L’Ukraine de Pavlo Borshchenko, entre récits de vie et identités plurielles

Dans un contexte où l’Ukraine est au cœur de l’attention médiatique et politique, l’art sous toutes ses formes peut nous permettre d’accéder à une autre réalité : celle de l’envers du désastre humain, celle de vies et d’identités négociées au-delà du temps de la guerre. Or, la photographie est l’un des médiums artistiques permettant de créer une autre narration sur un pays dont l’histoire dépasse de loin les conflits actuels. Le photographe Pavlo Borshchenko inscrit son travail dans cette perspective, et livre une vision originale de son pays à travers le prisme de sa propre histoire.

Air Force From Sumy Sorrow Of My Days 2018. © Pavlo Borshchenko

Originaire de Soumy, petite ville du nord-est de l’Ukraine, Pavlo Borshchenko vivait et travaillait à Kiev jusqu’à la récente invasion russe. Il a pu ainsi rapidement expérimenter son art dans la métropole qui s’est rapidement européanisée après 1991, tout en considérant sa petite ville d’origine et ses liens avec l’ex-Union soviétique, structurants dans sa construction personnelle.

En effet, le travail de l’artiste est imprégné de son identité plurielle : entre Est et Ouest, entre province et métropole, entre culture ex-soviétique et identification ukrainienne et européenne.

Training Flights From Sumy Sorrow Of My Days 2018. © Pavlo Borshchenko

Les clichés du photographe mettent en scène avec une certaine ironie des éléments rappelant l’ancienne appartenance soviétique du pays et les tensions que cela a engendré dans la construction identitaire nationale. Les visages y sont couverts, cachés, comme pour mettre en exergue la sensation d’étouffement d’une population au cœur de conflits géopolitiques qui la dépasse.

Une population dont les références culturelles s’entrecroisent, particulièrement dans la partie Est du pays, dont est originaire le photographe, qui ne s’est éloigné que très lentement du mode de vie soviétique après la chute du mur et la fin de l’URSS.

Un visage recouvert de photographies de Lénine, un autre d’une mappemonde tachée de sang : le cynisme de l’artiste est révélateur des crises que traverse le pays et des atrocités vécues par une population éreintée mais toujours plus résiliente, en 2014, et de nouveau huit ans après.

Dissolution From Sumy Sorrow Of My Days 2021. © Pavlo Borshchenko

L’aspect pop des clichés tranche avec la dureté et la noirceur de ce qu’elles représentent, et c’est cette dualité qui fait la particularité du travail si reconnaissable de Pavlo Borshchenko.

Ses photographies sont tout à la fois troublantes et amusantes, parfois même violentes, mais elles ont le méritent de pousser à la réflexion sur la question des identités et du multiculturalisme, en lien avec les questions géopolitiques actuelles et d’autres thématiques contemporaines.

Les œuvres de Pavlo Borshchenko seront exposées du 27 au 29 mai à la Galerie Joseph le Palais à Paris à l’occasion de l’exposition « New Eyes » réunissant des artistes de l’Europe de l’Est proposant des réflexions sur les liens entre identité, modernité et mondialisation.

Vous pouvez retrouver le travail du photographe sur Instagram.