Guillaume Wilmin a réalisé un reportage photo au cours de la 5e édition de « King of the Ring », l’événement Kickboxing à Metz. Dans ce Mercredi Pratique, il partage avec nous son expérience ainsi que ses conseils pour bien photographier la boxe et les sports de combat.
Je vais partager avec vous la préparation que j’ai effectuée pour photographier des combats de kickboxing lors de la 5e édition de « King of the Ring » au complexe sportif Saint Symphorien à Metz. N’étant pas photographe spécialisé dans le sport, j’ai dû me documenter et me préparer pour pouvoir mener à bien ce reportage photo.
Avant d’aller plus loin, une chose est primordiale : s’assurer la bonne place. Il y a deux zones autour du ring dont une réservée à la presse, photographes et juge. C’est celle qui va vous permettre de réaliser les meilleures photos, mais il faudra pour cela être accrédité, surtout si le combat est dans une ligue officielle.
Il y a également une zone VIP autour du ring où les invités d’honneur sont placés : vous vous situés entre 3 et 4m et là les choses se compliquent déjà. En effet, plus vous vous éloignez des sources lumineuses et plus vous allez devoir monter en sensibilité. Pour information, pour obtenir une vitesse rapide et figer le mouvement, à un mètre d’un combat la sensibilité va rapidement grimper à 6400 ISO minimum.
Alors avant toute préparation de matériel ou de réglage, s’assurer la meilleure place est indispensable.
Sommaire
Bien se préparer avant le match de boxe
En plein combat, les actions passent très vite et, au-delà de vos propres émotions, il faut anticiper les mouvements des combattants. Avoir une bonne lecture du combat permet de bien se positionner ou bien tout simplement savoir à quel moment du match on se trouve.
Attention, plus vous allez déclencher, plus vous allez accumuler des images et rendre l’editing difficile ensuite. Si vous utilisez la rafale, choisissez la plus basse proposée par votre boîtier.
Les temps de répits sont aussi de bonnes occasions pour photographier les combattants, car beaucoup d’émotions peuvent se produire, lorsque leur coach leur parle ou lorsqu’ils se reconcentrent pour le prochain round.
Quelle est votre intention ?
Avant de prendre l’appareil photo entre vos mains, il est important de connaître votre intention. Que voulez-vous montrer des combats ? Personnellement, c’est difficile à décrire : je ne savais pas à quoi m’attendre. J’ai surtout voulu capter des émotions plutôt que l’action du combat.
L’autofocus, élément essentiel de la réussite
J’utilise habituellement un hybride Sony A7r II. Même si le suivi autofocus est très bon, le problème sur ce type de boîtier c’est la sensibilité du suivi en basse lumière. -2EV à pleine ouverture avec un 35mm 1.4 et la perte du point en rafale est très fréquente. Ajouté à cela un problème d’autonomie et les hybrides ne sont pas encore taillés pour la photographie sportive.
J’ai donc utilisé un reflex plein format Canon 5DS R qui reprend le système autofocus 61 points du 5D Mark III. Le réglage de celui-ci est très complet, je l’ai configuré comme suit :
- Le mode AF AI SERVO pour que l’appareil cherche le point en continu, ou en ponctuel, car il y a des moments de répit dans les combats.
- J’ai activé les 61 collimateurs pour avoir la zone AF la plus large possible et la programmation du suivi s’est faite sur sujet changeant de vitesse de manière imprévisible.
La configuration de l’autofocus est primordiale. Vous comprendrez que plus l’assistance à la prise de vue est importante, plus les chances de réussir ces images le sont. Néanmoins, pour cela il faut comprendre le comportement de votre boîtier sur le bout des doigts.
Les réglages de mode : TV, AV ou M ?
Pour ce type de photos, il faut impérativement travailler en priorité vitesse (Tv pour Canon et S pour Nikon). C’est le paramètre le plus important avec le réglage de l’autofocus. Pour ce championnat, j’ai fait quelques essais à différentes vitesses lors des combats semi-pro au début. J’ai très rapidement ajusté celle-ci à 1/2000s, car même au plus près du ring les combattants se déplacent très rapidement et c’est indispensable pour figer le mouvement.
Néanmoins avec des vitesses plus lentes on pourra donner un effet de mouvement dans les images, mais veillez à ne pas trop descendre, car sinon vous aurez seulement du flou de mouvement.
L’exposition
Comme vous travaillez la plupart du temps en contre-plongée, vous allez aisément sous-exposer vos images de 1IL lors des combats, car il n’y a aucune utilité à exposer correctement le plafond. Les combattants renvoient beaucoup de lumière et, au fur et à mesure du combat, la transpiration de leurs corps en renvoie encore plus.
Autant vous dire qu’il est quasi impossible de faire une mesure spot tellement les sujets se déplacent vite, donc la mesure matricielle sous-exposée de 1IL vous permettra d’avoir une bonne exposition avec des noirs bien noirs et des tons moyens ou clairs bien exposés.
Réglages ISO
Pour cette série, j’ai laissé la sensibilité en fonctionnement auto avec une plage de 100 à 6400 ISO. Le Canon 5DS R n’est pas un champion toute catégorie dans la montée en bruit, mais la définition sauve les meubles et il faudra exposer au plus juste.
De manière plus générale, pour obtenir une vitesse suffisamment rapide, vous devrez automatiquement monter en ISO, donc choisissez un boîtier qui permet cela sans trop perdre en qualité.
Format Cinémascope
Dans la mesure du possible, j’essaie de donner un effet « cinéma » à mes images : c’est l’une des raisons qui me pousse à travailler avec des capteurs très définis comme le Sony A7r II ou, dans ce cas, le Canon 5DS R. J’utilise principalement le format 16/9 et 21/9 (format Cinémascope).
Les cartes mémoires
Avec ses 50 millions de pixels et la rafale, le Canon 5DS R a mis les cartes mémoires à rude épreuve. Pour ce format, on oublie la carte SD avec son taux de transfert maximum de 95mo/s et on file sur la Compact Flash avec ses 160mo/s et 128 Go pour soulager rapidement le buffer et avoir le nombre d’images maximum disponible.
Ici, il est primordial d’avoir une carte mémoire suffisamment rapide (classe 10 minimum) afin de ne pas saturer votre boîtier et vous retrouver à devoir attendre que l’appareil écrive les photos pour continuer. Surtout qu’il est recommandé de photographier en RAW (comme en concert) pour pouvoir récupérer certains détails ou corrections une fois sur ordinateur.
Le plein de batterie
Un grip ou une seconde batterie sont indispensables, car les combats peuvent durer longtemps. Dans mon cas, l’autonomie moyenne d’une LPE6 est d’environ 900 vues, ce qui est confortable. Mais les sollicitations qui peuvent être demandées par le boîtier ou l’objectif (stabilisation, rafales et recherche du point) peuvent faire tomber l’autonomie à 700 vues.
N’oubliez pas qu’avec la rafale les images s’accumulent très vite. Durant ce championnat, j’ai pris environ 800 photos pour 4 heures de présence.
Quels objectifs choisir pour photographier de la boxe ?
J’ai travaillé avec deux objectifs : un 70-200mm f/2.8 IS II et le 35mm f/1.4 II.
Le zoom m’a servi à faire de très gros plans lors des combats, saisir les émotions et les actions fortes. Lorsque vous vous placez près du ring, vous n’êtes pas seul et vous ne pouvez pas vous déplacer à votre guise, car il y a un staff très important. Vous devez jouer de discrétion et ne déranger ni les combattants, ni vos confrères et surtout pas les juges, donc un zoom à longue focale lumineux et indispensable.
En reportage, lorsque vous voulez une vue d’ensemble et cadrer facilement, le 35mm est une focale idéale. Mais attention à tous les éléments parasites qui peuvent rentrer dans le cadre.
Petite anecdote : le grand-angle vous donne la sensation que les objets paraissent plus loin qu’ils ne le sont réellement. Attention à ce qu’un coup de pied ne vienne pas vous arracher votre appareil, car votre sécurité et celle des combattants sont importantes. Vous pouvez vite être distrait ou captivé par l’action du moment.
Dernier conseil
Un dernier conseil : gardez l’œil collé au viseur, car pendant les combats le moindre moment d’inattention est une image de perdue pour vous.
L’occasion m’a été permise de travailler avec du très bon matériel, mais cela ne fait pas tout : j’ai aussi eu beaucoup de chance de rencontrer l’organisateur et directeur du Fight Club de Metz Borny, Eliyas TEPELI , qui m’a offert d’excellentes conditions de travail au plus près du ring.
Comme vous pouvez le voir, la photographie sportive est un subtil mélange de technique, de préparation et d’organisation. Mais n’oubliez pas de laisser la place à l’instinct.
Crédit photo : Guillaume Wilmin / retrouvez l’ensemble de sa série photo sur King of the Ring