Le Centquatre accueille le festival Circulation(s) pour sa quatorzième édition jusqu’au 2 juin 2024. Quatorze artistes sur 2000 m2 : l’ampleur et la qualité de ce festival de photographie contemporaine ne décroissent pas d’année en année, avec toujours cette forte attention portée aux évolutions esthétiques et politiques de la pratique.
Malgré la grande diversité des projets présentés, tous répondent à la même exigence de refléter les bouleversements, préoccupations et engagements de la scène artistique contemporaine, portés par un collectif de huit commissaires d’exposition. Avec Circulation(s), la photographie se pense et se repense, s’ouvre aux autres médiums – littérature, cinéma, performance – et tire ses inspirations à partir de sources multiples et variées – populaires comme historiques, intimes ou universelles.
Sans doute cette forte porosité aux autres arts et l’absence de réticence des artistes à expérimenter mettent ce festival à l’avant-garde de la photographie contemporaine. N’oublions pas en ce sens les thématiques abordées, où le politique s’inscrit indubitablement dans le personnel et le collectif et se développe de multiples façons.
Comme l’année dernière, nous avons sélectionné 3 projets parmi les 14 artistes exposés au Centquatre ; à vous de rendre visite à Circulation(s) pour découvrir les 11 autres.
Glauco Canalis : The Darker the Night, the Brighter the Stars
Le travail photographique de Glauco Canalis s’inscrit nettement dans un esprit de protestation et de révolte. Avec The Darker the Night, the Brighter the Stars (Plus la nuit est sombre, plus les étoiles brillent en français), le photographe italien a suivi la jeunesse du quartier napolitain de Torretta durant une fête traditionnelle bien particulière : le Cippo di Sant’Antonio.
À l’origine, une coutume païenne qui marquait le passage vers une nouvelle année ; aujourd’hui, cette fête est devenue le théâtre de jeux dangereux où s’affrontent gangs rivaux de ce quartier populaire. Glauco Canalis s’est attaché à dépeindre tout l’aspect rituel et spectaculaire (au sens propre du terme) de ce moment unique dans l’année, à travers tous les codes et dans leur aspect autoparodique notamment.
Derrière la façade des masculinités exacerbées des protagonistes – tous âgés entre 6 et 16 ans – se détache une certaine fragilité propre à cet âge et à l’environnement difficile dans lequel ils évoluent. Glauco Canalis ne fait pas dans la concession ou la facilité : violence et sensibilité sont présentées comme voisins, dans des tirages équivalents, sans pour autant faire de l’angélisme réducteur. À ce titre, les vidéos prises à l’iPhone et présentées sur des écrans verticaux en milieu de son espace d’exposition sont tout à fait évocateurs pour soutenir son propos, tout en nuances.
Tom Kleinberg : Forgotten in the Dark
Tom Kleinberg a exploré l’univers nocturne des ballroom avec Forgotten in the Dark ; face au constat, il n’hésite pas à utiliser le flash, justement, pour éclairer au plus possible les personnes qu’il photographie. Oubliés dans l’obscurité ? De qui s’agit-il ? À l’origine un mouvement créé par et pour les personnes LGBT+ issues des communautés noires et latinos à New York dans les années 1980, la culture ballroom s’est ensuite exportée pour être rapidement réappropriée dans des scènes nouvelles ou existantes à travers le monde.
Sans doute fallait-il pour Tom Kleinberg mettre en lumière ces communautés souvent reléguées à la nuit, marginalisées et opprimées. C’est pourquoi il a documenté les espaces ballroom de Séoul et de Paris et les personnes qui les traversent, dans des portraits saisissants ou des scènes de danse caractéristiques.
Sa série photographique vient brillamment se rajouter aux récentes mises en lumière de la culture ballroom, de ses origines et de sa pratique actuelle, notamment en littérature et au cinéma (voir à ce sujet la série Pose qui retrace avec précision les enjeux politiques de l’histoire ballroom dans le New York des années 1980).
Jérémy Appert : Ilinx
Finissons ce rapide tour d’horizon du festival Circulation(s) avec le travail de Jérémy Appert. À nouveau, il est question de jeunesse, et d’une jeunesse qui veut repousser les limites. Ici, c’est un rituel initiatique typiquement marseillais dont il s’agit, celui de sauter dans la mer du haut de la corniche, le plus haut possible, quelles qu’en soient les conséquences. Tantôt décriée, tantôt encouragée voire valorisée, cette pratique est devenue presque emblématique de la ville, jusque dans la culture populaire.
Jérémy Appert s’empare de ce sujet, peut-être pour faire une métaphore de la capacité libératrice de ces sauts à haut risque, pour une jeunesse à l’avenir incertain. Contrôle et extase sont constitutifs et transparaissent à-même ses images, à l’esthétique précise et maîtrisée ; une recherche autant visuelle que personnelle, c’est certain.
Il vous reste à (re)découvrir encore 11 artistes sur les 14 exposés au Centquatre jusqu’au 2 juin 2024, dans un festival placé sous l’égide de la fluidité, de la diversité et de l’engagement politique.
Informations pratiques :
Circulation(s) 2024
Centquatre Paris
Du 6 avril au 2 juin 2024
5 rue Curial, 75019 Paris
du mardi au vendredi de 12h à 19h
week-ends et jours fériés de 11h à 19h
Plein tarif : 6 € (tarif réduit : 3 €)