Jusqu’au 7 janvier 2024, le public londonien a l’opportunité découvrir l’excellente rétrospective offerte par la Hayward Gallery à Hiroshi Sugimoto, artiste internationalement célébré pour sa contribution unique à la photographie contemporaine. Hiroshi Sugimoto : Time Machine, plus grande exposition consacrée à l’artiste japonais, met en lumière cinq décennies de création au service d’une photographie subversive d’une époustouflante méticulosité.




L’appareil, machine temporelle
Les séries phares ayant valu au photographe sa notoriété sont mises en perspective avec des œuvres plus confidentielles. L’exposition offre une occasion rare de plonger dans l’univers du photographe et de partager ses interrogations philosophiques sur l’image, la mémoire mais aussi sur les sciences optiques ou les mathématiques. En jouant avec les codes du documentaire et de la fiction, Hiroshi Sugimoto s’est constitué un portfolio absolument unique.
Modeler l’espace, le temps et la lumière est aux fondements de l’approche d’Hiroshi Sugimoto. L’élégance de ses compositions en noir et blanc et le soin minutieux apporté à chaque détail confèrent à bien des tirages, développés à la main par le photographe lui-même, une dimension contemplative.
L’appareil photo est une machine temporelle capable de rendre le temps perceptible… L’appareil peut capturer bien plus qu’un moment, il a le pouvoir de capturer l’histoire, le temps géologique, le concept d’éternité, l’essence du temps elle-même…
Hiroshi Sugimoto
Hiroshi Sugimoto : s’oublier devant la puissance de la nature
L’exposition s’ouvre par les dioramas façonnés par l’artiste depuis le milieu des années 70. Devant son objectif, les animaux naturalisés placés par les musées d’histoire naturelle devant des fresques représentant leur milieu d’origine deviennent plus vrais que nature. Au réalisme des images se substitue rapidement la théâtralité des mises en scène.

Si certaines de ces scènes naturalistes invitent le public à s’y oublier, ce sont les seascapes du photographe qui offrent l’expérience d’observation la plus pure. Ces images monochromes où mer et ciel se rencontrent, sans qu’aucun élément d’origine naturelle ou humaine ne viennent perturber le regard, sont d’une grande puissance poétique. Toute notion de temps disparait faisant de ces images les scènes probablement les plus proches de ce que pouvaient observer les Hommes des origines.

Figer temps et mouvements
Hiroshi Sugimoto : Time Machine présente évidemment les images capturées par le photographe en pose longue devant les drive-in et salles de cinémas d’époque. Chaque film diffusé face à son appareil devient une expérience cinématographique compressée en une seule image fixe. Dans l’immensité de l’espace d’exposition, ces tirages semblent littéralement irradier.
Peut-être moins connus, sont ensuite exposés les portraits photographiés par Hiroshi Sugimoto d’après les figures de cire de personnages historiques et célébrités exposés au musée de Madame Tussauds. 500 années d’histoire défilent dans une même série de portraits alors qu’Anne Bollène, Lady Diana, Napoléon, Oscar Wilde ou Salvador Dali sont photographiés avec un réalisme troublant.

Interrogeant à la fois la face sombre de l’Homme et notre goût pour l’effroi, le photographe rejoue à l’aide d’autres mannequins de cire des scènes de meurtre célèbres et des exécutions historiques dans sa chambre des horreurs.

Hiroshi Sugimoto, artiste et scientifique
D’autres facettes de son travail lui permettent d’explorer le lien entre architecture et photographie, ici encore pour mieux abolir toute temporalité. En faussant volontairement la mise au point de son appareil, le photographe japonais saisit les constructions modernistes les plus célèbres dont le profil demeure reconnaissable. Tour Eiffel, tours du World Trade Center ou Chrysler Building sont immortalisés pour revenir à l’essence de leur forme autant qu’incarner une architecture de fin du monde.

Ce travail autour de la forme se poursuit avec une série de photographies dédiées aux objets mathématiques. Des formes conceptuelles pures et sculpturales qu’Hiroshi Sugimoto est allé jusqu’à façonner à grande échelle.

Avec Opticks, le photographe plonge dans la couleur en s’inspirant autant des recherches de Newton que des toiles de Rothko. La lumière réfractée donne, ici encore, aux œuvres une dimension profondément immersive.

La lumière encore, avec Lightning Fields : une série initiée en 2006 qui permet à Hiroshi Sugimoto d’explorer les recherches scientifiques tout en revenant aux origines de la photographie. Ce qui semble être des prises de vue réalisées au cœur d’un orage sont en fait des images générées sans aucun appareil photo. Hiroshi Sugimoto les a façonnées à partir de papier photosensibilisé exposé aux impulsions d’un générateur Van der Graff.

Réunissant science et spiritualité avec la minutie qui est la sienne, l’artiste invite enfin le public londonien à pénétrer dans un temple Kyotoïte du 12e siècle. Pour Sea of Buddhas, les 1001 statues de bouddhas exposées ont été photographiées avec un dévouement quasi religieux.

Poète photographe tout autant que mathématicien, Hiroshi Sugimoto est un artiste complet. L’exposition Hiroshi Sugimoto : Time Machine organisé au Southbank Centre par la Hayward Gallery surprendra même les amateurs les plus avertis de l’œuvre du photographe japonais.
Informations pratiques :
Hiroshi Sugimoto : Time Machine
Hayward Gallery
Belvedere Road, London SE1 8XX
Du 11 octobre au 7 janvier 2024
Tarif : 18 £