Des migrants africains se pressent sur les rives nocturnes de la ville de Djibouti, essayant de capter des signaux cellulaires peu coûteux provenant de la Somalie voisine, un lien ténu avec leurs proches à l’étranger. 26 février 2013. © John Stanmayer / VII

See Through the Noise, première exposition collective de la Fondation VII à Arles

Une entrée percutante et politique

L’édition 2023 des Rencontres de la photographie d’Arles marque la première exposition collective de la Fondation VII, intitulée See Through the Noise du 6 juillet 2023 au 31 janvier 2024. Créée en 2001 par Ron Haviv et Gary Knight, cette organisation indépendante a pour objectif de soutenir et promouvoir la photographie documentaire, au plus proche des problématiques sociales et des questions relatives aux droits humains. Dans un contexte défavorable aux projets au long cours, ils s’inscrivent dans une démarche véritablement politique où, par les tourments de nos sociétés modernes, une telle pratique semble de plus en plus essentielle.

Des combattants tchétchènes tentent désespérément de s’accrocher au palais présidentiel de Grozny, Tchétchénie – janvier 1995. © Christopher Morris / VII

Première grande rétrospective pour les photographes de la Fondation VII, cette exposition est l’occasion de présenter certains des évènements les plus marquants de l’Histoire dont ils ont été témoins. Le postulat de VII est clair : l’image doit être percutante et avoir une certaine puissance politique. Effectivement, il est courant qu’un de leurs reportages entraine une enquête sur des crimes de guerre, voire serve de preuve lors de procès internationaux.

Après avoir lavé des vêtements dans une flaque d’eau en bordure de route, une femme rentre chez elle à travers un champ desséché dans le Somaliland touché par la sécheresse. Un climat changeant et plus extrême a bouleversé des millions de vies dans la Corne de l’Afrique. Comme le bétail, les chèvres et les chameaux sont morts, les pasteurs semi-nomades comme elle n’ont eu d’autre choix que de se déplacer, souvent vers des camps de déplacement ou des villes. Somaliland, le 6 avril 2016. © Nichole Sobecki / VII

C’est ainsi que le photojournalisme atteint toute sa force, est revêtu d’une efficacité politique concrète. Presque un outil alors ? Réduit à son simple aspect d’utilité ? Il est tout autant question de forme avec les images de la Fondation VII : leurs photographes sont sans conteste des artistes hors pair au regard aiguisé. L’esthétique est au service de la cause de manière effective, avec précision et justesse.

Funérailles maternelles : Un jeune Haïtien pleure aux funérailles de sa mère au Cimetière national d’Haïti alors que sa famille et ses amis tentent de le retenir. Sa mère a été tuée le jour des élections nationales, lorsque des hommes armés de fusils et de machettes ont attaqué un centre de vote, élection du premier président après la chute du dictateur de 30 ans, François Duvalier. Des centaines d’électeurs à travers le pays ont été attaqués et tués, et les bureaux de vote à travers le pays ont été brûlés. Les rues de toutes les villes se sont vidées lorsque des hommes en voiture ont tiré sur des gens dans la rue avec des mitrailleuses. Les élections ont été annulées. Port-au-Prince, Haïti, novembre 1987. © Maggie Steber / VII

Le photojournalisme peut-il changer les choses ? Par son ancrage dans une longue tradition de la photographie humaniste, l’exposition See Trough the Noise s’avère proposer une réponse tout à fait pertinente. Changer les choses, peut-être pas comme on voudrait, mais documenter, oui. Montrer, exposer, faire preuve… faire archive.

Des réfugiés syriens se reposent sur la côte de l’île grecque de Lesbos le 24 septembre 2015. Des milliers de réfugiés traversent la mer Égée depuis la Turquie en bateau pneumatique chaque jour fuyant le conflit en Syrie, en Irak et en Afghanistan. © Maciek Nabrdalik / VII

Témoigner, lorsque c’est possible. Voilà sûrement l’autre question posée en fin de parcours : pour combien d’évènements et de moments immortalisés, combien passent à la trappe ? Combien de droits sociaux et humains sont bafoués dans l’invisibilité la plus totale ? « Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c’est que vous n’êtes pas assez près », disait Robert Capa. Face à l’invisibilité alors, plus près, et avec autant de lumière qu’il faudra pour éclairer les scènes et les consciences.

Des migrants africains se pressent sur les rives nocturnes de la ville de Djibouti, essayant de capter des signaux cellulaires peu coûteux provenant de la Somalie voisine, un lien ténu avec leurs proches à l’étranger. 26 février 2013. © John Stanmayer / VII

L’exposition présente les photographies d’Ali Arkady, Anush Babajanyan, Jocelyn Bain Hogg, Philip Blenkinsop, Alexandra Boulat, Eric Bouvet, Stefano De Luigi, Linda Bournane Engelberth, Danny Wilcox Frazier, Ziyah Gafic, Ashley Gilbertson, Ron Haviv, Ed Kashi, Gary Knight, Joachim Ladefoged, Paul Lowe, Christopher Morris, Seamus Murphy, Maciek Nabrdalik, Ilvy Njiokiktjien, Franco Pagetti, Espen Rasmussen, Daniel Schwartz, John Stanmeyer, Maggie Steber, Nichole Sobecki, Sara Terry et Tomas Van Houtryve.

Informations pratiques :
Exposition collective See Through the Noise

Fondation VII
du 6 juillet 2023 au 31 janvier 2024
Campus Alexandra Boulat
49 Quai de la Roquette, 13200 Arles
Entrée libre

Horaires d’ouverture :
du 6 au 15 juillet 2023 : toujours les jours de 11h à 18h
du 18 au 28 juillet 2023 : du mardi au samedi de 11h à 17h
du 16 août au 6 novembre 2023 : du mercredi au samedi de 11h à 17h
du 6 novembre 2023 au 31 janvier 2024 : les mercredis de 11h à 17h