Mini-polémique autour de la dernière édition du Nikon Film Festival. L’attribution de 2 prix au film /Imagine, réalisé par Anna Apter, a provoqué quelques réactions indignées sur les réseaux sociaux, ce dernier ayant été réalisé à partir de photos générées par Midjourney. Et ce, alors même que ce court-métrage vise justement à interpeller quant aux dérives des technologies numériques de notre monde contemporain.
Lauréat du Prix de la mise en scène ainsi que du Prix de la Critique, le court-métrage /Imagine s’inscrit dans le prolongement des récents travaux d’Anna Apter. Elle s’était récemment faite remarquer pour ses mini-séries « Ça sera (peut-être) mieux après » et « Cher journal », diffusées sur Canal+, dans lesquels elle imagine le futur et interroge notre société.
Point notable : à l’instar de l’une des photos primées il y a 2 semaines lors des Sony World Photography Awards, ce court-métrage a été réalisé à l’aide de l’intelligence artificielle. Pour cela, Anna Apter a d’abord écrit un texte, qu’elle lit en voix off.
Elle a ensuite imaginé des enfants et un ensemble de plans très précis, qu’elle a détaillés à Midjourney afin de générer des images. La réalisatrice a ensuite animé ces mêmes images pour en faire une vidéo. Une démarche qui n’a pas touché tous les spectateurs de la même manière – et qui a provoqué de grandes discussions sur les réseaux sociaux.
Pourtant, l’objectif d’Anna Apter est justement de questionner ces IA, leurs risques et leurs limites à travers son court-métrage. Elle y aborde les réseaux sociaux, leurs dérives, la superficialité environnante et le danger que représente l’arrivée de l’intelligence artificielle dans un monde où il est déjà difficile de se construire.
Certains reprochent cependant à la réalisatrice d’avoir « utilisé l’arme du crime » pour en dénoncer ses dérives, ce qui serait contre-productif ou « opportuniste ». D’autres trouvent au contraire la démarche intéressante.
Une autre question fait également débat : celle de la légitimité de cette vidéo pour ce Prix. Certains utilisateurs des réseaux sociaux peinent à voir le travail de la réalisatrice pour ce court-métrage. Selon eux, Nikon Film Festival n’aurait pas dû récompenser l’intelligence artificielle car celle-ci « tuerait le cinéma ».
D’autres enfin considèrent l’IA comme un nouvel outil essentiel à la science-fiction, et non comme un danger pour le monde du cinéma. « Si l’intelligence artificielle est capable de m’imiter, c’est que je suis le problème – pas l’ordinateur » a d’ailleurs déclaré au Figaro Alexandre Astier, président du jury.
Depuis, la réalisatrice a clarifié sa démarche sur son compte Instagram. « L’IA n’a pas généré d’image à partir du texte en voix off, mais à partir des descriptions très précises des plans que je souhaitais. Elle m’a généré des images fixes que j’ai ensuite animées à l’aide de différents outils. » répond-elle à un commentaire. Lorsqu’elle est remontée sur scène lors du festival afin de recevoir son deuxième prix, Anna Apter a également rajouté « Je n’ai pas juste appuyé sur un bouton ».
Une nouvelle fois, ce court-métrage (et les débats qui l’accompagnent) mettent en exergue les nombreux questionnements que suscitent l’irruption de l’intelligence artificielle. Porteur d’une vision singulière, /Imagine pose, avec une grande justesse, un certain nombre de questions sur les écosystèmes numériques qui font (ou feront) partie de notre quotidien. Une réflexion bienvenue, alors que les plateformes d’IA ne cessent de brouiller notre rapport au réel.