5 livres photo à ne pas manquer – septembre 2023

Chaque mois, Phototrend vous propose de découvrir les livres photo qui nous ont marqués. En ce mois de septembre 2023, voici 5 nouveaux ouvrages que nous avons sélectionnés pour vous.

Ce mois-ci, notre sélection vous fait (re)découvrir l’oeuvre incontournable de Bernard Plossu, Le voyage mexicain, réédité et accompagné de Jungle. L’ouvrage Eveningside témoigne une nouvelle fois de la maestria de Gregory Crewdson. De même, Kind of Color met en lumière le travail singulier et la science de la composition de Guy Le Querrec. Entre cinéma et photographie, la collection Photo Poche s’enrichit d’un nouvel ouvrage consacré à Ruth Orkin. Enfin, Rades de Guillaume Blot nous emmène à la rencontre d’une France vivante, celle des petits bars et bistrots.

Bonne lecture.

Le voyage mexicain – Jungle

Bernard Plossu a lui-même défini son échappée mexicaine de 1965 comme un voyage initiatique. Parti y rejoindre ses grands-parents immigrés au Mexique, le photographe alors âgé de 20 ans se joindra à une expédition ethnographique. Il prendra ensuite la route pour capturer la beauté des paysages du Chiapas mais aussi l’architecture et les visages de celles et ceux qu’il croise sur son chemin.

Publié en 1979, Le Voyage Mexicain est loin d’être un album de voyage, c’est un portrait d’un Mexique aux influences multiples, aussi bien indiennes qu’espagnoles, et un avant-goût de ce qu’offrira Bernard Plossu à la photographie. Son approche libre, détachée de toute référence aux photographes l’ayant précédé, son traitement unique de la couleur et l’attention qu’il porte à ses tirages imprègnent déjà les 72 pages de ce livre devenu mythique.

Enfin réédité aux Éditions Contrejour, Le Voyage Mexicain (avant-propos de Denis Roche) est accompagné de Jungle, corpus inédit de photographies couleurs prise par Bernard Plossu lors de son expédition au Chiapas (dont l’avant-propos est signé de Claude Nori). Les deux ouvrages vendus unis sous jaquette sont limités à 1000 exemplaires.

Le voyage mexicain – Jungle de Bernard Plossu
Editeur : Contrejour
32 €, 164 pages, format relié, 15 x 21 cm
Acheter le livre : Éditions Contrejour / Fnac

Gregory Crewdson : Eveningside

Eveningside, nouveau livre de Gregory Crewdson, prouve une fois de plus la maestria du photographe pour diriger ses modèles et créer une mise en scène hautement cinégénique, notamment grâce au soin porté à l’utilisation de la lumière.

Ce nouveau volume met à l’honneur la dernière série d’images capturées entre 2021 et 2022 par le photographe américain. Eveningside incarne le 3e et dernier volet d’une trilogie amorcée il y a dix années avec Cathedral of the Pines (2012 – 2014) et An Eclipse of Moths (2018 – 2019), trilogie tout juste exposée à Arles dans son intégralité.

Au travers des vitres et reflets de miroir sont volés à la solitude des moments de contemplation comme des arrêts sur image de cinéma. La palette monochrome et les effets spéciaux maitrisés par le photographe et son équipe (eau, brouillard, fumée) prêtent à cette série des allures de films noirs, sans rien perdre de la définition et clarté de ces images numériques.

Après Alone Street (publié chez Textuel en 2022), cet ouvrage devrait ravir les nombreux admirateurs du travail de Gregory Crewdson.

Gregory Crewdson : Eveningside, éditing par Jean-Charles Vergne
Editeur : Skira Paris
60 €, 224 pages, format relié, 25 x 33 cm
Acheter le livre : Les Libraires / Fnac

Kind of Color

De Budapest à Cannes, de Sherbrooke à Beijing – en passant par Toulon – Guy Le Querrec, photographe chez Magnum depuis 1977, a constitué entre 1972 et 1990 une œuvre de grande ampleur présentée dans une belle publication intitulée Kind of Color.

La cinquantaine d’images sélectionnées par Guy Bourreau et Dominique Gaessler révèle autant de déclinaisons sur des moments simples ou ordinaires du quotidien capturés au gré de ses voyages à travers le monde.

Pour autant, Guy Le Querrec opère un pas de côté par rapport à ses confrères, et ne s’inscrit pas dans la tradition des grands reportages à sujet. Ici, c’est bien d’improvisation dont il est question, avec tout ce que cela comporte comme diversité dans les milieux photographiés, et des liens que nous devons faire entre chaque image, toutes indépendantes les unes des autres et pourtant inévitablement liées.

La forme des photographies de Guy Le Querrec, elle, n’est pas improvisée. Un angle toujours juste, une composition impeccable, un travail sur les couleurs qui ferait jalouser les maîtres américains du genre : tout y est. Les images étonnent par leur modernité, et au fil de l’ouvrage les dates semblent s’effacer pour laisser la place seulement aux repères temporels, aux indices glanés ici ou là sur chaque photographie. Une attention particulière à porter sur le travail d’un photographe majeur, encore trop confidentiel.

Kind of Color de Guy Le Querrec
Editeur : Trans Photographic Press
38 €, 96 pages dont 56 photographies, format relié, 20 x 27 cm
Acheter le livre : Trans Photographic Press / Fnac

Ruth Orkin

Après Dolorès Marat, Claude Cahun et Saul Leiter, la collection Photo Poche de chez Actes Sud s’agrandit avec un nouvel opus consacré à Ruth Orkin. Née en 1920, Ruth Orkin est d’abord passée par le cinéma avant de se consacrer à la photographie avec, toujours en tête, l’idée de « faire mouvement » sur l’image.

« Ruth Orkin a dû renoncer à son rêve de devenir cinéaste ou, tout du moins, elle a dû le reconduire, le transformer et c’est probablement ce contretemps qui a fait toute la singularité de son langage en tant que photographe. » L’introduction que nous offre Anne Morin est parlante : en ce qui concerne le travail de Ruth Orkin, il est effectivement question de langage, d’un langage visuel à part, et ce tout au long de son œuvre.

Un langage qu’elle a sublimé à partir de celui du cinéma, créant ainsi une série d’images-mouvements qui se distinguent par une approche singulière. Elle affirme ainsi la manière dont la photographie peut, elle aussi, raconter des histoires, écrire des récits. D’emblée, les images de Ruth Orkin installent une ambiance et donnent à voir des instants comme des séquences, à la frontière entre fiction et journal intime.

Chaque photographie donne du temps au temps pour appeler à une réflexion. Cette image est-elle le fruit d’un repérage pour un film jamais tourné ? Une étape d’une série en cours d’écriture ? Une mise en scène à même de raconter quelque chose ? Ce Photo Poche se clôt par un autoportrait (sans lieu et sans date) qu’il nous appartient désormais de resituer au milieu de cette œuvre foisonnante : une constellation de films photographiés.

Ruth Orkin, introduction d’Anne Morin
Editeur : Actes Sud, collection Photo Poche
13,90 €, 144 pages dont 74 reproductions noir et blanc et couleur, format broché, 12,5 x 19 cm
Acheter le livre : Les Libraires / Fnac

Rades

Dans le dictionnaire, une rade fait référence à un grand bassin où les navires reviennent toujours après un long voyage en mer. Pourtant, ce terme fait ici allusion au nom d’argot, utilisé pour désigner un bar servant de « port d’attache » à ses habitués. C’est cette polysémie qu’explore Guillaume Blot dans cet ouvrage singulier.

Bar, bistrots, troquet : le photographe les a capturés au cours de 220 immersions menées en 4 ans. Les rades, ce sont ainsi des « espaces en voie disparition », indique-t-il, leur nombre ayant drastiquement chuté entre 1960 et aujourd’hui.

De cette série au long cours, il tire autant de clichés haut en couleur, où se succèdent parasols délavés, tables en formica et tickets de jeux à gratter. Et leurs personnalités incontournables : Gérard, en couverture de l’ouvrage, Marc, Laury ou Cécile, patrons et habitués, qui continuent de faire vivre ces lieux hauts en couleur. 

Le style photographe de l’auteur, aux tons passés et au flash déclenché, concourt à nous offrir un portrait vivant de ces lieux de vie au charme suranné, où le temps semble s’étirer inlassablement.

Rades de Guillaume Blot
Editeur : Gallimard
28 €, 168 pages, format broché, 17 x 26 cm
Acheter le livre : Les Libraires / Fnac