L’iPhone pour remplacer un reflex en voyage : le retour d’expérience de Léo Coulongeat

Le smartphone peut-il totalement remplacer un reflex ou un hybride en voyage ? Quels en sont les avantages et les inconvénients ? Fait-on de la photographie de la même manière avec un iPhone qu’avec un reflex ? Quel impact le choix du matériel a-t-il sur la pratique photo ? Autant de questions que se posent régulièrement de nombreux photographes.

Dans son dernier carnet de voyage, le photographe Léo Coulongeat (alias Erisphere) nous emmène à la découverte des déserts du Grand Erg occidental. Mais à son arrivée sur le sol algérien, le photographe a dû affronter un imprévu de taille : les douanes lui ont confisqué son reflex et son drone, l’obligeant à photographier son voyage avec son iPhone Xr. Il nous livre son témoignage sur cette expérience et sur sa pratique de la photographie professionnelle à l’iPhone.

© Léo Coulongeat

Les douanes et le matériel photo

À son arrivée à l’aéroport d’Alger, Léo Coulongeat ne s’attendait sans doute pas à voir ses affaires passées au peigne fin… et son matériel photo (reflex et drone) « embarqués » par les autorités algériennes. « L’explication des autorités est que je n’ai pas « d’autorisation officielle » pour utiliser du matériel professionnel sur leur territoire… Le gouvernement a donné comme règle que personne ne peut prendre des images sur le territoire sans autorisation officielle », nous révèle le photographe, pourtant habitué aux voyages. « La réalité sur place est qu’ils confisquent le matériel dès que ça ressemble à du matériel professionnel (les petits reflex passent souvent sans problème) », indique-t-il.

Si Léo a pu heureusement récupérer son matériel à l’issue de son séjour, il est recommandé aux voyageurs de se renseigner avant le début de leur périple sur les règles régissant l’entrée de matériels photo/vidéo. En tapant « douanes matériel photo » sur Google, on tombe ainsi sur de nombreux témoignages (récents ou non) de voyageurs désemparés, ayant fait la même expérience amère que Léo.

« Aujourd’hui c’est mon travail de photographe qui m’entraine dans les voyages. Sans mon matériel, j’avais l’impression que ma venue en Algérie n’avait plus trop de sens », déclare Léo. « Après réflexion — et méditation — je décide de relever le défi : je continuerai mon périple, armé seulement de mon smartphone. En expérimentant avec l’iPhone, j’ai commencé à l’accepter et à le prendre plutôt comme une opportunité de gagner en expérience ». Selon ses dires, il a fallu à Léo environ une semaine de pratique pour apprivoiser les opportunités offertes par la photographie à l’iPhone et ses limites.

« Aujourd’hui c’est mon travail de photographe qui m’entraine dans les voyages. Sans mon matériel, j’avais l’impression que ma venue en Algérie n’avait plus trop de sens. »

© Léo Coulongeat

Les avantages de photographier (uniquement) avec son smartphone

Alors que le nombre de smartphones en circulation bat de nouveaux records et que leurs capacités photo sont en forte hausse, quelle plus-value gardent pour eux nos appareils photo « traditionnels » ? Pour y répondre, on peut évidemment parler du point de vue matériel : taille du capteur, nombre de photosites, qualité des optiques, algorithmes de traitement de l’image… Cependant, l’expérience de Léo Coulongeat amène une réponse assez nuancée, basée sur son ressenti de photographe professionnel.

« Dans la pratique, l’iPhone offre un certain nombre d’avantages », explique-t-il. « L’iPhone est extrêmement léger, on ne rencontre aucun problème de batterie (à condition d’avoir une batterie externe dans son sac) … ». Le photographe indique aussi avoir beaucoup apprécié le focus peaking, qui l’a aidé à faire la mise au point manuelle.

© Léo Coulongeat

Composer ses photos avec son smartphone

Au niveau de la composition de ses photographies, Léo déclare par ailleurs que « l’iPhone est aussi un très bon moyen de progresser sur le cadrage – c’est la même chose qu’utiliser une focale fixe ».

Et le jeune photographe de faire un constat particulièrement intéressant : « au final, je me rends compte que j’ai pris beaucoup de photos format portrait avec mon smartphone, chose que je ne fais presque jamais avec mon reflex », déclare-t-il. « C’est un conditionnement naturel qui vient avec l’outil : le reflex se tient naturellement au format paysage alors que le smartphone nous mène au format portrait. Il faudrait que je progresse encore sur ce point, le choix du cadrage doit m’être propre à 100% et non imposé par l’outil que j’utilise ».

« Le choix du cadrage doit m’être propre à 100% et non imposé par l’outil que j’utilise. »

Au-delà, le fait de ne pas photographier avec un appareil plutôt imposant entraîne une réelle différence dans la perception du photographe par les habitants. « Pour la street photo, on passe inaperçu en mettant l’iPhone de côté », précise Léo. « Au Moyen-Orient, je fais peu de photo de rue car la plupart des gens sont dérangés par cela. Cela génère un stress chez moi et chez les autres qui n’est pas constructif pour ma manière de voyager et les rencontres que je souhaite faire dans la rue. Ici, c’est différent, et certaines personnes sont d’ailleurs enclines à être prises en photo par smartphone alors qu’elles auraient refusé par reflex ». Un constat très intéressant, et qui peut sans doute s’expliquer par la plus petite taille de l’iPhone par rapport à l’objectif d’un reflex ou d’un hybride.

© Léo Coulongeat

« Pour aller encore plus loin dans la discrétion, un ami là-bas m’a prêté le DJI Osmo Pocket. C’est un accessoire qui est surtout très utile pour la vidéo mais qui a l’avantage en photo de pouvoir shooter en mettant son iPhone à l’horizontale : les gens pensent qu’on regarde son smartphone car on ne le lève plus devant soi pour prendre la photo », dévoile Léo Coulongeat. Là encore, cette déclaration nous rappelle l’un des principes-clés de la photo de rue : prendre le pouls de l’endroit, se fondre dans la foule et rester discret pour capturer un fragment du quotidien des personnes.

© Léo Coulongeat

Post-traiter ses photos prises avec son smartphone

Au-delà de la capture de la photo se pose évidemment la question du post-traitement. Si beaucoup de photographes continuent de fonctionner avec le tandem boîtier-ordinateur, l’expérience de Léo Coulongeat permet d’aborder ce point sous l’angle de la photographie au smartphone.

« Même avec mon reflex, je retravaille presque systématiquement mes images sur Lightroom afin d’ajouter ma patte. Lorsque j’utilise des outils moins poussés comme l’iPhone ou la GoPro c’est effectivement un outil indispensable pour moi afin de compenser la baisse en qualité de certains aspects », dévoile le photographe.

© Léo Coulongeat

« Avec son iPhone, on peut shooter en RAW et retoucher les photos avec l’application Lightroom CC », ajoute-t-il. « La gestion du HDR via Lightroom CC est très pratique et de super qualité. On prend la photo en mode HDR sur l’app puis on retrouve la fusion sur ordinateur avec le fichier en RAW et le paramétrage proposé que l’on peut affiner. »

De quoi abolir la barrière entre l’appareil photo et les outils nécessaires au post-traitement ? Sans doute. Un point qui s’avère particulièrement intéressant pour de nombreux photographes… et qu’a parfaitement compris Adobe en proposant la synchronisation des images et leurs retouches entre différents appareils reliés au même compte.

© Léo Coulongeat

Des limitations techniques pour l’heure bien réelles

Malgré des avantages indéniables, le smartphone – aussi doué soit-il coté photo ou vidéo – présente des limites indéniables. Très petite taille du capteur et des photosites (même si certains modèles se rapprochent de plus en plus d’un capteur 1 pouce) ont ainsi une incidence réelle sur la capture des photographies, comme l’explique Léo.

« Pour l’heure, je rencontre certaines limitations avec l’iPhone : pas de contrôle de l’ouverture, une mauvaise gestion du flare et des contre-jour et des lumières directes la nuit (comme les lampadaires) … La dynamique des couleurs est aussi moins bonne qu’avec un reflex – mais on s’en sort avec une bonne maîtrise en post-production. Malgré cela, la photo de nuit reste très difficile, même avec un trépied », déclare-t-il.

Sur ce point, les algorithmes de certains constructeurs semblent toutefois progresser à grande vitesse. Le mode astrophotographie des Google Pixel 4 et 4 XL est tout simplement bluffant, tandis qu’Apple a comblé son retard sur Google (ou Huawei) en intégrant un nouveau mode Nuit très pratique.

© Léo Coulongeat

Cela étant, le form factor de l’appareil impose lui aussi parfois ses propres limites : « dès qu’il y a beaucoup de soleil, on a du mal à voir l’écran et donc le cadrage/mise au point. Enfin, L’objectif se salit quasiment systématiquement dans la poche, il faut penser à passer un coup rapide avec un vêtement », révèle Léo.

« Aujourd’hui, l’appareil traditionnel reste le meilleur compromis par rapport au type de photos que j’ai l’habitude de shooter. »

« Aujourd’hui, l’appareil traditionnel reste le meilleur compromis par rapport au type de photos que j’ai l’habitude de shooter », précise le photographe. « Par contre, je considère que j’ai un 2e outil professionnel constamment avec moi, et que j’utiliserai de temps en temps », indique-t-il.

« Pour la suite de mes voyages, j’utiliserai l’iPhone pour mon utilisation pro à certains moments en complément de mon matériel pro », détaille Léo Coulongeat. « Avant, je ne faisais quasiment aucune photo avec mon smartphone. Je choisirai sans doute un smartphone avec plusieurs objectifs la prochaine fois que je changerai de smartphone. Ainsi, Les différents objectifs sont vraiment un plus notamment pour les portraits (zoom) et les paysages (grand angle) alors que je ne les avais pas sur l’iPhone Xr », développe-t-il.

© Léo Coulongeat

Les smartphones pourront-ils un jour remplacer les appareils photo « traditionnels » ?

À cette question pour le moins récurrente, les principaux constructeurs de smartphones répondent avec bon nombre d’arguments techniques destinés à séduire les consommateurs. Plus de pixels (certains capteurs affichent d’ailleurs le nombre stratosphérique de 108 Mpx…), plus d’objectifs, un plus long zoom… De son côté, Léo Coulongeat indique son enthousiasme quant à la hausse des performances photo des derniers smartphones : « Si la technologie arrive à proposer les mêmes performances des boitiers actuels sur des smartphone alors ce serait génial ».

© Léo Coulongeat

Il nuance toutefois : « pour être honnête, je pense que si la technologie progresse autant, les boitiers proposeront de nouvelles fonctionnalités encore plus attrayantes. L’intérêt pour moi sera alors de garder un boitier le plus léger et petit possible : c’est d’ailleurs la tendance actuelle du marché avec la transition des reflex vers l’hybride ». Un format qui permet en effet aux constructeurs de proposer du matériel (beaucoup) plus léger… même si certaines optiques pour appareils plein format continuent malgré tout à être assez lourdes.

© Léo Coulongeat

Quel bilan de cette expérience ?

De par cette décision (forcée) de ne capturer des photos qu’avec son iPhone, Léo a pu pratiquer la photographie différemment de ses autres voyages. Malgré le sentiment de frustration qu’il a pu éprouver dans les premiers instants, il a su accepter cette contrainte et tirer le maximum des possibilités offertes par le matériel qui était à sa disposition.

© Léo Coulongeat

« Avec un drone, j’aurai pu aller beaucoup plus loin dans mon travail, mais j’accepte la restriction du gouvernement à ce niveau-là qui, il me semble, était là avant les manifestations » qui agitent le pays depuis plusieurs mois, déclare-t-il. « Au final je suis tout de même satisfait du rendu de mes photos qui se sont orientées vers des domaines que je pratique moins souvent. En dehors du rendu photo en lui-même, c’est surtout l’expérience que j’y ai gagné qui me satisfait. ».

Un grand merci à Léo d’avoir partagé ses impressions avec nous et d’avoir détaillé la manière dont cette expérience a pu façonner sa manière de pratiquer la photographie.

Pour découvrir les photos réalisées par Léo Coulongeat en Algérie, rendez-vous sur son carnet de voyage :

Carnet de voyage : sur la route des Ksour, les châteaux perdus d’Algérie