La petite fille au Napalm
8 juin 1972, Vietnam – © Nick Ut

« La Petite Fille au Napalm » : une controverse secoue le monde de la photo

Un documentaire présenté au Sundance Festival 2025 remet en cause l’attribution de la célèbre photo La Petite Fille au Napalm à Nick Ut. Selon The Stringer, le véritable auteur serait Nguyen Thanh Nghe, un photographe pigiste vietnamien. Associated Press défend fermement son photographe face à cette controverse⁠.

La petite fille au Napalm
La Petite Fille au Napalm – 8 juin 1972, Vietnam © Nick Ut

La photographie emblématique La Petite Fille au Napalm (The Terror of War en anglais), prise lors de la guerre du Vietnam, est une image qui a marqué l’histoire. Capturée le 8 juin 1972, elle montre Kim Phuc, alors âgée de 9 ans, courant nue et en larmes après avoir été gravement brûlée par un bombardement au napalm sur le village de Trang Bang dans le Sud-Vietnam. Cette photo, devenue un symbole des atrocités de la guerre, a contribué à changer l’opinion publique mondiale sur le conflit vietnamien. Cependant, une récente polémique remet en question l’attribution de cette œuvre à Nick Ut, photographe de l’agence Associated Press (AP).

The Stringer : une bombe au Sundance Festival

Présenté au Sundance Festival en janvier 2025, le documentaire The Stringer affirme que Nick Ut n’est pas le véritable auteur de cette photo mondialement connue. Selon le film, elle aurait été prise par Nguyen Thanh Nghe, un photographe pigiste vietnamien qui travaillait comme chauffeur pour NBC le jour du bombardement. Cette révélation s’appuie sur les témoignages de Carl Robinson, ancien éditeur photo d’Associated Press à Saigon, et de Nguyen Thanh Nghe lui-même.

Robinson a déclaré dans le documentaire : « Horst Faas, alors directeur de la photographie chez AP, a donné l’ordre d’attribuer la photo à Nick Ut. Cette décision visait à protéger les intérêts de l’agence. » Ces accusations mettent directement en cause la réputation de l’agence et de son photographe vedette, récompensé du Prix Pulitzer et du World Press Photo of the Year en 1973 pour cette image.

Les preuves avancées par le film

Les réalisateurs de The Stringer se basent sur plusieurs éléments pour étayer leurs allégations. Tout d’abord, des témoignages directs : Carl Robinson et Nguyen Thanh Nghe soutiennent que la photo a été prise par ce dernier.

D’autre part, une enquête réalisée par l’organisation non gouvernementale française INDEX conclut qu’il était « hautement improbable » que Nick Ut ait été en position de capturer cette image, compte tenu de sa situation.

Enfin, le documentaire analyse des séquences vidéo et des photographies prises ce jour-là, suggérant que l’angle de prise de vue ne correspond pas à celui habituellement adopté par Nick Ut.

Cependant, ces éléments ont été contestés par plusieurs experts, notamment par l’équipe d’Associated Press, qui insiste sur l’absence de preuves irréfutables.

La réponse d’Associated Press

Associated Press (AP) déclare avoir mené une enquête approfondie sur les allégations du film The Stringer concernant la photo, mais déplore que les réalisateurs aient refusé de partager leurs preuves sans imposer des restrictions telles qu’un accord de confidentialité. AP réfute les affirmations du film selon lesquelles elle aurait ignoré les preuves et affirme n’avoir rien vu à ce jour qui remette en cause l’attribution de la photo à Nick Ut.

AP réaffirme sa volonté d’examiner toute nouvelle preuve, notamment l’analyse d’INDEX et les témoignages clés, à condition que les restrictions imposées par les réalisateurs soient levées. L’agence insiste sur son engagement envers la vérité et le respect des faits historiques, tout en saluant le rôle essentiel des journalistes locaux.

Nick Ut, désormais âgé de 74 ans, conteste également ces affirmations. Son avocat, James Hornstein, a annoncé une action en diffamation contre les réalisateurs du documentaire. « Cette attaque injustifiée ne repose sur aucune preuve tangible », a déclaré Hornstein lors d’une conférence de presse.

Un débat plus large : histoire, éthique et propriété intellectuelle

Cette controverse dépasse la simple question de l’attribution d’une photo. Elle soulève des questions essentielles sur l’intégrité journalistique et la manière dont l’histoire est documentée. Si les affirmations du documentaire sont avérées, elles pourraient bouleverser la perception publique de l’un des clichés les plus célèbres du XXe siècle.

De plus, cette affaire ravive les débats sur la représentation de la souffrance et de la nudité dans les médias. En 2016, cette même photo avait été censurée par Facebook en raison de la nudité de Kim Phuc, avant que le réseau social ne revienne sur sa décision face à une indignation mondiale.

Malgré la controverse, l’impact de cette photographie reste incontestable. Elle a non seulement joué un rôle clé dans la mobilisation contre la guerre du Vietnam, mais elle a également influencé la façon dont les conflits armés sont couverts par les médias. Kim Phuc, aujourd’hui ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO, continue de témoigner des horreurs de la guerre tout en prônant la paix.