Rencontres de la photographie d’Arles 2024 : Sous la surface, plus de 30 expos photo

Les Rencontres d’Arles reviennent pour leur 55e édition ! Du 1er juillet au 29 septembre 2024, commissaires d’exposition et artistes déploient leurs visions du monde autour de plusieurs approches : remous, esprits, traces, lectures parallèles et relectures. Petit tour d’horizon des principales expositions avant l’ouverture du festival – une sélection, comme toujours, non exhaustive et subjective, au regard de la grande diversité et densité du festival.

Jeux Olympiques Melbourne 1956, Athlétisme, 110 m haies – Joel Shankle (USA) 3e, Jack Davis (USA) 2e, Lee Calhoun (USA) 1er, 2023. Avec l’aimable autorisation de la galerie Clémentine de la Féronnière, Paris / Comité International Olympique (CIO)

Remous : saisir les pulsations du monde

C’est un évènement : en première mondiale, Mary Ellen Mark fait l’objet d’une rétrospective d’envergure à l’Espace Van Gogh. Cinq séries les plus emblématiques ont été sélectionnées, pour autant de thématiques qui sont chères à la photographe humaniste. C’est ainsi qu’on pourra circuler entre les femmes placées en institution dans un hôpital de l’Oregon, les enfants des rues de Seattle, les travailleurs et travailleuses du sexe de Mumbai, les personnes aidées par les associations de Mère Teresa, ou encore les familles de cirques itinérants en Inde.

Manifestation féministe, New York, 1970. © Mary Ellen Mark – avec l’aimable autorisation de The Mary Ellen Mark Foundation / Howard Greenberg Gallery

Les photographies exposées sont accompagnées d’archives de la photographe, telles que des planches-contacts, des notes personnelles et des extraits de sa correspondance. Avec la réédition du Photo Poche qui lui est consacré ces jours-ci, l’exposition apparaît comme une occasion exceptionnelle pour découvrir ou redécouvrir une photographe essentielle à l’histoire de la photographie.

Rekha avec des perles dans la bouche, Falkland Road, Mumbai, Inde, 1978. © Mary Ellen Mark – Avec l’aimable autorisation de The Mary Ellen Mark Foundation / Howard Greenberg Gallery

C’est dans l’espace Croisière qu’on pourra retrouver le travail de Stephen Dock. Il y a plus de dix ans, il se rendait sur des zones de conflits pour documenter différentes guerres au Moyen-Orient. L’heure est aujourd’hui au questionnement : que faire de ces milliers d’images qui composent une véritable archive des principaux conflits des années 2010 ?

Capture, série Échos, 2011-2023. © Stephen Dock – Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

C’est ainsi qu’il s’éloigne du travail documentaire pour réinterpréter – on a envie de dire : augmenter – ses archives à l’aide d’un nouveau regard. Ses photographies sont recadrées, étirées, comme si elles avaient été vues tant de fois qu’il fallait les retraiter pour les regarder différemment. Nous ne sommes plus dans le photojournalisme, plus dans les faits, mais dans l’image en tant qu’elle est symbolique de ce qu’est la guerre aujourd’hui. Avec « Échos », Stephen Dock rappelle que les guerres sont aussi des guerres d’images.

Lesbos 2015, série Échos, 2011-2023. © Stephen Dock – Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Esprits : à la surface du réel

L’appel de cette édition du festival est sans équivoque : il faut redécouvrir la photographie japonaise de toute urgence. Et ce, notamment avec deux grandes expositions qui ont obtenu le soutien de la fondation Sasakawa : celle consacrée à Uruguchi Kusukazu à l’Abbaye de Montmajour, et Répliques, des photographes japonais face au cataclysme, qu’accueille l’Espace Van Gogh.

Sous l’eau, 1965 © Uraguchi Kusukazu – Avec l’aimable autorisation d’Uraguchi Nozomu.

L’exposition consacrée à Uraguchi Kusukazu permet d’aborder la photographie japonaise par un biais essentiel à la compréhension de son histoire : celui d’une pratique de la photographie pour la plupart du temps amatrice. Avec « Ama », Uraguchi Kusukazu explore un imaginaire nippon bien particulier, et vieux de plus de trois mille ans : celui de ces “femmes de la mer”, qui sont censées peupler les rivages de l’archipel, en constante recherche d’algues et de coquillages dans les profondeurs de la mer.

Au large, 1974. © Uraguchi Kusukazu – Avec l’aimable autorisation d’Uraguchi Nozomu.

Avec « Répliques », il s’agit d’un travail collectif, à-même de rendre compte des immenses dégâts matériels et psychologiques qu’a engendré le séisme du 11 mars 2011 au Japon. L’ampleur de la catastrophe est spectaculaire, inimaginable ; et face à l’impensable, après la sidération reste les artistes pour donner forme aux choses, et constituer ainsi une mémoire visuelle collective. C’est à l’Espace Van Gogh qu’on pourra découvrir les photographies des neuf photographes japonais contemporains qui se sont emparés du sujet.

Cousins, préfecture de Fukushima, 2021 © Kanno Jun – Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Traces : mémoires de la lumière

Peu avant l’inauguration de son exceptionnelle exposition « À toi de faire, ma mignonne » au musée Picasso, la réserve de Sophie Calle a fait l’objet de dégâts considérables suite à de violents orages. Des spores de moisissure se sont infiltrées dans sa série Les Aveugles, qu’elle a choisi d’enterrer aux Cryptoportiques, lieu où règne justement une forte humidité (laquelle avait attaqué les photographies qui y étaient exposées l’année dernière).

Finir en Beauté, 2024 © Sophie Calle – Avec l’aimable autorisation de Anne Fourès.

Traces, mémoire… Vasantha Yogananthan s’inscrit tout à fait dans ces thématiques. Depuis 2020, il explore la Provence à la rencontre des paysages et de ses habitants. Attentif aux détails, à la composition et avec un sens aiguisé de la couleur, le photographe compose une série à la narration travaillée au cordeau, presque cinématographique. En témoignent des images imprégnées de références culturelles, notamment provençales, mais pas exclusivement.

En parallèle : vers de nouvelles formes et de nouveaux récits

Quel plaisir de voir le photographe chinois Mo Yi à l’honneur pour cette édition, un artiste encore très méconnu en France et qu’on pourra découvrir à la Mécanique Générale. L’exposition qui lui est consacrée constitue un apport majeur – et surtout inédit – à une œuvre d’une très grande diversité. « Manège fantôme » explore les premiers travaux de Mo Yi, dominés par la volonté d’expérimenter et de faire de la photographie autrement dans une société chinoise alors en pleine mutation.

De la série Scenery with Me: A Hint of Red, 2003. © Mo Yi (英救) – Avec l’aimable autorisation de l’artiste / UCCA Center for Contemporary Art.

Voici qu’il remet en question tous les codes traditionnels de la pratique, notamment en décadrant quasiment systématiquement ses photographies (parce qu’il prend les photos sans regarder à travers le viseur, ou encore parce qu’il utilise une perche pour atteindre naturellement le niveau du sol et faire ses clichés en marchant).

De la série Dancing Streets, 1998. © Mo Yi (英救) – Avec l’aimable autorisation de l’artiste / UCCA Center for Contemporary Art.

À l’Église Sainte-Anne, une exposition en collaboration avec le Palais de Tokyo réunit près de quarante artistes autour du graffiti, symbole s’il en est de la marge et de l’écriture urbaine. Sont ainsi convoquées photographie documentaire, d’archive, picturale, voire policière, afin d’explorer tout ce que le graffiti peut dire de la vie en ville : un révélateur d’un certain mode de vie.

The Righteous Brothers, New York, 1981 © Jamel Shabazz – Avec l’aimable autorisation de l’autorisation / Galerie Bene Taschen, Cologne

Relectures : revisiter la photographie

L’exposition phare de cette dernière thématique « Relectures » est certainement celle issue de la collection Astrid Ullens de Schooten Whettnal. Depuis trente ans, la collection a rassemblé près de 5500 photographie, d’une centaine d’artistes ; l’exposition « Quand les images apprennent à parler » tentera sûrement de rendre compte de l’immensité de cette collection, ainsi que de sa qualité, comme en témoignent les artistes représentés.

Annie Hasz, Easton, Pennsylvania, Protesting the Iraq War, série Living With War – Portraits, 2007 © Judith Joy Ross – Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Galerie Thomas Zander, Cologne.

Robert Adams, Helen Levitt, Diane Arbus, Francesco Neri, Garry Winogrand et tant d’autres… Ils ont tous en point commun le désir de représenter le monde par une photographie à la croisée du documentaire et du sensible.

Self Portrait as Walking Woman with Bag, 1979 Lima, Peru / 2019 Los Angeles, CA, série 1979 Contact Negatives, 2019 © Tarrah Krajnak – Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Galerie Thomas Zander, Cologne.

Et tant d’autres choses

Ce rapide tour d’horizon de la 55e édition des Rencontres d’Arles se termine, et il y aurait encore tant d’expositions et d’évènements à évoquer.

Avec « Émergences », le festival met les talents de demain à l’honneur à travers une sélection pertinente d’artistes contemporains. Bien entendu, Arles ne se fait pas sans sa grande sélection de livres afin de soutenir l’édition photographique, et son prix du livre. Comptons aussi sur toutes les expositions des lieux d’exposition associés, qui nous permettront de considérer le travail de Stéphane Duroy, Joel Cohen, Jean-Claude Gautrand et bien d’autres – sans compter sur le festival Off Arles, pendant alternatif du festival officiel.

Cwmbach, pays de Galles, 1979 © Stéphane Duroy – Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Il ne reste plus qu’à préparer nos meilleurs habits estivaux, et réserver son billet pour le festival ! L’intégralité de la programmation des Rencontres de la Photographie d’Arles 2024 est à retrouver dès maintenant sur le site Internet de l’événement.

Informations pratiques :
Festival Les Rencontres d’Arles
Du 1er juillet au 29 septembre 2024
Tous les jours de 10h à 19h30
Tarifs : de 4,50 € à 15 € par exposition ; forfaits toutes expositions : de 27 € à 42 €.
Gratuit pour les moins de 18 ans.