Rapport Statista sur le marché de la photo : après l’effondrement, une situation plus nuancée qu’il n’y paraît

L’appareil photo numérique est-il une espèce en voie de disparition ? C’est ce que semble indiquer un récent rapport de l’organisme de recherche statistique Statista. Citant les chiffres CIPA, il pointe une nouvelle fois l’effondrement des ventes de boîtiers photo.

Sommes-nous réellement en train d’assister à la lente disparition des appareils photo – toutes catégories de boîtiers confondues ? Le smartphone et l’appareil photo « classique » doivent-ils encore être opposés ? Phototrend fait le point.

L’érosion des ventes d’appareils photo depuis 2010

La plupart des observateurs du marché de la photo le confirment : celui-ci est loin d’être aussi florissant qu’au début du nouveau millénaire. En 2010, 120 millions d’appareils photo avaient été expédiés dans le monde, toutes marques confondues. En 2021, ce chiffre avait fondu à seulement… 9 millions.

Un point que met nettement en exergue l’étude de Statista publiée le 19 août 2024. Un segment a été littéralement balayé à partir de 2010 : celui des appareils photo compacts grand public. Cette catégorie d’appareils a aujourd’hui presque totalement disparu – à l’exception de quelques modèles vendus aux alentours de 100 €.

Un taux d’équipement des ménages en net recul partout dans le monde

Le second rapport publié par Statista n’est guère plus brillant. En effet, il montre un net recul du nombre de foyers possédant un appareil photo numérique sur la période 2023/2024 – par rapport à 2018/2019.

Plusieurs points sont intéressants à noter. D’une part, le recul semble particulièrement prononcé aux États-Unis, où le nombre de foyers équipés passe de 55 % en 2018/2019 à 32 % en 2023/2024. Pire encore, au Japon, patrie de (quasiment) tous les constructeurs photo, le taux d’équipement est passé de 50 % à seulement 33 %. En France, le recul est un poil moins prononcé, passant de 58 % en 2018/2019 à 39 % en 2023/2024.

Les hybrides (et reflex) tiennent bon

Fournis par la Camera & Imaging Products Association (CIPA), ces chiffres peuvent laisser un goût amer. D’autant que le marché actuel s’avère moins important qu’en 2019 (en volume). Il paraît ainsi se stabiliser (toujours en volume) au niveau de la fin des années 1970.

Pour autant, la spécialisation du marché est l’un des éléments les plus notables. Oui, les ventes d’appareils « point-and-shoot » se sont littéralement effondrées après la démocratisation de l’iPhone (et des autres smartphones) vers 2010. Mais le segment des boîtiers à objectif interchangeable, de son côté, a réussi à renouer – certes lentement – avec la croissance. En volume, les livraisons d’appareils photo à objectif interchangeable ont enregistré une légère hausse de 1,2 % en 2023 – et de 10,8 % en 2022 !

Rapport CIPA 2024 : malgré des prévisions peu optimistes, le marché de la photo a enregistré une légère croissance en 2023.

Une croissance en valeur

La croissance du marché en valeurs (et non pas en volume) est sans doute l’indicateur le plus intéressant à étudier. Et c’est hélas celui laissé de côté par l’étude de Statista.

Car si le nombre total d’appareils photo à objectif interchangeable (reflex et hybrides) augmente légèrement, leur valeur progresse bien plus rapidement. Et les chiffres de la CIPA présentés en février dernier lors du CP+ 2024 sont éclairants. Les reflex et hybrides représentent 78 % du volume total des expéditions… et 89 % de la valeur !

Marché de la photo 2024

Ainsi, le marché de la photographie se transforme en un marché de niche de plus en plus spécialisé. Signe des temps : les consommateurs intéressés par les appareils photo sont davantage prêts à investir un budget plus élevé pour leur hybride et leurs objectifs.

De même, la plupart des constructeurs ont opéré un net virage stratégique vers le haut de gamme. Un point qui vient se confirmer avec les hybrides plein format, dont le ticket d’entrée est généralement aux alentours des 1800 €.

En outre, le marché est porté par la bonne santé du marché des objectifs. Certes, le nombre d’unités écoulées a baissé de 0,9 % en 2023, indique la CIPA. Mais l’association note que pour chaque boîtier expédié, environ 1,6 objectif a également été livré. Signe que les utilisateurs de boîtiers à objectif interchangeable sont prêts à investir dans une ou plusieurs optiques supplémentaires pour leur boîtier.

Les compacts experts s’envolent

Si les point-and-shoot ont certainement connu des jours meilleurs, les compacts experts, quant à eux, n’en finissent pas de grimper. Le marché s’étant fortement resserré autour de références premium, comme nous le notions en février dernier.

Marché de la photo 2024

Le succès rencontré par des modèles comme le Fujifilm X100VI – mais aussi par les Ricoh GR III et Leica Q3 contribue ainsi doper la croissance de ce segment qui, en parallèle des hybrides, semble attirer de nombreux photographes amateurs ou professionnels.

Les prosumers, vrai levier de croissance pour le marché de la photo ?

Ce virage vers le haut de gamme s’explique par plusieurs éléments. D’une part, la majorité des consommateurs se contente de la qualité d’image de leur smartphone. Et ce dernier est toujours dans la poche, prêt à déclencher. Aussi, seuls les professionnels de l’image et les amateurs éclairés continuent d’investir dans un boîtier « classique ».

Marché de la photo 2024

À ce titre, la catégorie des prosumers est très intéressante à étudier. Ces derniers utilisent encore un « vrai » boîtier photo, car ils recherchent une qualité d’image supérieure à celle de leur smartphone. En outre, on note la part croissante de la vidéo sur le marché des boîtiers photo. À la clef, pour les pros, comme les amateurs, la recherche de séquences toujours plus cinématographiques.

Il s’agit généralement d’une population éduquée à l’image, disposant d’un certain bagage technique, capable (et même désireuse) de peaufiner les réglages de prise de vue. Elle est a priori plus disposée à dépenser davantage pour capturer des images… qui se rapprochent parfois de celles des professionnels. Certains domaines comme le sport ou l’animalier restant exclusivement (ou presque) accessibles avec des appareils traditionnels.

Cette montée en gamme n’est donc pas près de s’arrêter. Comme indiqué plus haut, le cœur de l’offre de Canon (EOS R6 II), Nikon (Z6 III) et Sony (A7 IV) étant basé sur des boîtiers plein format qui dépassent la barre des 2000 €, s’approchant même des 3000 € !

Le smartphone, meilleure porte d’entrée vers l’univers de la photographie ?

Aussi bons soient-ils, ces chiffres du marché de la photo ne peuvent masquer l’écart (abyssal) entre le nombre de boîtiers photo vendus… par rapport à celui des smartphones (7,72 millions vs… 1,14 milliard d’unités). Mais on n’achète pas un terminal mobile que pour faire des photos, loin de là !

De plus, un signal positif vient de la part croissante d’utilisateurs de smartphones se tournant vers un boîtier photo dédié. « Un grand nombre de personnes sont devenues des photographes chevronnés avec un smartphone. Ainsi, les boîtiers numériques à objectif interchangeable viennent catalyser cette volonté de capturer de meilleures photos, et des clichés qu’ils ne pouvaient pas prendre auparavant », indique une étude de la CIPA dévoilée lors du CP+ 2023.

Marché de la photo 2024
L’évolution de la photographie en trois étapes majeures

Nombreux sont les photographes à mettre en exergue la qualité des clichés que leur boîtier leur permet d’obtenir (comparé à un smartphone). À tel point que même des influenceurs sur Instagram tendent à privilégier un « vrai » boîtier pour obtenir des photos/vidéos au rendu plus naturel… et perçu comme « plus qualitatif » par les internautes.

Et si l’opposition « appareil photo vs smartphone » n’avait plus lieu d’être ?

En conclusion : oui, les smartphones ont balayé les appareils compacts « grand public » – au point que ces derniers ont quasiment disparu. Pour autant, le marché de la photographie a su s’adapter et résister. Porté par les professionnels et les amateurs éclairés, il a connu une vraie montée en gamme – incarnée par l’arrivée des hybrides plein format et l’engouement rencontré pour les compacts experts.

Certes, les acheteurs d’appareils photo sont moins nombreux que dans les années 2000… Mais ils connaissent davantage les atouts des boîtiers actuels – et sont plus disposés à dépenser plus pour s’équiper. Ce que les constructeurs ont bien compris – quitte à parfois abandonner l’entrée de gamme…

Marché de la photo 2024
L’hybride abordable, un spécimen (hélas) devenu assez rare sur le marché de la photo

Si l’on regarde la photo avec un brin d’optimisme, le marché fait preuve d’un certain dynamisme. D’autant plus qu’il n’a jamais été aussi facile d’utiliser son boîtier photo en complément de son smartphone.

Grâce à une connectivité améliorée, on peut ainsi transférer très facilement ses photos vers son smartphone, importer des presets à son boîtier (ou des LUTs comme avec le Panasonic Lumix S9), ou encore diffuser en live sur Twitch, YouTube ou Instagram. Comme nous le notions déjà en 2022, l’appareil photo peut devenir une nouvelle porte d’entrée pour la prochaine génération de créateurs de contenu.

Secrétaire général de la rédaction

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  1. Si on comptait chaque smartphone vendu « exclusivement » pour sa qualité photo/vidéo, on remarquerait que le marché ne s’est jamais effondré, au contraire! Autour de moi les gens qui s’achètent un smartphone récent ne le ferait pas s’il n’y gagnait pas en photo/video. Maintenant que la qualité stagne (en tout cas sur le capteur/objectif principal, équivalent 23-26mm), les constructeurs améliorent les capteurs secondaires et commencent à compter sur l’ia. On assiste déjà à une montée en gamme (comme on l’a vu sur les hybrides) qui sert/servira à compenser la future baisse du volume de vente en neuf.

  2. Premièrement, le numérique est trop cher, trop fragile et la durée de vie sur le marché. Trop courte. Par équivalence sur l’argentique,  » il n’y pas photo ». Des boitiers mécaniques des années 60 et 70 fonctionnent impeccablement. Et s’il y avait des appareils prestigieux plus recherchés et plus chers, le remplacement des piles au mercure au milieu des années 70 en faveur de l’oxyde d’argent s’est accompagné du lancement de boitiers et objectifs plus abordables et simples par de nombreux fabricants indépendants.
    Mais ce qui nuit le plus au numérique ( maints photographes amateurs argentiques ne sont pas passés au numérique) sont les raisons suivantes :
    La photo argentique c’était l’opto-electronique et la magie de la chimie de labo et du tirage. Et pas de l’infographie et de l’informatique, domaines difficiles à appréhender.
    Il n’y a plus de filières réelles de travaux photographiques. C’est un peu le système D. D’un côté, une pléthore de matériel et de l’autre une indigence de possibilités.
    D’autre part scanners et imprimantes fournissent des épreuves hors de prix avec des consommables du même acabit.
    Enfin, le numérique en favorisant des provisions de prises de vues a dequalifie le rôle et la technicité des opérateurs.
    Plus difficile de faire LA bonne photo avec une pellicule de 24 vues sans grande latitude de pause qu’avec un reflex numérique bourré de programmes et une carte SD de 36 Mo!
    Conclusion : le marché de la photo, c’est le serpent qui s’avale lui même !

  3. Ce sont les fabricants qui tuent leurs propre poule aux œufs d’or en s’attachant davantage aux marchés de niche qu’aux vrais passionné(e)s de photographie – la vraie – que nous a déjà vendue Nikon sous forme d’imposture…

    Nous n’avons pas besoin de tous ces bolides de compétition qui valent souvent le prix d’une automobile quand on les habille avec les optiques dédiées.

    Avec un modeste compact ou un argentique on peut être tout aussi créatif qu’en utilisant un appareil coûtant un bras et qui trop souvent produit des images « toiles cirées » car la majorité des utilisateurs ne savent pas développer…

  4. La seule chose pour moi à retenir de cet article c’est que pour survivre les fabricants augmentent leurs tarifs et essayent de nous faire croire comme le pense si bien le naïf auteur de l’article qu’il y a une montée en gamme. Mais on en a plus vraiment besoin de cette soit disant montée en gamme qui ne s’attaque qu’à notre porte monnaie,si on est assez naïf pour penser que les appareils photos de maintenant nous feront faire de meilleurs photos alors nous sommes les bons pigeons des fabricants. Les appareils photos non plus besoin d’évolution, un peut sur la gestion des Iso et des meilleurs objectifs(et oui c’est par la que passe une belle photo). Mais arrêtez avec la vidéo à tout va sur les appareils photos, pour ça on achète une caméra ou un caméscope, y en marre. Enfin moi maintenant c’est tout en occase et ça me va super bien, c’est pas cher et les autres payent pour moi.

  5. Les clients veulent faire des photos, rapidement et sans tracas: avantage smartphone.
    Il y a surement une logique de coûts et d’utilisation subséquente. Quand un smartphone coûte aussi cher qu’un boitier d’entrée de gamme pourquoi je doublerais le budget? Et pour faire quoi, publier sur Internet, Instagram etc. Si je veux augmenter, juste un peu, la qualité de mes photos, un APSC fait l’affaire mais il faut y aller en Jpeg pas en Raw car le dernier format doit être post-traité, trop long, trop compliqué, trop de chose à maitriser.
    Avantage, portabilité et surtout on fait tout avec un appareil qu’on a déjà en permanence dans les mains.