Interview Canon EOS R1 EOS R5 Mark II

Interview Canon : avec l’EOS R1, « notre mission est de fournir le boîtier ultime aux photographes pro »

En juillet dernier, Canon lançait ses deux hybrides professionnels, les Canon EOS R1 et EOS R5 Mark II. A cette occasion, nous avons eu l’opportunité d’interview Manabu Kato et Tomokazu Yoshida, Unit Executive et General Manager de la division ICB (Image Communication Business) chez Canon Inc (Japon). Du positionnement stratégique de ces deux boîtiers aux caractéristiques de la puce Digic Accelerator – en passant par les dernières nouveautés côté objectifs – ils reviennent avec nous sur les grandes tendances pour Canon. Place à l’interview.

Interview Canon EOS R1 EOS R5 Mark II
Manabu Kato et Tomokazu Yoshida, Unit Executive et General Manager de la division ICB (Image Communication Business) chez Canon Corp

Quand le développement des EOS R5 Mark II et EOS R1 a-t-il débuté ? Pouvez-vous nous en dire plus sur leur conception ?

Manabu Kato : Canon a toujours cherché à repousser les limites de la technologie. Nous essayons toujours de proposer quelque chose de nouveau. L’EOS R5 Mark II – et surtout l’EOS R1 – n’y font pas exception. Nous voulions proposer un boîtier hybride qui surpasse l’EOS-1D X Mark III, le porte-étendard de la gamme EOS.

Interview Canon EOS R1 EOS R5 Mark II

Dès que nous avons commencé notre transition vers les hybrides, nous avons réfléchi à ce que pourrait être le produit phare de notre gamme mirrorless. Il s’agit d’une discussion continue depuis cette date. C’est ainsi qu’est né l’EOS R1, que nous venons de dévoiler.

Lors du lancement de l’EOS R3 [en 2021, NDLR], nous avions déjà en tête l’idée de créer un boîtier phare, un véritable flagship.

Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs les grands principes du capteur de ces deux boîtiers ? Pourquoi ne pas avoir utilisé un capteur global shutter, alors même que Canon utilise cette technologie ?

Manabu Kato : Nous utilisons déjà la technologie global shutter au sein de certaines de nos gammes de produits [pour des applications industrielles, NDLR]. Et nous savons qu’il amène certains avantages et certaines possibilités pour l’avenir.

Cependant, notre mission reste de fournir l’outil ultime à nos clients professionnels. Peu importe l’environnement dans lequel ils se trouvent, nous voulons nous assurer que le produit que nous leur offrirons ne présente aucun défaut.

Est-ce pour cette raison que la définition de l’EOS R1 n’a pas été augmentée par rapport à l’EOS R3 ?

Manabu Kato : Oui. L’EOS R1 est le fruit d’une réflexion visant à trouver un équilibre autour des avantages d’un capteur très défini. Nous voulions également offrir un boîtier doté d’une très haute sensibilité ISO, et nous avons réussi à atteindre une valeur de 102 400 ISO.

Interview Canon EOS R1 EOS R5 Mark II

Nous voulions aussi que la vitesse d’obturation soit la plus élevée possible. Et, comme vous le savez, l’appareil peut capturer 40 images par seconde. Or, si vous optez pour une définition élevée, la fréquence d’image disponible est généralement assez faible.

Compte tenu de tout cela, nous avons estimé que 24 Mpx était le juste équilibre entre tous ces avantages et ces inconvénients.

La puce Digic Accelerator est l’une des grandes nouveautés des EOS R5 Mark II et EOS R1. Pouvez-vous nous expliquer les principes de bases de cette puce et la différence entre Digic X et Digic Accelerator ?

Tomokazu Yoshida : Les principaux avantages du Digic Accelerator sont sa vitesse et sa capacité de traitement. Ainsi, nous avons réussi à inclure la technologie d’apprentissage en profondeur (deep learning) dans le traitement de l’image, même à une cadence de 40 images par seconde. Le but étant d’améliorer la puissance de traitement de l’appareil photo.

En termes de fabrication, s’agit-il d’une seule puce avec les deux unités intégrées sur la même puce, ou de deux puces (Digic X et Digic Accelerator) qui communiquent en permanence ?

Tomokazu Yoshida : Il s’agit de deux puces indépendantes – et non pas d’une seule puce qui fait deux choses différentes. Bien entendu, nous utilisons toujours le processeur Digic X, qui demeure très performant.

Le Digic Accelerator améliore ses capacités et nous permet d’en faire plus avec ces deux boîtiers. C’est pourquoi nous avons décidé d’ajouter cette nouvelle puce au système. Le Digic X traite l’image fournie par le capteur [via la puce Digic Accelerator, NDLR] et produit un fichier brut, puis un fichier JPEG.

Le rôle de la puce Digic Accelerator est-il cantonné aux traitements liés à l’IA et au Deep Learning ?

Tomokazu Yoshida : Non, pas seulement. L’accélérateur est la première puce à recevoir le signal du capteur. Elle effectue l’autofocus et la détection du sujet, entre autres tâches. Ensuite, c’est le Digic X qui se charge du développement de l’image.

L’EOS R5 Mark II constitue une grande amélioration pour la photo, mais aussi pour la vidéo. Pourquoi tant d’efforts sur cet appareil ? Comment avez-vous réussi à combiner polyvalence et compacité ?

Manabu Kato : L’EOS R1 est le fleuron de notre gamme d’appareils photo. Cependant l’EOS R5 Mark II est tout aussi important pour nous car il est utilisé de manière très différente par ses utilisateurs. Nous devons en être conscients et répondre aux exigences variées de tous nos clients. Par conséquent, nous nous sommes efforcés de repousser les limites de la technologie en incorporant tout ce dont nous disposons dans un boîtier au design compact.

L’EOS R5 Mark II est vraiment le fruit de notre passion et de nos efforts pour toujours essayer d’être les meilleurs.

Et qu’en est-il de l’EOS R6 Mark II ? Ne sera-t-il pas éclipsé par un boîtier aussi polyvalent ?

Manabu Kato : Ce que nous souhaitons, c’est que chaque modèle rivalise avec les autres et essaie toujours de surpasser le modèle supérieur. Nous espérons donc que l’EOS R6 Mark III surpassera un jour l’EOS R5 Mark II – et que l’EOS R5 Mark III rétablira ensuite l’équilibre !

Nous ne pensons pas qu’il soit juste de limiter la capacité d’un modèle simplement parce qu’il appartient à la série 6 et non à la série 5. Nous essayons ainsi toujours de proposer le meilleur modèle possible pour le public que nous visons. Par conséquent, l’EOS R6 pourrait un jour être meilleur que l’EOS R5, mais nous verrons bien !

De même, que reste-t-il à l’EOS R3, maintenant que l’EOS R1 a été annoncé ?

Manabu Kato : Évidemment, l’EOS R1 étant le produit phare, et nous voulions surpasser les capacités et les possibilités de l’EOS R3. Par conséquent, dans certains domaines, l’EOS R1 est meilleur que le l’EOS R3. Cependant, nous pensons toujours que l’EOS R3 est le plus équilibré en termes de performances. Cela dépend vraiment de l’utilisation que vous faites de votre appareil photo. Pour certains clients, l’EOS R3 reste donc la meilleure option.

Côté optiques, Canon offre une approche « hybride » entre photo et vidéo, notamment avec ses derniers objectifs. De même, elle s’avère novatrice, notamment du côté de la réalité virtuelle (VR). À l’inverse, la marque semble presque conservatrice en matière de capteurs… N’est-ce pas là un paradoxe ?

Manabu Kato : En ce qui concerne les objectifs, nous avons toujours l’intention d’explorer de nouveaux domaines. Ce qui nous permet d’adopter cette mentalité, c’est qu’il est toujours possible d’avoir plus d’objectifs dans notre catalogue que de boîtiers !

Si vous comparez le nombre d’objectifs que nous avons par rapport aux boîtiers, nous avons plus de bande passante côté objectifs, ce qui nous permet de faire de nouvelles choses et d’explorer de nouveaux horizons.

Nous pensons que l’objectif élargit le champ d’application de l’appareil photo, ce qui n’est pas nécessairement le cas avec un boîtier. Ainsi, en élargissant notre gamme d’objectifs et en proposant de nouveaux types, nous ouvrons la porte à de nouvelles applications pour nos boîtiers.

Un partenariat entre Apple et Canon a été dévoilé lors de la dernière Keynote en mai dernier. Pouvez-vous nous en dire un peu plus, notamment sur la manière dont les deux entreprises travaillent ensemble ?

Manabu Kato : La réalité virtuelle est un domaine totalement nouveau pour tout le monde, y compris pour nous. C’est pourquoi nous avons ressenti le besoin d’adopter une nouvelle approche pour faire connaître cette nouvelle technologie. Heureusement, nous avons eu l’opportunité de travailler avec Apple.

Nous avons donc quasiment défriché une nouvelle voie en travaillant avec Apple pour faire découvrir plus largement cette technologie de réalité virtuelle que Canon possède.

Nous aimerions travailler encore plus étroitement avec Apple à l’avenir, pour développer ce nouveau domaine du monde de l’imagerie.

Concernant le développement de la monture RF, la grande nouveauté a été l’annonce de votre ouverture à Sigma et Tamron. Allez-vous travailler avec d’autres marques à l’avenir ?

Manabu Kato : Je ne peux pas vous donner beaucoup de détails pour le moment. Mais je peux déjà vous annoncer que nous sommes en discussion avec de multiples entreprises tierces pour explorer de potentielles collaborations.

En France et en Europe, certains photographes restent attachés au reflex. Que diriez-vous pour les convaincre de passer à l’EOS R5 Mark II ou à l’EOS R1 ?

Manabu Kato : Effectivement, beaucoup de photographes se posent la question du passage à l’hybride. Avec l’EOS R1, je pense que l’on peut faire à peu près tout ce qu’il était possible de faire avec un reflex. Il n’y a que des avantages, sans les inconvénients. Nous espérons vraiment que tout le monde réalise les avantages des hybrides.

J’espère donc que nos clients passeront à l’hybride sans inquiétude. En Asie, et au Japon en particulier, la transition vers le mirrorless est quasiment terminée. Nous voyons également une accélération de ce passage du reflex à l’hybride en Europe.

Plus largement, quelles particularités observez-vous sur le marché européen ?

Manabu Kato : En termes de croissance économique, le marché européen est un peu plus lent que le marché global, où les résultats économiques sont meilleurs. Ainsi, les modèles d’entrée de gamme, comme les reflex, sont plus populaires sur le marché européen que dans le reste du monde. Nous espérons donc que le marché européen renouera rapidement avec la croissance.

Comment décidez-vous des prix de chaque boîtier ? Certains observateurs ont déploré que l’EOS R1 soit assez cher par rapport à ses concurrents…

Manabu Kato : Si vous avez pu essayer l’EOS R1, j’espère que vous conviendrez avec moi que cet appareil offre beaucoup aux photographes. Puisqu’il embarque un très grand nombre de fonctionnalités, son coût a naturellement augmenté. Bien sûr, nous aimerions pouvoir le rendre plus abordable si possible.

Cependant, nous pensons également que ce boîtier représente bien plus que la simple différence de prix entre ce modèle et les autres.

Interview Canon EOS R1 EOS R5 Mark II

Merci à Canon Corp pour cette interview. Nous remercions également Marion de Canon France pour avoir organisé cette rencontre.