Interview Sony au Salon de la Photo 2025 : “Le RX1R III est un concept à part”

À l’occasion du Salon de la Photo 2025, nous nous sommes entretenus avec Fabrice Abuaf, Chef de produit senior IP&S chez Sony France. Il revient sur une année marquée par le lancement fructueux de l’A1 II et la solidité des gammes. Il évoque aussi la concurrence croissante des optiques tierces, les attentes autour du futur A7 V et la stratégie d’ouverture de la monture E, entre fidélité des pros et attractivité auprès des nouveaux utilisateurs.

Place à l’interview.

Interview Sony Salon de la Photo 2025

Quelles gammes marchent le mieux ? Quelle part de marché pour Sony France sur le marché des hybrides ?

Nos stars restent aujourd’hui les Alpha 7 IV et Alpha 7 III. Ce sont les boîtiers les plus équilibrés de notre gamme, offrant un bon compromis entre photo, vidéo et budget. Même si ces modèles ne sont pas les plus récents, ils continuent de se vendre extrêmement bien.

Interview Sony Salon de la Photo 2025

À l’étranger, les tendances peuvent différer : en Asie, par exemple, c’est plutôt l’Alpha 7C II qui domine, probablement pour des raisons culturelles et une meilleure adoption du viseur déporté. Quoiqu’il en soit, dans le monde, la gamme A7 IV / A7C II reste la plus forte.

En France, notre part de marché sur le plein format fluctue autour de 35 à 36 %. Mais il faut garder à l’esprit qu’il existe plusieurs façons de mesurer la performance d’une marque selon les sous-segments. Quoiqu’il en soit, notre objectif reste clair : travailler pour être leader.

Quel avenir pour la gamme APS-C qui semble un peu au ralenti chez Sony ?

Nous avons certes une gamme plein format très forte, mais notre gamme APS-C demeure très présente. Notre part de marché reste assez importante, notamment grâce au Sony A6400, qui, même si plus ancien, fonctionne encore très bien. De son côté, l’A6700 fait aussi son trou.

Évidemment, nos boîtiers APS-C ont un concept spécial avec un viseur latéral, alors qu’en Europe, on a tendance à privilégier le viseur central.

Quel impact le contexte économique et politique a-t-il eu sur vos ventes ?

Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions globales. En revanche, lors des périodes d’incertitude politique, comme le changement de gouvernement ou le retard du vote du budget, on a pu constater un ralentissement sur certains projets institutionnels.

Ce genre de situation crée un effet d’attente : les gens repoussent leurs décisions d’achat, que ce soit pour du matériel professionnel ou plus grand public. Mais la confiance revient dès que le cadre économique se stabilise.

On attend beaucoup le Sony A7 V. Comment gérez-vous la frustration des clients ?

Les utilisateurs savent que les produits Sony sont conçus pour durer. L’Alpha 7 IV, malgré son âge relatif, reste un boîtier exceptionnel et figure encore dans le top 5 des ventes.

Il y a évidemment un effet d’attente, un “buzz” autour du successeur, comme pour l’A7S III à son époque. Mais notre philosophie n’est pas de renouveler à tout prix chaque année. Nous construisons des gammes pérennes, avec des innovations majeures à chaque génération. L’Alpha 9 III, par exemple, a marqué une véritable rupture technologique avec son capteur global shutter.

Les constructeurs tiers présentent des optiques AF toujours plus ambitieuses et lumineuses. Comment appréhendez-vous la concurrence de nouveaux acteurs comme Viltrox ou Laowa ?

Depuis l’ouverture de la monture E en 2010, la philosophie de Sony a toujours été d’offrir un maximum de liberté, de possibilités aux utilisateurs. C’est ce qui fait la richesse du système : permettre d’utiliser des optiques Sony, mais aussi celles d’autres fabricants, avec des caractéristiques et des rendus différents.

Interview Sony Salon de la Photo 2025

Cela rend la monture presque universelle. On y voit une opportunité, pas une menace. Plus il y a de choix, plus la monture E s’enrichit.

Que pense Sony de la bague d’adaptation Megadap ETZ21 Pro+ qui permet d’adapter les optiques E sur les hybrides Nikon en monture Z ?

C’est intéressant et même intriguant, c’est un effet qui n’a pu être anticipé par personne. C’est une opportunité de compatibilité. L’écart de tirage mécanique de 2 mm permet cela

C’en est même amusant : il y a pas si longtemps, les photographes qui voulaient passer en Sony utilisaient une bague MC-11 (de Sigma, NDLR) pour sur un boîtier Sony monter une optique reflex. Ça date déjà d’une certaine époque, et avec une autre marque (Canon, NDLR) et maintenant c’est notre parc optique qui est monté sur un autre parc de boîtiers.

On compte à présent plus de 80 optiques « natives » Sony en monture E.

On est observateur, pour l’instant c’est difficile de voir les effets en termes de vente, mais pour nous, si on vend plus d’optiques, c’est toujours intéressant.

Le Sony A1 II est un boîtier au positionnement tarifaire très élevé. Est-il un succès ? Comment vous démarquez-vous sur ce marché pro très concurrentiel ?

Oui, c’est un vrai succès. Dès le lancement, nous avons connu une forte demande et on a tout de suite été en pénurie. Les professionnels qui utilisaient déjà l’Alpha 1 sont nombreux à être passés sur l’A1 II, séduits par son niveau de maturité.

Interview Sony Salon de la Photo 2025

Il a très peu de restrictions d’usage. Quand il propose une fonction, il le fait entièrement. Je pense que les photographes ont ainsi conscience que c’est un boîtier qui va leur permettre de faire plus de choses.

Le positionnement tarifaire peut surprendre, mais il s’explique par la volonté d’offrir une machine sans compromis, pensée pour durer plusieurs années.

La mode est aux caméras pour vidéastes et documentaristes. Que répondez-vous à ceux qui trouvent la FX2 un peu timorée face aux Nikon ZR ou Canon EOS C50 ?

Nous observons attentivement la concurrence, évidemment. Mais nous sommes surtout fiers de la maturité de notre gamme FX, qui a largement inspiré les autres marques.

Interview Sony Salon de la Photo 2025

Certes, on ne va pas offrir une 6K en Open Gate, la FX2 est avant tout un outil de production professionnel : elle mise sur la fiabilité et la cohérence du workflow, plus que sur la course aux spécifications. La plupart des utilisateurs vidéo et broadcast ont bien compris l’intérêt et la logique de cette gamme.

Avez-vous été surpris de l’accueil assez critique réservé au RX1R III ? Comprenez-vous ces reproches, notamment sur le prix ?

Le RX1R III est un concept à part. Les ingénieurs ont tenu à conserver le form factor compact et minimaliste du RX1R original. Ce choix implique forcément des compromis, mais il correspond à l’ADN du produit : un boîtier de poche, à la fois haut de gamme et singulier.

Son optique Zeiss 35 mm f/2 garde beaucoup de charme, avec ce rendu légèrement vignetté que certains adorent. On a sans doute mal habitué les utilisateurs à toujours attendre une netteté absolue dès la pleine ouverture. Là, on est dans une démarche plus argentique.

Quant au prix, il est vrai qu’à 4 900 €, c’est un produit de niche. Mais il y a eu de nombreuses commandes, preuve qu’il répond à une vraie attente.

Devant le succès des compacts experts, peut-on envisager un successeur au RX100 VII — et qui ne soit pas un boîtier vlog ?

Je n’ai aucune information à ce sujet.

Le FE 100 mm f/2,8 Macro GM OSS marque le retour de Sony sur la macro après presque 10 ans d’absence. Qu’est-ce qui a motivé ce développement ?

Chez Sony, chaque nouvelle optique vise à repousser les limites de la technologie, les ingénieurs travaillent à proposer un objectif sans concession. Le Sony FE 100 mm f/2,8 Macro GM OSS bénéficie de toutes nos dernières avancées en stabilisation, en motorisation et en formule optique.

Ce 100 mm vient remplacer un 90 mm Macro qui n’était plus tout jeune. Cette nouvelle version franchit un cap en termes de précision et de compatibilité avec les doubleurs de focale. C’est une optique sans compromis.

Sony manque-t-il d’un boîtier “à tout faire”, aussi bon en photo qu’en vidéo ? Les gammes ne sont-elles pas trop cloisonnées ?

C’est une question récurrente. L’Alpha 7 IV reste l’un des boîtiers les plus polyvalents du marché, et nos concurrents le reconnaissent.

Oui, il existe des cycles technologiques : on ne peut pas sortir tous les produits en même temps avec les mêmes caractéristiques. Chacun son tour, en quelque sorte.

Notre stratégie n’est pas de brouiller les lignes, mais de proposer des gammes cohérentes où chaque produit a un positionnement clair. L’A7 IV reste un très bon équilibre entre photo et vidéo.


Merci à Fabrice Abuaf d’avoir répondu nos questions. Nous tenons également à remercier l’équipe de Sony France pour cette interview.

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