©Massimo Giovannini

« Henkō » de Massimo Giovannini : Photos d’identité(s)

Deux portraits, une seule personne, deux genres ; c’est l’objectif du projet « HENKO » mené par le photographe Massimo Giovannini. Sur son site officiel l’artiste explique : « Henkō est un mot japonais composé par les kanjis 変 Hen, qui signifie « changement », et Kō, qui signifie « lumière variable / inhabituelle ». En fait, plus qu’un mot, Henkō est un son qui porte un concept, celui d’une lumière changeante qui transforme notre perception des objets qu’il illumine. »

© Massimo Giovannini

C’est précisément le but de ce projet que d’offrir un éclairage nouveau sur un même sujet, afin de mettre en avant les frontières floues qui nous définissent. Si un simple changement de lumière et un léger maquillage suffisent à changer notre perception de la personne, c’est peut-être que nos définitions du genre s’avèrent trop rigides par rapport à la complexité de ses incarnations.

Combattre le feu par le feu, c’est ainsi que procède le photographe qui pour combattre la dichotomie du genre propose deux portraits opposés d’un même modèle : de l’homme à la femme, les différences s’avèrent si infimes que l’on en vient à s’interroger sur le sens véritable du mot « genre ».

© Massimo Giovannini

La question prend d’autant plus d’acuité que la composition s’avère dépouillée ainsi que non retouchée – les sujets posant sur fond neutre et débarrassés de tout accessoire – laissant les visages exprimer à eux-seuls le message. Les modèles, choisis pour leur androgynie, nous font naviguer en eaux troubles, si bien qu’il est parfois même difficile de distinguer leur véritable sexe, et que l’on en vient à se demander laquelle des deux photos est « la bonne ».

Mais c’est justement là que réside le message de cette série : il n’y a pas de « bonne photo », les modèles sont autant eux-même sur les deux photos. La seule chose qui change est notre perception de leur individualité. Massimo Giovannini se réfère à de grands artistes qui ont aussi travaillé sur la question de la représentation et de sa perception tels que Man Ray, Georgi Pinkhassov ou Richard Avedon.

© Massimo Giovannini
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Le projet Henkō a débuté en 2016, lorsque le gouvernement italien a approuvé une loi autorisant le mariage entre personnes de même sexe dans un pays qui reste très catholique. Le photographe s’était dit troublé par « la superficialité avec laquelle beaucoup de médias nationaux abordaient le sujet du genre », et en particulier « par l’idée qu’un véritable amour ou une famille véritable ne pouvait découler que de l’union entre un homme et une femme. »

Afin de pousser le concept au maximum, le modèle est débarrassé de tout accessoire ou attribut pour tenter d’éliminer tous les clichés du sujet du genre. Le choix du format – le portrait photographique traditionnel, associé à des diptyques – et le caractère direct d’une image apparemment simple et dépouillée dissimulent bien la complexité profonde du sujet, tout en forçant le spectateur à s’interroger sur ses perceptions et la dichotomie systémique de l’identité entre homme et femme. L’identité apparait ainsi comme un concept fluide et modulable.

Vous pouvez retrouver l’ensemble de la série sur le site de Massimo Giovannini.