Looking Out From Within : le voisinage confiné vu par Julia Fullerton-Batten

Photographe professionnelle londonienne, Julia Fullerton-Batten a vu ses activités s’arrêter du jour au lendemain avec la Covid-19. Au début du premier confinement, pendant son heure de sortie autorisée, elle remarque un vieil homme qui regarde désespérément par la fenêtre de sa maison… une rue déserte. L’idée lui vient naturellement : cet isolement est un symbole de la pandémie qu’il lui faut saisir

« J’ai ressenti le besoin de faire quelque chose, n’importe quoi. » La photographe ne savait pas alors que son projet artistique se poursuivrait pendant plusieurs confinements successifs. Elle publie les premières photos sur Instagram : la réaction des internautes du monde entier a été massive et l’a amenée à auto-publier son troisième livre, Looking Out From Within

KITTY, Lockdown Day 92 – © Julia Fullerton-Batten

Une scénographie millimétrée

Ses photographies sont calculées et paramétrées autour d’une mise en scène bien précise. Le décor de chaque image est identique : des personnes qui regardent par la fenêtre de leur maison un monde devenu silencieux et inconnu. Julia Fullerton-Batten précise : « Bien que ces paramètres soient identiques pour chaque image, je me suis assurée que chaque photographie reste unique et distincte. Dès le départ, j’ai décidé de continuer avec mes techniques d’éclairage cinématographique habituelles, en utilisant mes flashs et d’autres lumières déjà à disposition. »

La pandémie amène son lot de restrictions. Ces contraintes transparaissent clairement dans son travail : elle est contrainte de les prendre en compte dans la mise en place de ses prises de vue et les retourne à son avantage, faisant d’elles une composante même de ses photographies

Nora, Lockdown Day 87 – © Julia Fullerton-Batten

Lors du premier confinement, j’étais limité dans le temps, et donc dans la distance que je pouvais parcourir depuis chez moi. J’ai fini par photographier uniquement dans les rues de mon quartier. 

Effectivement, normalement habituée à travailler en équipe, Julia Fullerton-Batten doit faire des compromis sur la quantité d’éclairages et la sollicitation d’assistants. Les premières photographies de son projet sont les plus minimalistes. Mais au fil du temps, les contraintes s’amenuisent et elle peut retourner à sa manière habituelle de travailler, peaufiner son style qui lui est propre : une esthétique cinématographique et picturale

Zewdi, Yabsra and Ehiopia, Lockdown Day 57 – © Julia Fullerton-Batten

On ressent clairement ses influences en découvrant ses images. Quand on lui pose la question, immédiatement la photographe cite des artistes comme Edward Hopper ou William Eggleston comme des inspirations capitales. En travaillant sa narration et réactualisant ces couleurs maintenant désuètes typiques de ces années-là, Julia Fullerton-Batten nous offre un regard nostalgique, et ainsi, rend intemporel cette période que nous avons toutes et tous vécue.

Penelope, Lockdown Day 51 – © Julia Fullerton-Batten

Un travail collaboratif

Pour traiter ce sujet, Julia Fullerton-Batten dit être attachée à faire participer ses modèles. Elle les a directement impliqués dans le développement des photographies et leur a demandé d’écrire quelque chose sur la façon dont ils ont vécu cette pandémie

Torin and Carol, Lockdown Day 40 – © Julia Fullerton-Batten

« Tout au long de ma carrière, à la fois en tant que photographe publicitaire et dans mon travail plus artistique, j’ai appris qu’établir une relation privilégiée avec un modèle donnait de meilleurs résultats, plus sincères. Pour ces photographies, ainsi que d’autres de mes projets impliquant la vie des gens – en particulier Blind et The Act – , je crée une histoire entière autour de leurs vécues, non seulement visuellement, mais aussi en leur demandant à tous de répondre aux mêmes questions. » 

Chaque modèle est impliqué dans le développement de l’image. La photographe prépare en amont l’élaboration de la mise en scène pour mieux préparer le shooting. De manière participative, les modèles et elle-même décident des tenues et de l’agencement des éclairages pour représenter au mieux leurs intentions respectives ; une façon de travailler qu’elle considère nécessaire pour peindre avec justesse et pertinence les différents quotidiens des gens qu’elle photographie.

Father Kevin, Lockdown Day 70 – © Julia Fullerton-Batten

C’est dans cette démarche collaborative que la photographe parvient à traiter son sujet avec une approche presque documentaire — malgré le poids de son esthétique très travaillée. Dès qu’il a été possible de sortir plus longtemps de chez soi, Julia Fullerton-Batten s’est éloignée de son voisinage afin de capter un spectre plus large de la société : partir de son quartier qu’elle qualifie de « privilégié » pour photographier des personnes plus jeunes et plus âgées, des couples et des familles LGBT+ et des personnes aux professions diverses. 

Josh and David, Lockdown Day 331 – © Julia Fullerton-Batten

Retrouvez les photos de Julia Fullterton-Batten dans son dernier livre auto-édité Looking out from Within ainsi que sur son site internet.

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  1. L’idée est excellente, les photos aussi. Par contre, le post-traitement est souvent lourdaux,les curseurs poussés à fond, avec des effets d’éclairage irréalistes. Comme si les photos ne se suffisaient pas à elles mêmes, comme s’il fallait se servir intensément de Photoshop pour que le message soit plus clair ( et que le lecteur comprenne ?). Tout cela est aggravé par l’édition du livre,qui fait malheureusement très amateur. C’est dommage, car tout cela ne rend pas service à la beauté initiale du travail photographique.