© Jens Knigge courtesy Galerie Esther Woerdehoff

Jens Knigge : le tirage platine-palladium comme fil rouge

Jens Knigge, photographe allemand, est reconnaissable tant par son travail photographique singulier que par ses tirages au platine-palladium. Ses clichés, semblables à des gravures et questionnant notre rapport à la matière, sont exposés jusqu’au 15 mai 2023 à la Galerie Esther Woerdehoff.

Plate N°1, série Wonderful Life, 2021 © Jens Knigge courtesy Galerie Esther Woerdehoff

Jens Knigge : pour l’amour du tirage au platine-palladium

Né en 1964 en Allemagne, Jens Knigge débute la photographie dans les années 90, d’abord avec des clichés de musiciens et d’architecture. Très vite, l’arrivée du numérique pousse le photographe à se tourner vers une méthode de tirage beaucoup plus archaïque, le platine-palladium, qui le poursuivra toute sa carrière.

Cette technique de tirage par contact permet au photographe de créer des clichés à la fois visuels et sensoriels, avec un rendu proche de la gravure. Les nuances de gris obtenues par ce procédé permettent en effet de donner une dimension à l’image, d’en révéler les reliefs, les formes, les textures, et ainsi mieux mettre en valeur son sujet.

Le tirage platine-palladium est comme un fil rouge dans mes différentes séries, parce que la matérialité est très importante pour moi dans mon travail. Capter la lumière et la développer dans la chambre noire, puis transférer cette image sur du papier platine-palladium couché à la main, tout cela correspond à ma compréhension de l’équilibre entre la composante artistique au sens de l’idée et de la composition, et le travail manuel exigeant avec le papier.

Jens Knigge

La matière : entre texture unique et rôle majeur

Jusqu’au 15 mai, la galerie Esther Woerdehoff réunit et met en dialogue sept séries de l’artiste allemand, toutes réalisées en utilisant la technique du platine-palladium. En plus de leur méthode de tirage unique, les clichés exposés ont tous en commun leur minimalisme et l’absence de l’humain. En effet, Jens Knigge s’attache à représenter non pas l’Homme, mais plutôt le rapport que celui-ci a su développer avec le monde, et notamment avec la matière – omniprésente dans ses photographies.

Dans ses séries Northern Light et Northern Roads, le photographe capture des paysages aux textures multiples : la volupté des aurores boréales, la dureté de la roche ou encore la douceur de la neige. Dans Light et Baikal – Sacred Sea, il crée des images abstraites de forme circulaire qui mettent en avant les matières et leur sensorialité plus que le sujet en lui-même.

Série Baikal – Sacred Sea, 2020

Afin de faire de ces représentations abstraites de véritables réflexions sur notre rapport à la matière, l’artiste allemand utilise la métaphore. Dans sa série Single Used par exemple, il photographie de la vaisselle jetable, en mettant en avant la matière même de l’objet, le plastique, et sa transparence.

L’accent n’est plus uniquement mis sur la texture, mais surtout sur ce que représente la matière en question. Ici, le plastique est symbole du rapport purement utilitaire que l’Homme entretient avec l’objet, qu’il utilise et jette sans affection particulière, uniquement dans un but pratique.

Bottles, série Single Used, 2020 © Jens Knigge courtesy Galerie Esther Woerdehoff

De la même manière, c’est le fil à plomb qui est mis au centre du propos dans la série To the Center of the Earth. Ce pendule en plomb rattaché à un fil permet de mesurer des verticales de façon précise, en se basant sur le principe de la gravité. L’objet, plus qu’une matière, représente les progrès techniques de l’Homme.

En franc-maçonnerie, cet outil se rapporte à l’envie de s’élever, de travailler sur soi et de se perfectionner. En utilisant cet objet si particulier, l’artiste représente la course effrénée de l’Homme vers une technologie toujours plus pointue, et sa volonté de toujours produire plus, utiliser plus, jeter plus – un consumérisme qu’il dénonce également dans sa série Single Used.

Plate N°3. Série To the Centre of the Earth, 2021 © Jens Knigge courtesy Galerie Esther Woerdehoff

Jens Knigge est entre la peur et la fascination quant à notre rapport à la matière. Cette inquiétude transparaît dans sa série Days of Bags, où il capture l’évolution d’un sac plastique dans l’eau, qui, par sa ressemblance à une méduse, rappelle le danger que représente nos matières synthétiques pour le monde naturel.

Si le photographe explore les différentes facette de la matérialité, il réalisait initialement des photographies d’architecture. Sa série Le Thoronet – La Tourette, réunissant des clichés dont les nuances de gris mettent en avant les détails de la pierre, sera également exposée.

Couvent de La Tourette. Stairway Roof Garden. Série Architectures, © Jens Knigge courtesy Galerie Esther Woerdehoff

Les séries Northern Light, Northern Roads, Light et Baikal – Sacred Sea, Single Used, To the Center of the Earth, Days of Bags et Le Thoronet – La Tourette, de Jens Knigge sont à découvrir jusqu’au 15 mai 2023 à la galerie Woerdehoff.

Informations pratiques :
Jens Knigge

Galerie Esther Woerdehoff
Du 6 avril au 15 mai 2023
36 rue Falguière, 75015 Paris
Du mercredi au samedi, de 10h à 19h
Entrée libre