Interview OM System au Salon de la Photo 2024 : « il y a encore une place pour le Micro 4/3, plus compact et plus léger »

Pour la 2e année consécutive, OM System était présent au Salon de la Photo. À cette occasion, nous avons posé nos questions à Thierry Bourque, spécialiste produits et responsable des formations chez OM Digital Solutions. Place à l’interview.

Dans quel état d’esprit la marque OM System aborde-t-elle cette édition 2024 du Salon de la Photo ?

Nous sommes très contents d’être à nouveau présents pour pouvoir répondre aux questions des visiteurs. Ils lisent et voient beaucoup de choses çà et là et ils aiment venir nous rencontrer, afin d’avoir des réponses directes à leurs interrogations.

Le Salon de la Photo, c’est le moment pour rencontrer nos utilisateurs, mais aussi les gens qui veulent découvrir notre système – car il y a beaucoup d’interrogations liées à notre taille de capteur. Et c’est un plaisir de partager avec les gens autour de la photographie.

Cela fait maintenant 3 ans que le nom « Olympus » a laissé sa place à la nouvelle marque « OM System ». Ce changement a-t-il été bien accepté ? Les clients ont-ils bien fait le rapprochement entre les deux noms ?

Je vais m’appuyer sur l’expérience que nous avons eue l’année dernière sur le Salon, mais également lors du festival de Montier-en-Der. Sur les différents événements que j’anime, on ne me pose plus du tout la question du « pourquoi » ou du « comment », ou sur la viabilité (de la marque, NDLR). Nous, nous parlons de nos produits.

Le changement officiel de nom a eu lieu effectivement il y a 3 ans, lors du rachat de la division Image par JIP. Mais aujourd’hui, notre public ne parle plus de cela et vient naturellement vers OM System. Nos produits portent tous le nom d’OM System, à l’exception de l’OM-D E-M10 Mark IV. L’intégration de ce nom est donc parfaitement comprise par les utilisateurs.

Quelle est la santé financière d’OM Digital Solutions ?

Il m’est compliqué de vous donner des chiffres. Mais nous voyons que les produits sont toujours développés et arrivent sur le marché. Nous sommes complètement dans les objectifs que nous avions lorsque OM Digital Solutions a été créé. Nous continuons sur notre voie et je n’ai pas d’informations négatives concernant les targets que nous avions.

OM System a lancé récemment son programme Test & Wow, a-t-il rencontré le succès escompté ?

Je suis très content que vous me posiez la question, car le programme Test & Wow reste méconnu. Nous offrons la possibilité au grand public, 2 fois par an, de tester pendant 5 jours nos produits, quelle que soit la configuration qu’ils souhaitent. C’est le moment ou jamais de pouvoir se faire sa propre opinion sur nos produits. Je pense que nous sommes la seule marque aujourd’hui à proposer cela à nos clients ou nos futurs clients.

Dans le détail, nous avons conçu des kits autour de l’OM-1 Mark II et de l’OM-5 : un kit nature, un kit animalier, composé de plusieurs objectifs. Cependant, quelqu’un qui connaît notre gamme peut très bien faire une demande spécifique. Et tout est pris en charge par la marque. La personne a juste à faire des photos et s’amuser avec l’appareil.

L’OM-D E-M10 Mark IV est un vestige de l’ère Olympus, son remplacement est-il prévu ?

Maybe, comme disent nos amis japonais. Pour l’instant la série OM est constituée de boîtiers haut de gamme avec les OM-1 et l’OM-5. L’OM-1 Mark II est vraiment le boîtier amiral chez nous, avec son capteur rétroéclairé et empilé. Et l’OM-5 reprend beaucoup de technologies [conçues par OM System, NDLR]. Je pense aux filtres ND intégrés, au Live Composite.

Et, effectivement, nous avons encore aujourd’hui sur le marché l’OM-D E-M10 Mark IV, qui est d’ailleurs le dernier boîtier portant le nom Olympus. C’est une porte d’entrée pour découvrir le micro 4/3, et ce que le format peut apporter en termes d’usage.

Ce boîtier date de 2020 : ne risque-t-il pas de souffrir de la concurrence de boîtiers plus récents et dotés d’un capteur plus grand ?

C’est une question intéressante. Mais il suffit de voir les questions que nous recevons et la demande des magasins, qui souhaitent se fournir encore et encore. C’est un boîtier de référence, très prisé par les gens qui veulent mettre moins de 1 000 € dans un appareil. D’autant qu’il y a de moins en moins de boîtiers à ce tarif sur le marché.

Pour parler clairement, il y a une chose qui me dérange sur le marché de la photo. Pour beaucoup de gens, un produit qui a 2 ans est obsolète. Mais il suffit de voir l’engouement sur les appareils argentiques de l’ancien temps. J’ai la chance d’avoir un OM-4 Ti, un OM-2 Spot : ce sont des produits vintages que tout le monde trouve géniaux. Un appareil qui a deux ou trois ans reste un super produit.

Je comprends qu’on ait envie de voir des produits évoluer, mais ça ne veut pas dire qu’un boîtier qui a trois ans est devenu mauvais. Il reste bon – même si des évolutions existent ailleurs, certes.

Néanmoins, l’OM-D E-M10 Mark IV – comme l’OM-5 d’ailleurs – ne propose pas de modes avancés de détection/suivi du sujet, contrairement à certains concurrents…

Dans mon métier, je suis beaucoup en contact avec les gens. Je vois l’engouement que nous avons sur notre stand, et je reçois beaucoup de questions, tant sur l’OM-5 que sur l’OM-1. À partir du moment où nous avons des questions sur des produits et que les gens les valident, c’est qu’ils répondent à leurs attentes.

Je me dis que nous avons raison de proposer des produits qui vont dans cette direction et à ces tarifs. Il y a une forte attente sur la compacité et la légèreté, le design et les technologies – sans aller vers des fonctions hyper élaborées que finalement, les gens ne vont peut-être pas utiliser.

Nous étions précurseurs, par exemple, sur la détection automatique des sujets. Mais aussi sur les filtres ND et GND, sur le mode Pro Capture, sur la stabilisation, sur le mode haute résolution. Aujourd’hui, on voit que beaucoup de boîtiers vont dans la même direction que nous. Moi, j’aime croire qu’une évolution technologique doit apporter un plus photographique. Et pas juste une case à cocher sur une fiche technique. Si vous ne l’utilisez pas, ça ne sert à rien.

La gamme Pen a été ressuscitée en 2022, mais sa distribution reste limitée : OM System a-t-il l’intention de développer davantage ce type de produit, notamment pour surfer sur la vague des boîtiers au look vintage ?

Je n’ai pas d’informations à vous communiquer à ce niveau-là. Aujourd’hui, la gamme des Olympus Pen est distribuée d’une manière plus intimiste chez nous. Mais je pense que nous surfons déjà sur le vintage avec l’OM-5, puisque ce boîtier est très proche d’un OM-1 des années 70.

Je ne vais pas dire que nous étions précurseurs dans ce domaine, car je ne veux pas entrer dans cette guerre-là. Mais le premier Olympus Pen, lancé en 2009, était déjà sur le côté vintage. Je le redis, l’OM-5, c’est un OM des années 70. Donc nous avons déjà ce rappel à notre histoire qui existe avec la gamme des OM. Et on voit bien le nom, OMD. Le D, c’est pour Digital. Et l’OM reste la référence qu’on avait dans les années 70.

Côté optique, la grande nouveauté de cette année c’est le M.Zuiko Digital ED 150-600 mm f/5-6,3 IS, n’est-il pas un trop éloigné de la philosophie « compact et léger » d’OM System ?

C’est un commentaire que j’entends souvent. Je pense aussi qu’en termes de communication, il ne faut pas oublier que l’on a un équivalent 300-1200 mm dans les mains. Et ce, même si la focale indiquée dessus est un 150-600 mm. Mais un 1200 mm dans ce gabarit, je n’en connais pas beaucoup.

Maintenant, j’entends effectivement que l’on puisse avoir l’impression qu’il est plus encombrant que ce que nous faisons d’habitude. Mais jusqu’à présent, un 1200 mm avec cette compacité n’existait pas. En tant que marque, nous devons peut-être expliquer un peu mieux l’usage de cette optique.

Certains disent que cet objectif est « inspiré » par un objectif de Sigma : pouvez-vous nous parler de son développement ?

Je ne parlerai pas de la fabrication. Ce sont des secrets entre constructeurs. La philosophie de cette optique nous donne un 1200 mm dans les mains avec une ouverture à f/6.3. Je pense que c’est une chose qui est plus importante que la technologie.

Il offre également une synchronisation au niveau du stabilisateur, qui est une particularité de cette optique sur nos boîtiers : c’est quelque chose que je ne vois pas chez les autres, de même que la compatibilité avec nos téléconvertisseurs. Je trouve que cela fait beaucoup de différences pour dire que c’est juste un copier-coller.

Lors du CP+ 2024, Kazuhiro Togashi nous parlait de la photographie computationnelle et des fonctionnalités « intelligentes » : Live ND128, stabilisation avancée du capteur, etc. Pourquoi est-ce une priorité pour OM System ?

Pour vous répondre, je vais repartir d’Olympus. La vision de la photographie d’Olympus a toujours été dans la créativité, quelle que soit son époque. Je vais même revenir sur le lancement du E5 qui date [2010, NDLR], qui était le premier boîtier à intégrer des filtres artistiques, qu’on retrouve partout ailleurs aujourd’hui. La créativité a toujours été quelque chose de très, très important pour nous.

Nous souhaitons dire aux gens : « faites de la photo plutôt que de la retouche ». Et aujourd’hui, je trouve que par moments, on passe plus de temps derrière son ordinateur qu’à faire de la photographie.

C’est cette approche que nous avons, par exemple, avec les filtres GND qui viennent d’être intégrés dans l’OM-1 Mark II. Ils sont disponibles directement à la prise de vue. Avoir ces possibilités créatives, ça a toujours été le cheval de bataille de notre marque. Et je pense qu’il faut continuer dans cette direction-là. C’est ce qui séduit aussi nos utilisateurs.

On parle beaucoup de techniques : vitesse AF, nombre d’images par seconde, nombre de pixels… Au final, je trouve qu’on néglige un peu l’usage et le bénéfice qu’on peut tirer de la créativité photo à partir de son appareil photo. On aura toujours besoin de faire de la retouche, mais moins on passe de temps sur son ordinateur, plus on en passe à faire de la photo.

Selon vous, quel est l’avenir du système Micro 4/3 ?

Je suis totalement convaincu que le Micro 4/3 a un avenir. Non pas parce que je travaille pour OM System, mais aussi parce que suis aussi utilisateur de ces appareils. Je suis vraiment persuadé qu’il y a une place pour des produits plus compacts et plus légers. Et pour aller dans cette direction-là, on n’a pas le choix. Il faut réduire la taille des capteurs. Plus le capteur sera grand, plus les optiques à grande ouverture seront volumineuses.

Aujourd’hui, on sait faire des boîtiers compacts et légers. Aucun problème pour cela, même en plein format. Mais dès que l’on monte une optique, l’ensemble va reprendre du volume. 

Dès leur arrivée sur notre stand, les gens nous disent « j’en ai marre de mon matériel, il est trop lourd ». À un moment donné, si aucune marque ne propose des produits plus compacts et plus légers, les gens vont arrêter de faire de la photo. Ou leur appareil va rester dans le placard.

Pour garder ce plaisir de la photographie, nous devons répondre aux attentes des photographes. La principale d’entre elles, c’est d’être le plus compact et léger possible, même avec de longues focales, même avec une ouverture lumineuse. Donc oui, il y a une place encore pour le micro 4/3, j’en suis convaincu.

Ce format léger, compact et accessible ne risque-t-il pas d’être cannibalisé par des boîtiers au capteur plus grand ?

Si je regarde la taille des optiques, ces dernières sont plus grandes. Entre le Micro 4/3 et le plein format, il y a un vrai gap, puisque le capteur est 2x plus grand. Et cela peut s’entendre que des gens préfèrent le plein format et que d’autres préfèrent le micro 4/3.

Aujourd’hui, il y a un standard qui est entre les deux. Le delta entre un APS-C et le plein format n’est pas aussi important que cela, finalement. Ce format ne va pas au bout du concept, pour moi.

En 2009, lorsque l’on a lancé l’hybride, l’idée était d’être le plus compact et léger possible. Aujourd’hui, on arrive avec des hybrides qui sont quasiment aussi gros que des reflex. On perd donc cette logique de compacité du boîtier sans miroir. Et c’est un peu dommage.

C’est pour cela que je reste persuadé qu’il y a une place pour le Micro 4/3. Et quand on voit le nombre d’utilisateurs que l’on a chez nous et le nombre de personnes qu’on a sur notre stand, on a vraiment des gens qui sont intéressés par ce que nous proposons.

L’intelligence artificielle est sur toutes les lèvres en ce moment. Quelle est l’attitude de la marque face aux changements majeurs qu’elle apporte ? De même, quel est le regard porté par les clients sur cette technologie ?

Nous étions pionniers sur l’intelligence artificielle. Dès l’OM-D E-M1X, par exemple, nous avions la détection automatique des voitures, des avions, des trains. À ma connaissance, il n’y avait pas d’autres marques à l’époque qui travaillaient dans cette direction-là. Aujourd’hui, nous avons ajouté de l’intelligence artificielle sur la détection automatique des oiseaux et la détection automatique sur les animaux.

Je dirais que nos utilisateurs portent un double regard sur cette fonction. Ils trouvent cela génial parce qu’elle leur facilite la vie sur le choix des collimateurs, qui reste un sujet primordial de la photographie. Donc cette technologie simplifie beaucoup l’usage. Il ne faut pas que les gens imaginent que c’est la solution suprême et que d’un seul coup, tout va être possible et réussi.

Cela n’empêche pas de garder les bases de la connaissance photographique. On n’est qu’au tout début de l’intelligence artificielle : il peut y avoir des choses encore à améliorer – et heureusement, je dirais. Maintenant, je trouve qu’on est dans la bonne direction pour les gens qui aiment d’être guidés dans leur prise de vue.

Quel regard portez-vous sur des solutions comme Midjourney, qui utilisent l’IA générative ?

Je vais donner un avis personnel. Je pense que le rôle du photographe doit rester central. Un appareil photo doit être le prolongement de l’œil du photographe. Il ne faudrait pas qu’on puisse tout créer artificiellement. Cela me dérangerait, en tant que photographe, que l’on soit capable de tout générer artificiellement.

Après, on ne peut pas ignorer le progrès non plus. Comment allons-nous l’adapter à la photographie dans le futur ? Je pense qu’il est encore trop tôt pour le définir. Cela va poser des questions, par exemple, sur les concours photo, sur les prix photo. Il a eu des polémiques sur différents festivals. Et cela risque de se multiplier. Je pense qu’il faut que nous restions attentifs.

Maintenant, si cette technologie peut apporter un plus, je dis « pourquoi pas », mais je mettrais des garde-fous. Comment et où les mettre ? Je n’ai pas la réponse aujourd’hui. Mais ces technologies sont là. Et elles vont bouleverser beaucoup de choses dans le métier de la photographie, c’est certain.

Je pense à la loi visant les influenceurs (Loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale, NDLR). Je trouve cela intéressant qu’on leur impose de dire « je suis sponsorisé ». Je pense qu’on devrait l’imposer sur les photos modifiées par l’IA (comme les Content Credentials, NDLR). Il faut qu’il y ait une information pour le consommateur.


Merci à Thierry Bourque d’avoir répondu nos questions. Nous tenons également à remercier l’équipe d’OM System France pour cette interview.

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