© Ljubiša Danilovic, éditions Lamaindonne

Georgia : Ljubiša Danilovic écrit la grande histoire de l’exil

En 1906, un certain Ljubiša Danilovic part du Monténégro pour se rendre aux États-Unis, et embarque à bord du Georgia, un bateau qui traverse l’atlantique. En 2021, un autre Ljubiša Danilovic, photographe, décide de suivre les traces de son homonyme du siècle précédent et de reconstituer le trajet qu’aurait dû entreprendre ce jeune monténégrin de nos jours ; et, par la même occasion, d’arpenter modestement toutes ces routes empruntées aujourd’hui par des milliers de migrants en quête d’un avenir meilleur.

© Ljubiša Danilovic, éditions Lamaindonne

Au commencement, un hasard : il y a une quinzaine d’années, un ami de Ljubiša Danilovic tape son nom dans le moteur de recherche du site internet d’Ellis Island. C’est avec surprise qu’il découvre qu’un homonyme a débarqué aux États-Unis cent ans auparavant, à l’âge de 19 ans. Plutôt que de tenter de retrouver sa trace, le photographe a commencé à s’intéresser aux questions de l’exil et de l’assimilation – il a mené ainsi quelques longues interviews d’exilés d’horizons très divers, comme autant de Ljubiša Danilovic contemporains.

Si au début du siècle dernier, la grande émigration avait comme destination idéale le Nouveau Monde, aujourd’hui la route empruntée par les migrants s’étend des Balkans jusqu’en Europe de l’Ouest ; c’est cette nuance que le photographe a voulu mettre en perspective avec une forme narratrice singulière.

Du Monténégro jusqu’à Paris, en passant par la Serbie, la Bosnie, l’inévitable frontière franco-italienne et le refuge de Briançon, par Calais ou encore Mulhouse, l’artiste a photographié toutes les réalités possibles, non pas dans une démarche vaine d’exhaustivité, mais bel et bien pour multiplier les histoires, en exposer toutes les nuances, et dans toute leur complexité.

Dans cette immense usine abandonnée du centre ville, les réfugiés originaires d’Afghanistan survivent dans des conditions extrêmement difficiles et un dénuement quasi-total. Ils s’organisent tant bien que mal pour s’octroyer un peu de confort dans des conditions de précarité et de froid extrême. Le voyage d’un réfugié depuis l’Asie vers l’Europe dure en moyenne sept ans © Ljubiša Danilovic, éditions Lamaindonne

En faisant dialoguer textes et images – et les images entre elles –, Ljubiša Danilovic écrit un récit subtil et personnel de l’histoire de la migration, où les vécus entrent en résonnance les uns avec les autres dans toute leur singularité et composent ainsi un ensemble, une histoire collective qui tend vers l’universel.

Une existence vécue dans un entre-deux. Le corps ici, l’esprit là-bas. Au final, étrangers partout.

Ljubiša Danilovic
© Ljubiša Danilovic, Lamaindonne

Georgia de Ljubiša Danilovic est disponible aux éditions Lamaindonne au tarif de 40 €, pour 180 pages dont 85 reproductions en quadrichromie et un texte de l’artiste.