Couvrir une manifestation est difficile à bien des égards pour un photographe. Cette pratique mettra à rude épreuve vos capacités d’observation ainsi que votre réactivité, sachant que bien souvent les sujets photographiés peuvent être hostiles. Cependant, c’est aussi une très bonne école qui ne pourra vous rendre que meilleur, notamment en vous permettant de travailler votre regard et votre positionnement par rapport à l’action.
Ce Mercredi Pratique va vous donner les premières pistes pour couvrir et photographier une manifestation dans les meilleures conditions.
Le matériel à emporter
Le plus important est d’avoir l’équipement le plus lumineux possible afin d’obtenir une haute vitesse d’obturation pour figer l’action et obtenir des photos nettes. Il ne faut surtout pas avoir peur de monter dans les ISO. Évidemment un reflex plein format aura un avantage sur un appareil APS-C avec une meilleure gestion du bruit, même si les boîtiers APS-C deviennent de plus en plus performants.
Pour les objectifs, le même conseil s’applique : un 50mm f/1.8 sera au final beaucoup plus pratique qu’un 18-200mm f/3.5-5.6.
Dans la situation idéale, le photographe sera plus versatile avec deux boitiers : sur l’un un grand-angle de type 16-35mm ou un 24-70mm et sur l’autre un 70-200mm. Cela étant dit, un seul boitier avec une focale fixe 35mm ou 50mm fera aussi très bien l’affaire, mais vous manquerez quelques photos à cause du manque de portée. Vous serez cependant beaucoup plus discret et mobile. Si vous possédez un pare-soleil, mettez le sur votre objectif afin de le protéger.
Les accessoires
En plus du matériel photographique, il y a quelques petits accessoires qui vont vous rendre la vie plus facile.
- La carte de presse
Ce n’est pas donné à tout le monde d’avoir une carte de presse, mais en posséder une va vous aider en cas de cas de problème avec la police. Le fait d’être identifié en tant que média peut faire la différence entre une arrestation ou non.
- Le masque anti-grippe
Robert Capa disait « Si la photo n’est pas bonne, c’est que vous n’êtes pas assez proche. » Ce conseil est très pertinent. Seulement dans le cas d’une manifestation, vous risquez d’être pris dans les affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre. Or, le moyen de dissuasion le plus employé par ces derniers est le gaz lacrymogène. Le masque (comme celui-ci) permettra d’atténuer les effets.
Les risques
Couvrir une manifestation représente certains risques à la fois pour le photographe et son matériel. Il est important de savoir se fixer ses limites et ne pas se mettre en danger inutilement. Les moments critiques sont souvent ceux où l’on se retrouve pris entre les forces de l’ordre et les manifestants et quand l’un des deux groupes charge l’autre. Observez le comportement des autres médias et jugez quand il est important de se reculer.
La manifestation
Il est temps de se rendre à la manifestation. Arriver au moins 30 minutes en avance est préférable. Cela permet de voir l’ambiance, parler aux autres photographes, aux journalistes et aux manifestants. Il faut voir cette période comme un échauffement. C’est à ce moment que vous vérifiez votre matériel et faites vos derniers ajustements. Vous n’aurez pas ce luxe dans le feu de l’action.
Une manifestation peut se diviser en deux temps : la manifestation et « l’affrontement ». Chaque moment produira des photos bien distinctes.
La première partie est toujours plus calme. C’est pendant la manifestation que l’on prend des vues d’ensemble pour montrer l’ampleur du mouvement. C’est aussi le moment idéal pour capter des expressions et faire des portraits serrés. Le seul piège dans lequel il ne faut pas tomber est celui de faire de la promotion pour les manifestants. Le but du photojournaliste est de témoigner des évènements et non de faire passer le message de ses sujets.
C’est généralement à la fin de la manifestation que toute la tension emmagasinée finit par exploser. C’est ce moment qui est le plus intéressant en matière de photos, mais aussi le plus dangereux. Les photos doivent montrer les deux acteurs et leurs interactions. Ce ne sera d’ailleurs pas forcément de la violence.
La postproduction
Une fois la manifestation terminée vient le moment de travailler vos images. La période de postproduction est sûrement la plus simple mais elle peut devenir très facilement pénible pour le photographe si les bons outils ne sont pas utilisés.
La première étape cruciale est d’utiliser un logiciel afin de visionner et trier les fichiers numériques (inutile de préciser que ceux-ci doivent être des Raws). Lightroom / Photoshop arriveront plus tard dans le processus, quand il faudra les traiter.
Pourquoi ne pas utiliser Lightroom pour trier mes photos ? Tout simplement parce que malgré sa rapidité d’utilisation, il n’arrive pas à la cheville de Photo Mechanic pour le tri. Grâce à ce logiciel, vous allez économiser plusieurs heures en évitant les temps de chargement des photos sur les logiciels de traitement. Ces une ou deux secondes par photo ne sont pas dérangeantes sur une petite série de photos. Mais dans le cas d’une manifestation, vous risquez facilement de vous retrouver avec plusieurs centaines d’images et il vous faut un outil afin de les trier rapidement.
Bien sûr, si vous ne disposez que de Lightroom, vous pouvez vous passer de Photo Mechanic, mais sachez que de nombreux photographes professionnels, notamment de sport ou de photojournalisme, utilisent Photo Mechanic car le temps de chargement est un luxe que l’on ne peut pas se permettre. A noter que tout le travail effectué dans Photo Mechanic comme le classement par étoiles est récupéré une fois que vous importez les images dans Lightroom.
Il faut noter que Photo Mechanic n’est pas le seul logiciel de visionnage. Récemment, Perfect Browse a beaucoup fait parler de lui. Les avis sont partagés sur qui est le meilleur, mais il est clair que l’un de ces deux logiciels accélérera grandement votre productivité.
Une fois la sélection terminée et les photos importées, le plus gros du travail est fait. Essayez de garder le traitement aussi constant que possible entre les photos afin de rendre votre travail le plus cohérent possible.
Si vous désirez approcher un média, il est conseillé de garder les photos en couleurs et de ne pas mettre de watermark. En revanche, il ne faut pas envoyer ses photos en haute résolution lors du premier contact.
Nous espérons que ces petites astuces vous aideront à couvrir de prochaines manifestations. Le plus important reste bien entendu votre sens de l’observation pour ne pas vous retrouver dans des situations compliquées.
J’ai couvert les manifestations du 1er mai à Montréal et je partage également mon expérience sur mon blog.