Interview de Marianne Chandernagor, nouvelle Directrice du Salon de la Photo : « on cherche à faire vivre une expérience »

Le Salon de la Photo 2023 s’est tenu récemment à La Grande Halle de La Villette. L’événement, qui réunissait tous les passionnés et professionnels de l’image, a vu une fréquentation en hausse, tant en termes d’exposants que de visiteurs. Nous avons eu l’occasion d’interviewer Marianne Chandernagor, nouvelle Directrice du Salon de la Photo chez Comexposium pour aborder la stratégie et les nouveautés du Salon. Place à l’interview.

Le Salon de la Photo lance sa 2e édition à La Villette. Quelle est votre première impression ?

Le salon est venu s’installer à la Grande Halle de La Villette l’année dernière. Il a été très bien perçu. Cette édition est la confirmation que ça a été un bon choix stratégique de changer de lieu.

Je trouve que l’endroit s’y prête complètement et est en phase avec la dimension que l’on veut donner à l’événement.

C’est un salon à la fois de présentation du matériel, de pratiques photographiques, donc d’expériences, de tests, et aussi avec une offre culturelle renouvelée.

Petite nouveauté cette année également, cette extension avec la restauration à l’extérieur sous ce péristyle, qui permet d’apporter un aspect un peu festif, convivial à l’événement.

C’est aussi un lieu qui nous permet d’envisager, à moyenne échéance, de pouvoir s’agrandir à l’extérieur, tout en étant protégé. Cela nous donne une belle perspective.

Cette année, de nombreux produits ont été présentés comme World Premiere, c’est la première fois qu’il y a un macaron World Premiere sur le Salon ?

Oui, exactement.

En quoi est-ce important pour le Salon ?

Pour le public, le Salon est souvent synonyme de nouveautés, d’innovations ; c’est un peu un observatoire de ce que va être le marché de demain.

Des innovations, il y en a sur le Salon, il y en a toujours eu. Pour nous, c’était important de les rendre un peu plus visibles. C’est un partenariat avec le salon CP+ au Japon, qui dispose déjà de ce label World Premiere.

Nous avons presque 35 produits qui ont été déclarés World Premiere : ce sont des produits qui ont été annoncés depuis le 1er juillet dernier.

Nous avons ensuite signalé ces produits au travers de petits stickers sur les différents stands des exposants. Nous avons fait un parcours World Premiere accessible sur notre site internet, où l ‘on peut filtrer pour voir les produits et les stands.

Quelles sont les grandes nouveautés de cette édition ?

Cette année, nous avons un positionnement un peu plus affirmé et une ouverture à la vidéo, qui est quelque chose que l’on va poursuivre sur les prochaines années.

C’est une première étape : on a déjà fait évoluer la signature du salon, qui est toujours le Salon de la Photo, mais notre crédo est désormais « photographier, filmer, créer ».

On sait d’ailleurs, dans les enquêtes que l’on mène sur les pratiques en photo, que beaucoup de photographes font déjà de la vidéo, et encore plus chez un public jeune.

Je trouve toujours intéressant de regarder les comportements et les attentes des moins de 30 ans, pour ne pas laisser passer le mouvement et savoir vers quoi il faut aller.

Cette ouverture à la vidéo s’est pour l’instant limitée à des conférences, notamment de créateurs de contenu, et on poussera peut-être un peu plus loin l’année prochaine avec du matériel vidéo ou peut-être même une expo vidéo.

Nous avons aussi voulu amener encore plus d’offres culturelles : en plus de notre grande exposition plus classique, on a des expositions avec Photo Days, avec Montier Festival, qui sont effectivement des nouvelles choses pour occuper toutes les mezzanines de la Villette.

Et puis après, nous avions vraiment la volonté cette année de faire revenir les accessoiristes. C’était dans la feuille de route, à la fois demandée par les marques et la clientèle. C’est un point très positif pour le salon et dans la réussite de cette édition.

Justement, l’an dernier, l’absence des accessoiristes s’était fait sentir. En quoi est-ce important pour le Salon ?

Ce qui est important sur le Salon, c’est qu’on traite toute la chaîne de besoins du public. Il va venir pour tester en conditions réelles son matériel, acheter les accessoires qui vont avec, prendre des conseils auprès de photographes, et c’est vrai qu’on a été très challengés l’année dernière sur le fait que les accessoiristes n’étaient pas là, et qu’il fallait le retour de ces derniers.

Il y avait peut-être une petite appréhension de leur part, puisque c’était une première édition post-Covid dans ce nouveau lieu. Comme cela s’est bien passé l’an dernier, je crois que le bouche à oreille a été bon, et ils se sont dit : « on peut revenir ». Cela nous semble très important, et je pense qu’on peut encore développer cette partie-là pour les années à venir.

Il reste de la place en termes de stand ?

Oui, il reste encore de la place. On peut encore faire des choses sur les mezzanines, on peut aussi réfléchir à peut-être mettre certaines expos à l’extérieur, pourquoi pas, pour garder de la surface intérieure pour du stand. Ce sont des choses qui sont envisageables, c’est ce que nous permet le lieu.

J’imagine aussi que cette seconde édition, qui est plus ambitieuse, est aussi plus importante. Est-ce que vous avez ramené à la hausse vos objectifs par rapport à l’année dernière ?

Oui, évidemment. On n’avait pas beaucoup d’objectifs l’année dernière, parce que c’était un peu une feuille blanche. Mais depuis le bilan de l’année dernière, on s’est fixé des objectifs très ambitieux, on voulait augmenter de 30% la surface de stand du salon. On y est, à peu de choses près.

En parallèle, on s’est fixé comme objectif d’augmenter de 25% la fréquentation. Il est un peu tôt pour en parler, parce que nous n’avons pas encore les chiffres. Mais l’an dernier, nous étions juste en dessous de 30 000, donc ce serait bien qu’on soit à 35 000 [depuis l’interview, les chiffres de la fréquentation ont été dévoilés et s’établissent à 35 963 personnes, soit +20,4%, NDLR] . C’est un enjeu en volumétrie de visiteurs, mais il faut aussi qu’on fasse venir les bons visiteurs, ceux qui viennent avec un véritable projet d’achat.

J’en profite aussi pour dire que le Salon n’est pas seulement salon grand public. Nous avons aussi voulu repositionner cet événement comme le rendez-vous pour les photographes professionnels, avec une visibilité beaucoup plus claire, des mezzanines entièrement dédiées aux professionnels, avec le programme du Forum des pros. Nous avons aussi travaillé avec les fédérations, sur la communication qu’ils pouvaient amener auprès de leurs adhérents. Je ne sais pas encore si c’est un challenge qu’on a réussi à relever, mais j’ai l’impression quand même qu’on est bien parti.

On a l’impression que les gens qui viennent sont plus engagés et plus intéressés par la photo. Qu’en pensez-vous ?

Alors oui, on n’est pas encore le week-end. C’est sûr que le samedi ou le dimanche, il y a plus de badauds. Et pour autant, le photographe débutant peut aussi trouver sa place et des réponses à ses questions.

Mais je pense effectivement qu’on est sur un photographe avec des besoins et des projets concrets. Cette année encore, nous faisons des masterclass avec un certain nombre de photographes. Et vu le succès l’année dernière, nous avons doublé le nombre de masterclass, avec des thèmes sur le portrait, le noir et blanc, la street photo, le nu, l’architecture.

Atelier photographie culinaire – le Pain

Nous avons globalement rempli tous nos créneaux masterclass en 48 heures quand on les a mis en vente. Nous avons donc des gens qui veulent aller plus loin dans la démarche photographique.

Nous avons également repris les Photo Spots, avec cette année un Photo Spot en mouvement et architecture à l’extérieur du bâtiment. Ces Photo Spots sont aussi des lieux où l’on va pouvoir pratiquer et tester de manière concrète.

Vous avez doublé le nombre de masterclass. Est-ce à dire que les visiteurs sont aussi à la recherche d’expérience sur le salon ?

Oui, c’est exactement ça. Quand on vient sur un salon, un événement, il faut qu’il y ait une valeur ajoutée à ce qu’on peut trouver sur le web. On doit revenir enrichi de quelque chose quand on revient d’un événement. C’est vraiment la base.

Le Salon, c’est la rencontre physique : on rencontre des experts, on va pouvoir toucher le matériel, on va avoir des conseils, c’est essentiel.

Mais de plus en plus, on cherche à faire vivre une expérience. Cela se traduit effectivement au travers des masterclass, au travers des Photo Spots, au travers de nos expos, mais il y a encore beaucoup de choses à réfléchir. Cette année nous avons aussi la scène live, qui permet de rencontrer des créateurs de contenu qui vont parler de leur expérience, fournir leurs astuces.

En repartant du Salon, on a peut-être acheté son matériel, mais on ressort vraiment plus solide dans ses acquis ou avec plus d’inspiration pour faire encore plus de choses.

On a parlé de plein de nouveautés, est-ce qu’il y a encore un ou deux grands absents que vous aimeriez voir les prochaines années ?

Oui, il y a des nomenclatures qu’il faut encore que l’on creuse : le développement de la vidéo, bien sûr, mais pas que. Les accessoires encore, tout ce qui est autour de l’impression. Je pense qu’il y a beaucoup de choses à travailler autour des tirages, de l’encadrement, de l’impression, qui ne sont pas encore assez présents.

Labo mobile – dans un camion – de Nation Photo pour tirer ses photos, étonnant mais vrai

Si on parle vraiment matériel, tout ce qui est autour des drones aussi. Ils sont assez absents aujourd’hui, et pour autant ils sont tellement partie prenante de cet écosystème. Il faudra par contre construire des volières.

On ne représente pas encore tout à fait l’exhaustivité du marché. Mais on sait où il faut qu’on aille.

Objectif vidéo anamorphique

Quelle est la part de la culture au salon ?

La culture est importante sur le salon. Pour parler très concrètement, on doit avoir 25% de la surface ici qui est dédiée à l’offre culturelle. Et ce n’est pas seulement nos expos.

On a augmenté la surface d’exposition cette année. On voit que ça marche très bien. On a eu une très chouette grande expo cette année de Jean-Christophe Béchet sur la street photography. Et c’est vrai qu’elle marche très bien. Il a invité en plus deux photographes supplémentaires pour être avec lui, soit au total 180 photos.

Je prends aussi l’ensemble de nos partenaires médias, qui font aussi des expositions dans le cadre de leurs stands, des exposants aussi.

Mais la culture est partout. Elle infuse partout. Elle est aussi au travers de nos Grandes Rencontres, de ces grandes conférences de professionnels de renom qui viennent témoigner.

Cette offre culturelle restera toujours très importante. Si un jour il faut s’agrandir autour de la Grande Halle, on le fera pour maintenir l’offre.

Vous pensez à un parcours d’exposition en plein air ?

On peut complètement penser à des expos en plein air. En plus, l’avantage c’est qu’à La Villette, on est quand même protégés. Donc on peut réfléchir. Et on pourrait même sortir des stands à l’extérieur s’il fallait, sur une thématique particulière.

On pourrait tout à fait faire des expos qui seraient vues dès l’extérieur. Ce sont des choses auxquelles on réfléchit.

Comment faites-vous pour attirer un public plus jeune ?

Le rajeunissement du public fait partie de nos objectifs. On ne va pas gagner 30 ans de moyenne d’âge, bien entendu, mais l’idée de gagner quelques années, ce serait déjà bien.

Pour le rajeunir, il y a à la fois le contenu, dont on parlait, la vidéo notamment. Mais aussi la manière dont on va parler du Salon de la Photo. Et tout simplement les médias que l’on va utiliser. Aujourd’hui, sur un plan de communication comme le Salon de la Photo, c’est très clairement beaucoup de travail avec nos partenaires créateurs de contenu.

Mais aussi beaucoup de campagnes numériques. On va chercher des publics qui sont intéressés par la photo. Et on va les chercher sur les réseaux sociaux.

On va les chercher soit par l’offre matérielle, soit par l’offre culturelle. Mais on n’adresse plus aujourd’hui à ces publics de la même manière qu’on le faisait il y a quelques années sur les salons.

Et je crois que le jeune public est particulièrement sensible à l’expérience. On voit le succès aujourd’hui des festivals. C’est parce qu’il y a à la fois de la musique, de la food.

Au Salon, il y a l’offre matérielle, il y a la culture, il y a un grand grand espace food à l’extérieur. Peut-être l’année prochaine un peu plus de musique. On fait des battles de breakdance dehors pour la photo en mouvement.

Donc je pense qu’il faut essayer de répondre à ces jeunes qui cherchent une expérience plus réelle.

En plus du Salon de la Photo, que vous venez de rejoindre, vous dirigez des événements dans le tourisme. Existe-t-il des ponts entre ces deux mondes ?

J’ai dirigé beaucoup de salons de thématiques différentes.Et là, pour une fois, je trouve que les deux salons que je dirige, autour du voyage et de la photo, ont de vrais passerelles.

Quand on regarde le programme de la scène live, dans 50% des cas, la thématique traitée par les créateurs de contenu est la photo de voyage. Ou alors la photo en condition extrême. En tout cas, on va explorer des territoires.

Et pour moi, l’objectif des salons de tourisme, c’est amener le public à aller explorer des territoires. Donc il y a vraiment ce lien.

Par exemple, sur le Salon du Tourisme, il y aura cette année un espace pour apprendre à faire ces photos de voyage. Donc il y a des vrais passerelles. Et ça fait plaisir d’avoir ces synergies.

Vous venez de prendre la direction du Salon de la Photo. L’année dernière, l’ancien directeur du Salon parlait de studio photo éphémère. Quelles sont les grandes orientations pour cette édition, mais aussi les prochaines?

Nous sommes toujours sur cette logique du studio photo éphémère. C’est le plus grand studio photo éphémère en France, avec les fameux Photo Spots et les lieux de pratique.

Dans les grandes orientations, il y a la vidéo dont j’ai déjà parlé. Et puis, idéalement, aller vraiment sur ce grand rendez-vous de l’image. Au travers des expos, au travers du matériel.

On ambitionne aussi de continuer de récupérer des secteurs d’activité qui ne sont pas représentés aujourd’hui pour vraiment répondre à la satisfaction des visiteurs.

Ça, on le verra dans les enquêtes.

Mais en tout cas, l’ambition est de continuer de développer le Salon de la Photo et on peut encore.

Marianne Chandernagor, directrice du Salon de la Photo

Merci à Marianne Chandernagor d’avoir répondu nos questions. Nous tenons également à remercier l’équipe de Com’exposium pour cette interview.

Pour en savoir plus, retrouvez tous nos articles sur le Salon de la Photo édition 2023