Amexica : 10 ans de photos autour de la frontière américano-mexicaine

Le Centre de la photographie de Mougins accueille Marie Baronnet et son travail documentaire jusqu’au 4 juin 2023. Intitulée Amexica, l’exposition revient sur 10 ans de photographies et de vidéos produites par la photojournaliste, autour de la frontière américano-mexicaine et du mur qui s’y dresse.

Amexica
Franchir la ligne. Naco, Mexico, 2010© Marie Baronnet

L’exposition Amexica, de Marie Baronnet, réunit les travaux de la photojournaliste, mêlant photographie et vidéo, afin de rendre compte des injustices qui se déroulent depuis des décennies à la frontière américano-mexicaine, là où se dresse le mur qui sépare les États-Unis du Mexique.

Frontière géographique et géopolitique, ce mur n’est pas seulement une séparation physique, mais s’avère être une véritable barrière sociale. Côté États-Unis, il symbolise le refus de l’autre, de la différence, de la pauvreté. Côté Mexique il incarne l’obstacle au rêve américain dont nombreuses générations ont rêvé et l’impossibilité de sortir de la misère pour les migrants.

Amexica
Matelas. Naco, Mexico, 2010 © Marie Baronnet

Amexica : le mur comme frontière

Le travail de Marie Baronnet permet de revenir symboliquement sur l’histoire de cette frontière aux multiples enjeux. Suite au traité de Guadalupe Hidalgo de 1848, le rio Grande est reconnu comme frontière entre les deux pays. À partir de la fin du 19e siècle, d’importants mouvements migratoires surviennent du Mexique vers les États-Unis, lorsque les paysans mexicains cherchent à travailler sur les exploitations de Californie.

En 1920, alors que l’économie américaine est en pleine croissance, les entreprises font appel aux Mexicains afin de profiter d’une main d’œuvre à bas prix. Mais 30 ans plus tard, la fin progressive du programme Bracero, qui permettaient aux Mexicains de travailler sur le territoire américain, provoque indirectement des regains de tensions à la frontière.

Amexica
Migrants traversant la frontière du côté américain. Naco, Arizona, USA, 2010 © Marie Baronnet

Les hommes politiques commencent alors à parler de « migration clandestine » et le sujet provoque de nombreux débats et mesures gouvernementales – dont la militarisation de la frontière, développant de manière conséquente le phénomène des cartels. En 2006, le président Georges Bush décide de renforcer la sécurité de la frontière en mettant en place une longue barrière de 1 200 km, séparant les États-Unis du Mexique. En 2017, Donald Trump annonce vouloir poursuivre ce projet en construisant un mur entre les deux pays.

Billets de banque, dollars and pesos. Mexicali, Mexico, 2009 © Marie Baronnet

La série photographique Amexica capture ainsi les combats sociaux qui se déroulent le long de ce frontière. En effet, les photographies de Marie Baronnet donnent à voir tous les clivages qui découlent de cette séparation : racisme, différences de classes sociales, différences de cultures et de paysages. Amexica est l’histoire d’un mur qui séparent deux populations que tout oppose, mais qui n’en favorise qu’une seule.

Amexica
Le miroir, moyen de communication entre migrants. Naco, Mexico, 2010 © Marie Baronnet

La photographe a donc souhaité retranscrire ces oppositions au sein de son style photographique, à travers des contrastes, une alternance entre la lumière éclatante et l’obscurité, entre la pauvreté et l’abondance ou encore la ville et le désert. Marie Baronnet cherche ainsi à représenter les forces contradictoires qui s’exercent autour de cette frontière si particulière, l’amour, la haine, la vie, la mort, et ainsi dénoncer l’injustice et l’inhumanité que représente ce mur.

Marie Baronnet : témoin d’une décennie de conflits

Née en 1972, Marie Baronnet voit son travail photographique exposé dès 1996 au musée d’Art moderne de Paris et intégré aux collections du Centre Pompidou. D’abord intéressée par la forme artistique de la photographie et de la vidéo, elle réalise des portraits abstraits, exposés dans le comté de New York, puis aux beaux-arts de Paris en 1999.

Elle devient ensuite photojournaliste indépendante pour la presse française dont Libération et Le Monde, mais également anglaise dont Newsweek ou Sunday Times. À partir de 2009, la photographe entame une démarche documentaire qu’elle poursuivra pendant 10 ans, autour de la frontière américano-mexicaine. Elle réalise un premier film en 2020, « Amexica », où elle rend compte de ses observations, et capture une série de clichés.

Amexica
Tijuana, Baja California, Mexico, 2009 © Marie Baronnet

Marie Baronnet a su capturer les instants de vie qui se déroulent autour de la frontière, au sein des communautés qui vivent dans cette zone géographique, afin d’en faire ressortir les conflits qui les déchirent.

Pendant 10 ans, la photographe a sillonné toute la zone de la frontière, longue de 3150 kilomètres, allant de l’océan pacifique jusqu’au golfe du Mexique et a capturé autant de preuves des injustices qui y règnent. Ce sont ces photographies, ainsi que le film Amexica, qui sont aujourd’hui mis en lumière par le Centre de la photographie de Mougins jusqu’au 4 juin 2023.

Sans jamais verser dans le sentimentalisme ou le voyeurisme, la photojournaliste livre ici un travail singulier et d’une grande richesse, qui met en exergue les multiples enjeux et les paradoxes de cette frontière ô combien médiatique.

Tea Party Rally. Sonora desert, Arizona, USA, 2010 © Marie Baronnet

Informations pratiques :
Amexica – Marie Baronnet

Centre de la photographie de Mougins
Du 4 mars au 4 juin 2023
43 rue de l’Église, 06250 Mougins
Du mercredi au dimanche, de 13h à 18h
Tarif plein : 6 €, Tarif étudiant : 3 €