© Grégoire Huret

La photo de rue en argentique avec Grégoire Huret : « un doigt d’honneur c’est comme une médaille pour moi »

Grégoire Huret a choisi la photographie argentique pour l’accompagner dans ses déambulations citadines, à Paris. Une photographie de rue exclusivement en 35mm et en noir et blanc.

A la recherche d’authenticité et témoin de son temps, il a immortalisé sur pellicule une année à Paris, de juin 2018 à juin 2019 avec des moments forts comme la Coupe du Monde de football remportée par la France jusqu’à l’incendie de la Cathédrale de Notre-Dame, combinés à des moments plus personnels et intimistes. Alors qu’il vient de terminer son exposition « Sans détour », Grégoire Huret nous parle de ses choix de matériel, et des scènes de rue qui le poussent à appuyer sur le déclencheur.

Ses sujets récurrents sont le skate, la mode, la jeunesse, le métro, les passants au look atypique…À l’heure de l’escalade aux évolutions technologiques et de la course à l’instantanéité, Grégoire Huret a choisi de ralentir, et d’immortaliser des scènes de la vie quotidienne.

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« C’est la richesse de notre quotidien qui me plait. Je veux retrouver cette richesse dans mes photos. C’est ça Paris, c’est comme une grande fête où de jeunes skaters côtoient des tops modèles de la fashion week et des clodos bourrés pendant que Notre-Dame brûle !« 

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L’argentique : une photographie de caractère qui prend son temps

Ce que Grégoire Huret aime dans la pratique argentique c’est cette photographie qui prend son temps  » Sur une pellicule, vous n’avez pas beaucoup de poses, du coup vous prenez beaucoup plus votre temps avant de déclencher. »

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C’est lors d’un voyage à New-York qu’il débute la photographie. Il part alors avec un appareil photo numérique et un Rollei 35 SE noir offerts par son père qui lui a également transmis les bases de la technique photo. Sur place, il ne sort finalement qu’avec l’appareil photo argentique et un film Kodak TriX 400.

Grégoire Huret développe lui-même ses photographies en laboratoire. « Je trouve que le rendu d’une photo prise sur film a plus de caractère. Le grain vient donner de la matière à la photo, elle me paraît moins aseptisée. Après il ne faut pas se tromper, derrière chaque photo il y a une volonté de créer quelque chose de singulier et si, dès le départ cette étape est râtée alors le procédé (numérique ou argentique) ne changera rien ! »

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C’est une manière instinctive de faire de la photographie, qui nécessite simplement de prendre plus de temps pour poser son cadre et créer sa composition. La sélection des photographies se fait ensuite, avec moins de tri — le nombre de poses prédéfini de la pellicule concentrant le choix sur l’essentiel ; des choix qui lui « paraissent raconter la bonne histoire ». 

Du 35 mm en noir et blanc exclusivement

Ce choix de matériel trouve ses raisons dans le style d’image, Grégoire Huret apprécie l’aspect « théâtral » que le film noir et blanc donne aux images, « comme si en enlevant la couleur, cela permettait de se focaliser uniquement sur la situation ». Des raisons pratiques également pour le photographe qui développe lui-même ses photographies ; le contrôle de la température est plus simple avec le film monochrome qu’il développe dans une eau à 20°C. 

« Ce que j’aime dans la photo c’est le concret ; mes photos je les souhaite accessibles par le plus grand nombre. L’important c’est qu’elles interpellent, après chacun est libre de réécrire sa propre histoire autour de ce qu’il ressent. »

© Grégoire Huret

Un couple focale courte et style monochrome dans lequel Grégoire Huret a trouvé une technique fidèle à son mode de représentation du monde. « L’appareil photo argentique vous force à vous dévoiler, surtout si comme moi vous privilégiez les courtes focales, car vous devez vous rapprocher de vos sujets ; cela vous force à aller vers les gens plutôt qu’à rester planqué dans votre coin« , déclare-t-il.

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Ses inspirations, il les tire de la photographie, comme avec Garry Winogrand, dont il est un grand fan. « Ses images me touchent énormément. J’aime aussi sa démarche, un peu débonnaire, qui privilégiait l’instant plutôt que ce qu’allait devenir la photo par la suite. », alors qu’il tire sa motivation de la musique et du cinéma.

Une approche authentique de la rue et de ses passants

©Grégoire Huret

Dans un souci d’authenticité, le photographe autodidacte ne demande pas la permission avant de photographier les sujets qu’il croise, afin de ne pas altérer la scène qu’il souhaite retrouver lors du développement. « Bien sûr il y a des moments où ça ne se passe pas du tout comme je l’imaginais. Je me souviens, pendant les rencontres d’Arles, j’avais pris un petit pépé en mobylette et il n’avait pas du tout apprécié, il avait fait demi-tour et voulait faire la bagarre ! »

« D’autre fois cela vaut le coup de discuter un peu, cela peut donner de belles surprises comme avec le rappeur Lil Gnar. Je voyais un gars qui skatait pas mal Place de la République à Paris et je faisais quelques photos de lui en action. Il avait un look génial, un gros sweatshirt orange, des dreadlocks et un grillz (dentier en or) du coup je me dis « ca serait bête de ne pas faire un portrait » et j’engage la conversation avec lui. Là j’apprends que le gars est un rapper qui vient de Los Angeles et qu’il était là à Paris pour tourner un clip. Comme quoi, il n’y a pas de règle… il faut faire preuve de motivation et de discernement. »

© Grégoire Huret
© Grégoire Huret

« Et puis de mon côté, un doigt d’honneur c’est comme une médaille pour moi, c’est plus une récompense que quelque chose de négatif. Les gens se préoccupent trop de leur image et c’est plutôt une bonne chose de voir des gens manifester réellement leur humeur sans filtre. »

À la recherche du bon moment, d’une situation particulière ou d’un visage qui le pousserait à déclencher, Grégoire Huret explore la ville avec son Leica M6, un 35mm Summicron, le tout chargé avec du film Kodak Tmax 100 ou du Ilford HP5. Il utilise également des appareils autofocus comme l’Olympus Mju ou le Minolta AF35 ; qui l’accompagnent surtout en soirée.

Paris n’est pas le seul terrain de shooting du photographe, qui a réalisé d’autres séries au gré de ses voyages dans lesquels il ne part jamais sans son matériel argentique : New-York, la Côte d’Azur, Londres ou encore la Laponie.

© Grégoire Huret
© Grégoire Huret

Toujours en recherche d’innovation et d’expérimentation autour de la photographie, Grégoire Huret s’ouvre aujourd’hui à la photographie couleur. Il a d’ailleurs sorti une série réalisée avec des films couleurs périmés (Kodak Ektachrome), pour avoir des couleurs plus saturées grâce au traitement croisé (qui consiste à les développer avec une chimie classique). Pour la suite, il souhaiterait changer de registre et se tourner vers la photographie de portrait couleur en moyen format.

En attendant, vous pouvez télécharger sur son site ses fanzines auto-édité « How To Find Your Way » (Comment trouver son chemin). Chaque volume a une thématique et une carte qui permet de repérer le lieu où chaque photographie a été prise. Alors qu’il s’apprête à sortir le 7ème volume « Lapland », il en existe déjà 6 volumes (NYC, Londres, Paris, Sicile, Paris-Métro, French Riviera). Deux autres volumes sont en cours d’édition, un sur la Fashion Week de Paris et un autre sur la victoire en coupe du monde du 15 juillet 2018.

Ses photographies sont à consulter sur son site internet ainsi que sur Flickr et Instagram.