, Milano 1971 © Courtesy Fondazione Gian Paolo Barbieri

Gian Paolo Barbieri, l’image de mode pour destin

Né à Milan en 1935 dans une famille de négociants textile, Gian Paolo Barbieri se montre dès son plus jeune âge sensible à la beauté et au tombé de la matière mais se dirige d’abord vers le théâtre. Acteur, opérateur ou costumier, ses premières expériences affinent son œil. C’est toutefois devant la sophistication et le mystère des actrices américaines des films noirs qu’il s’émeut véritablement.

Complètement autodidacte, il imagine plusieurs manières d’employer et agencer des lumières pour parvenir à recréer ces éclairages uniques à même de magnifier la beauté féminine. C’est décidé : il sera photographe de mode

Portrait Gian Paolo Barbieri
Ingmari Lamy in Walter Albini, Milano 1975 © Courtesy Fondazione Gian Paolo Barbieri

Le studio milanais, adresse de la Dolce Vita

Au début des années 60, Gian Paolo Barbieri gagne Paris où il devient pour une courte période l’assistant de Tom Kublin pour la rédaction d’Harper’s Bazaar. Malheureusement le photographe décède quelques jours après l’arrivée de Barbieri. L’événement le reconduit vers Milan où il ouvre en 1964 son premier studio photo. Il y réalise des shootings mode pour la presse italienne, notamment pour Novità qui sera rebaptisé Vogue Italia deux années plus tard.

Portrait Gian Paolo Barbieri
Isa Stoppi, Milano 1967 © Courtesy Fondazione Gian Paolo Barbieri

Les éditions internationales du magazine Vogue, fondé par Condé Nast, font bientôt toutes appel à son talent. Gian Paolo Barbieri se forge rapidement une belle réputation dans la photographie de mode. Rédactrice de mode, maisons de couture et acteurs deviennent vite des habitués du studio Barbieri, de l’extravagante Diana Vreeland à Audrey Hepburn en passant par Chanel.

Portrait Gian Paolo Barbieri
Audrey Hepburn in Valentino, Roma 1969 © Courtesy Fondazione Gian Paolo Barbieri

Les griffes italiennes telles qu’Armani, Versace, Dolce & Gabbana, Bulgari, Gianfranco Ferre ou Valentino font appel à lui pour leurs campagnes publicitaires et leurs catalogues. La couture italienne vit ses plus belles heures et Gian Paolo Barbieri en est le portraitiste de prédilection, promouvant le Made in Italy et son rayonnement à travers le monde. Mais les années 80 le mènent aussi vers des collaborations plus internationales aux côtés de Vivienne Westwood, Chanel ou Yves Saint-Laurent.

De la mode à l’ethnographie

Dans les années 90, Gian Paolo Barbieri se détourne en partie de la mode pour aller au-devant du monde et de sa diversité, loin des flashs des studios. Cultures, objets et paysages attirant son regard sont saisis par le photographe improvisé ethnologue qui partagera ses images dans plusieurs livres photo devenus de véritables références. 

Si la lumière naturelle et les conditions de prise de vue en extérieur diffèrent radicalement de ses habitudes, ses photographies partagent un même sens de la perfection et de l’élégance que ses photos de mode. Contrastes audacieux, graphisme, et jeux de lumière soignés demeurent l’essence du style Barbieri.

Portrait Gian Paolo Barbieri
Jill Kennington in Missoni, Porto Sudan 1974 © Courtesy Fondazione Gian Paolo Barbieri

En 2006, le joaillier Pomellato publie SUD, un ouvrage rassemblant des photos prises en Sicile par Gian Polo Barbieri. Le photographe y déploie un panel d’images capturant la beauté et la spontanéité de l’île, de ses paysages volcaniques à ses jeunes baigneurs, loin des mannequins des studios.

Dans ses images studio, ses cinéphotographies associant images fixes et mobiles comme dans ses carnets de voyage, se révèle une même obsession esthétique pour le corps. Nus masculins et féminins érotisés sont célébrés et soulignés par des jeux de lumière, des ombres végétales ou la présence d’animaux dont les contours se découpent sur la peau dévêtue. 

Touche à tout, amoureux des formes et des couleurs, Gian Paolo Barbieri avait publié en 2015 un ouvrage de photographies consacrées à la beauté des fleurs. Une manière de témoigner de sa poésie et son amour de la nature, mais aussi de son sens inné de la composition et de sa maitrise technique.

Flowers, 2016 © Fondazione Gian Paolo Barbieri.jpg

Gian Paolo Barbieri, un héritage multiple et impérissable

Distingué en 1968 par l’hebdomadaire allemand Stern comme l’un des 14 meilleurs photographes de mode, Gian Paolo Barbieri a été récompensé du prix international du meilleur photographe de mode en 2018.

Ses images ont été publiées en Une des magazines de mode les plus prestigieux et exposées dans une multitude d’institutions culturelles internationales. Le Victoria & Albert’s Museum, la National Portrait Gallery de Londres ou le Quai Branly font parti de ceux ayant hébergé ses images. En 2022, un documentaire L’Uomo e la Bellezza lui avait été consacré. 

En 2016, le photographe avait établi une fondation en son nom à laquelle il se dédiait désormais. Installée à Milan, la fondation Gian Paolo Barbieri œuvre à promouvoir la culture photographique et les jeunes talents de l’image.

Loin de se limiter à l’aspect commercial de la photographie de mode, Barbieri insufflait à ses créations une profondeur artistique rare. Ses clichés témoignent d’un équilibre subtil entre sophistication et extravagance, entre créativité débordante et précision technique. Son style excentrique, parfois théâtral, flirtait avec l’avant-garde tout en honorant les traditions esthétiques italiennes, contribuant ainsi à redéfinir les codes de la photographie de mode.

Sa capacité à allier créativité, élégance et innovation a offert un regard unique sur l’univers de la mode, faisant de chaque image une œuvre d’art à part entière. Ce style singulier a non seulement marqué l’histoire de la photographie, mais a également inspiré une multitude de photographes contemporains, qui continuent de voir en lui un maître de la mise en scène et de la lumière.

Disparu le 17 décembre 2024 à 89 ans, quelques jours avant le décès de son compatriote Oliviero Toscani, Gian Paolo Barbieri laisse derrière lui un corpus fascinant d’une intemporelle beauté.