MP #100 : La profondeur de champ

Pour ce centième Mercredi Pratique, nous sommes repartis aux sources en cherchant quels aspects théoriques importants nous n’avions pas encore abordés. Et parmi les grandes notions à maîtriser (vous pouvez réviser nos MP sur vitesse et ouverture, sensibilité, balance des blancs…), il en est une qui revient souvent alors que nous ne l’avons pas traitée à part entière. Il s’agit de la profondeur de champ.

Si vous retrouverez déjà quelques éléments de compréhension dans ces MP, nous avions aussi abordé ce thème en vous expliquant comment calculer facilement votre profondeur de champ. Aujourd’hui nous allons aller plus loin en repartant d’une bonne compréhension de ce qu’est la profondeur de champ mais surtout de comment et quand l’exploiter, avec de nombreux conseils et astuces.

Comprendre la profondeur de champ

La profondeur de champ se définit simplement comme la zone de l’image qualifiée de nette. C’est en général dans cette zone que l’on place le sujet, consciemment ou non.

Le simplement est cependant tout relatif. Si on voit tout de suite la zone nette sur une photo réalisée, la prise de vue peut parfois être un casse tête.  D’un point de vue scientifique, la profondeur de champ est une équation. Les plus forts en mathématiques feront un tour sur Wikipedia pour voir que cette équation est différente en fonction des cas (notamment pour la macrophotographie où le grandissement entre en compte) et impliquent des variables complexes (distance hyperfocale avec en particulier la focale et l’ouverture, distance de mise au point, cercle de confusion…).

Plus concrètement, de nombreux paramètres viennent impacter la profondeur de champ. Voici en résumé les impacts de chaque paramètre (si les autres ne changent pas) :

  • Ouverture : le diaphragme a un rôle majeur sur la profondeur de champ et c’est le critère à retenir impérativement. Plus le diaphragme est grand / ouvert (petite valeur, comme f/2, laissant entrer plus de lumière) et plus la profondeur de champ est faible ; plus le diaphragme est petit / fermé (grande valeur, comme f/16) et plus la profondeur de champ est importante.
  • Distance avec le sujet : plus vous vous éloignez de votre sujet et plus la profondeur de champ augmente ; à l’inverse, en vous rapprochant, vous vous donnez la possibilité de limiter progressivement la zone nette de votre image.
  • Focale : l’impact sur la netteté de l’image est ici indirect. En exploitant les capacités du zoom, nous photographions des images que l’oeil ne pourrait voir que de loin, ne percevant pas le manque de netteté et donc la profondeur de champ réelle. C’est ainsi qu’il faudrait voir le sujet. Mais avec le zoom, notre oeil peut voir ce sujet fortement agrandit : cela diminue mathématiquement la zone de netteté car nous percevons mieux les détails. C’est ce que l’on appelle la distance orthoscopique : nous devrions regarder l’image à une distance supérieure, comme le faisait le photographe avant de zoomer

Un dernier critère plus indirect est important, mais sans entrer réellement dans « l’équation » : la taille du sujet est à prendre en compte lors de votre analyse générale de la scène. Ainsi, plus le sujet est « profond » et plus il vous faudra régler votre appareil pour que tout le sujet soit net.

Comment et quand exploiter la profondeur de champ

Une fois la théorie assimilée, il faut comprendre comment en tant que photographe vous pouvez agir sur la profondeur de champ. En d’autres termes, quels sont les facteurs et les outils pour l’exploiter.

Tout d’abord, l’objectif joue un rôle très important. La focale étant l’un des piliers du calcul de la profondeur de champ, c’est un réglage qui vous sera indispensable pour l’accentuer ou la diminuer en fonction de vos besoins. D’autre part c’est aussi au niveau de l’objectif que vous allez choisir la focale : plus elle sera importante et plus vous diminuerez la profondeur de champ.

Ainsi, nous vous conseillons principalement les objectifs à focale fixe, comme le 50 mm (f/1,8 voir f/1,4) : . Vous pouvez aussi opter pour un téléobjectif : les petits budgets pourront en profiter à condition d’avoir de bonnes conditions de lumière, sinon il faudra investir dans une optique plus haut de gamme, comme le « traditionnel » 70-200 mm à f/2,8.

Ensuite, la distance avec votre sujet doit être pensée en amont : plus vous serez proche et plus vous pourrez diminuer la profondeur de champ. Ainsi, en fonction de  votre image et du sujet, vous pourrez être « obligés » de vous éloigner ou de vous rapprocher pour que votre image ait la profondeur de champ voulue. C’est d’autant plus vrai dans les situations où vous ne pouvez pas changer les autres paramètres, notamment en cas de faible luminosité (diaphragme nécessairement ouvert).

© astragony

Dans la pratique, il y aura deux situations principales dans lesquelles vous pourrez (et devrez !) tirer parti de la profondeur de champ :

  • Le portrait : faire ressortir votre sujet en rendant l’arrière plan flou est exactement ce que permet la profondeur de champ. Avec une grande ouverture par exemple, vous diminuez la profondeur de champ et choisissez que seul le visage sera net. Attention toutefois à ne pas aller trop loin : il ne faut pas avoir le nez ou les oreilles flous !
  • Le paysage : dans la plupart des cas nous cherchons à avoir le plus grand nombre d’éléments nets sur la photo. La profondeur de champ doit alors être maîtrisée, justement pour l’éliminer : il faut qu’elle soit infinie, ou presque. C’est en réglant votre ouverture sur une grande valeur, comme f/16 (diaphragme fermé) que vous pourrez avoir la totalité de l’image nette et une photo de paysage réussie.
© nicholas_t

Dans tous les cas, faites très attention à bien visualiser votre image sur l’ordinateur, en zoomant dans la photo, et ne faites pas confiance à votre écran intégré à l’appareil : une image visualisée sur votre boîtier pourra vous paraître nette alors qu’en réalité un léger flou sera visible une fois la photo à l’écran ou imprimée. Il est cependant possible d’utiliser la fonction sharpening de votre logiciel de retouche pour corriger cela.

Conseils et astuces pour aller plus loin

Avant tout, vous pouvez vous aider d’outils spécialement dédiés au calcul de la profondeur de champ. Il vous suffit alors de remplir certaines données pour que le service vous donne la profondeur de champ exact, soit la distance nette sur votre image. C’est le cas de l’outil DOF Master dont nous vous avions déjà parlé, ou pour les francophones de  l’outil de Galerie Photo.

Il faut aussi utiliser du matériel adapté à votre besoin :

  • grande ouverture pour diminuer la profondeur de champ
  • zoom puissant pour accentuer le flou

Si vous avez un reflex, vous avez probablement un bouton vous permettant de tester la profondeur de champ. Et c’est d’autant plus pratique lorsque vous êtes en train de photographier et ne pouvez pas vous lancer dans des calculs compliqués !

Concernant le diaphragme, ne perdez pas de vue que les optiques sont rarement les plus performantes aux focales extrêmes comme aux ouvertures extrêmes. Ainsi, si vous avez une optique capable d’ouvrir à f/1,8, elle aura souvent plus d’aberrations à f/1,8 qu’à f/4. Si votre priorité est l’ouverture et la profondeur de champ, alors vous pouvez passer outre, mais si au contraire vous voulez la qualité d’image optimale, soyez plus prudent, n’utilisez pas les extrêmes mais cherchez le sweet spot de votre objectif.

La maîtrise de la profondeur de champ est aussi très utile pour la vidéo, notamment avec la démocratisation des reflex possédant un mode vidéo évolué. En pensant en amont à la trajectoire de votre sujet, vous pouvez prévoir votre besoin concernant la profondeur de champ : une fois l’enregistrement lancé, vous n’aurez pas de mauvaise surprise avec un sujet qui devient flou ou un fond qui lui se fait de plus en plus net.

Bien comprendre et gérer la profondeur de champ va aussi vous permettre de gérer deux techniques photos. C’est le cas d’abord du bokeh : avec une profondeur de champ faible, l’arrière plan est rapidement flou. Cet arrière plan peut alors être travaillé ou exploité pour créer un bokeh grâce aux éléments lumineux devenus flous.

D’autre part, vous pourrez plus facilement réussir le tilt shift (effet maquette). Cette technique se base justement sur la profondeur de champ et l’effet qu’elle peut avoir sur une image en la réduisant au maximum. C’est notamment ce que permet l’objectif à bascule : il permet d’incliner l’orientation des lentilles par rapport à la surface sensible du capteur. Cette inclinaison permet un réglage de la mise au point qui ne sera pas la même sur toute la photo. On aura donc par exemple une image nette au centre de la photographie, et un flou sur d’autres endroits de l’image. Vous comprendrez mieux avec cet exemple : sur cette photo prise avec un objectif, on voit que la profondeur de champ est différente entre la droite et la gauche de l’image.

Train

Autre astuce pour facilement modifier la profondeur de champ sans avoir à toucher aux réglages de votre appareil : il suffit d’éloigner le sujet de l’arrière plan ou à l’inverse de rapprocher le sujet de votre appareil. En jouant sur le placement de votre sujet, en travaillant le premier plan flou, le second plan net et le troisième (ou plus) plan flou à nouveau, vous ferez ressortir votre sujet grâce à la profondeur de champ.

Comme toujours avec les MP, nous avons essayé de simplifier le propos sans dénaturer la théorie pure. Le but reste le même : vous permette de mieux comprendre le fonctionnement de la profondeur de champ pour pouvoir l’exploiter concrètement lors de vos shootings. Nous avons hâte de savoir comment vous exploiter cet élément alors n’hésitez pas à compléter nos conseils photographiques.