Après un numéro consacré à la photographie japonaise, Reporters Sans Frontières dédie son 77e album à Martine Franck. La sélection de près d’une centaine de noir et blanc nous permet de (re)découvrir toutes les facettes de l’œuvre de la photographe belge. Une très belle citation de Martine Franck introduit d’ailleurs ce nouvel album, qui résonne comme un mantra : « Je ne crois pas que vous puissiez être un bon photographe sans être curieux des autres ».
Avant d’entrer dans l’œuvre de Martine Franck, RSF nous propose un extrait d’un texte d’Ariane Mouchkine, publié lors de la disparition de la photographe en 2012. Fondatrice et directrice du Théâtre du Soleil, Ariane Mouchkine est une figure importante de la culture de la deuxième moitié du vingtième siècle, et nous offre ici un éclairage passionnant sur son amie de longue date.
Nous étions jeunes, ignorantes, et cette ignorance était notre force.
Ariane Mouchkine
De l’ignorance à la curiosité, le chemin est tout tracé. Et ce n’est pas pour rien que l’album commence par un chapitre nommé « Combative », dans lequel se déploie les plus belles photographies d’une Martine Franck proche du MLF (Mouvement de Libération des Femmes). Militante ? Elle ne s’est jamais revendiquée comme telle. Engagée ? Oui, indubitablement.
Son attachement à la cause des femmes ne se réduit pas à son travail avec le MLF : dépeindre les conditions de détention pour les prisonnières, l’accueil des mères isolées, et réaliser des commandes de portraits lui ont permis de brasser une certaine histoire de la deuxième moitié du vingtième siècle : une histoire de lutte et d’émancipation.
Bien que la plupart de ses photographies soient prises sur le vif, Martine Franck se distingue par un sens de la grâce inouï. Quand on s’attarde de près à ses compositions, on est immédiatement frappés par l’apparente simplicité qui s’en dégage. Son compagnon Henri Cartier-Bresson n’est pas loin, sans doute. Mais il y a autre chose chez Martine Franck, un sentiment qu’il y a une photographie derrière la photographie, des lignes claires qu’on ne voit pas autant que chez son acolyte de toujours (et ses contemporains de manière plus générale).
Au portfolio conséquent des photographies de Martine se rajoutent des contributions d’Ariane Mouchkine, de Robert Doisneau, de Clara Bouveresse, Sarah Moon, Agnès Sire et Matthieu Ricard, ainsi qu’une biographie de Jeanne Poret. Toutes et tous apportent leurs regards au sein même des photographies, dans des textes intercalés entre elles.
L’album RSF Martine Franck s’attache enfin à dépeindre sa mission la plus importante : la liberté de la presse. C’est ainsi qu’il brosse un portrait à charge contre Elon Musk – qui s’avère salvateur en ce lendemain d’élection américaine dont il a été un des acteurs principaux. On y découvre aussi les coulisses d’une radio communautaire sénégalaise, trois portraits de trois défenseurs de la liberté de la presse, Huang Xuein, Christina Assi et Angélique Kourounis, ainsi qu’un hommage au secrétaire général de RSF disparu en juin 2024, Christophe Deloire.
L’album RSF consacré à Martine Franck est disponible dès le 7 novembre 2024 en kiosque, sur le site de RSF, ainsi qu’à la Fnac, au tarif de 12,50 €. L’intégralité des bénéfices permet à l’ONG de financer ses actions à l’international.