©Dominique Rolland

La Gacilly 2023 : entretien avec Auguste Coudray, président du festival

Dans le Morbihan, la ville de La Gacilly accueille depuis 2003 un festival photo de grande ampleur et à ciel ouvert. Orienté autour de la photographie contemporaine et des enjeux environnementaux, il s’articule autour d’une trentaine de galeries accessibles à tous, des expositions exigeantes dans une cité au patrimoine remarquable… à découvrir du 1er juin au 1er octobre 2023. Le Festival Photo La Gacilly fêtera son vingtième anniversaire cette année : l’occasion pour nous de revenir sur la création du festival, son déroulement et ses perspectives avec son président, Auguste Coudray.

© Michel Bouvet

Le festival La Gacilly a été créé en 2004. Pouvez-vous nous parler de ce qui a mené à sa création ?

L’idée du festival est née tout simplement d’une expérience de deux ans, en 2002 et en 2003, d’une expo de photos de nature dans un jardin qui était lié au musée Yves Rocher de l’époque. Quand on a vu l’engouement des gens à aimer et à s’émerveiller devant des photos grand format de nature, dans la nature, Jacques Rocher [fils de l’industriel Yves Rocher et maire de La Gacilly, ndlr] a eu cette idée merveilleuse de reprendre le concept et de l’offrir à une association qui a été créée à cette époque pour pouvoir agrandir, grandir, enrichir cette idée d’exposition de photos dans la nature pour en faire un festival. C’est tout simplement que cette idée, née d’une initiative ordinaire, en est devenue un événement extraordinaire.

© Jean-Michel Niron / Galerie Chemin des libellules La Gacilly 2020

Le Festival Photo La Gacilly se distingue en exposant en extérieur, et dans une ville au patrimoine fort. Pourquoi cette gratuité et cette accessibilité à tous sont importantes pour vous ?

Effectivement, nous avons souhaité que ce Festival Photo La Gacilly soit accessible au plus grand nombre. C’était une de nos volontés, dès le début : offrir la possibilité à beaucoup de personnes, toutes générations confondues, de découvrir la photographie, une photographie généralement réservée à des lieux fermés.

© Sophie Meyer

Donc pour nous, exposer en extérieur – et de surcroît dans un petit village tel que La Gacilly qui se prête volontiers à ce genre de mise en scène – a été l’occasion de se dire « allons-y, jouons cette carte d’accessibilité au plus grand nombre ». Par le biais de la photographie et de tous les reportages qui ont été exposés depuis 20 ans, on pense pouvoir permettre à chacun de comprendre l’importance de préserver la nature et la biodiversité.

Exposer en plein air et gratuitement suscite d’autres enjeux : pouvez-vous nous dire quels sont vos partenaires pour financer le festival ?

Exposer en extérieur nécessite bien entendu quelques moyens : moyens de mise en scène, moyens aussi de programmer, de payer les photographes exposés… Pour cela nous avons fait appel à de nombreux partenaires, que ce soit des partenaires publics tels que la commune, le département, la communauté de communes de l’Oust à Brocéliande, la région de Bretagne, la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), mais également des partenaires privés, que ce soit des entreprises, des artisans, des commerçants ou tout simplement le grand public où chacune et chacun contribue, à hauteur de leurs moyens, à l’élaboration et la mise en place de chacune des éditions.

© Jean-Michel Niron / Festival La Gacilly 2020

Nous visons à travers cette mise en scène l’accessibilité au plus grand nombre, d’où la gratuité de l’événement. Le fait aussi d’exposer dans un village complexifie, si nous l’avions souhaité, des entrées payantes. L’objet premier de notre positionnement en extérieur était de contribuer fortement à cette accessibilité à la culture au plus grand nombre.

Parmi les partenaires que nous avons, bien entendu, nous touchons le monde de la photographie à travers les laboratoires avec lesquels nous travaillons, qui nous permettent d’exposer avec des prestations de qualité et des coûts préférentiels.

Le Festival lançait un appel il y a quelques semaines concernant des difficultés financières, qu’en est-il aujourd’hui ?

Cet appel a suscité un grand élan des acteurs locaux et de mécènes de tous les secteurs d’activités ; une réponse qui permet au Festival de pouvoir perdurer. Il y a eu une véritable prise de conscience de l’importance du festival pour tout le territoire.

Par son choix de photographies exposées, le festival s’inscrit dans un certain engagement sur des enjeux sociétaux, notamment sur la question environnementale. Quelle est votre vision sur la photographie et sa portée politique ?

La photographie a la particularité d’être un médium où sa réception et son appréciation sont totalement individuels. On peut être plusieurs à regarder la même photo, on n’en lira pas la même image. La photographie touche chacune et chacun à sa sensibilité, à son histoire. Elle émeut, interpelle, émerveille et reste souvent un petit peu comme ces musiques que l’on entend le matin et qui ne vous quittent pas de la journée au plus profond de vous-même.

© Mélanie Wenger, exposée l’année dernière

Cette photographie, et surtout celle que nous exposons, est une photographie qui parle d’environnement, qui parle de l’état de la planète, qui parle aussi du rapport que l’on peut tous avoir avec son propre environnement. Pour nous, l’utilisation de la photographie comme médium s’est imposée par sa pertinence et sa capacité à mobiliser.

Nous pensons que c’est un moyen idéal pour sensibiliser, pour pouvoir permettre à chacun et chacune de prendre sa part de responsabilité par rapport à l’environnement dans lequel il vit. Exposer des photographes a un fort impact politique au sens noble du terme. C’est celui qui s’adresse à la cité, qui s’adresse à chacune et à chacun, et qui prend les espaces publics, les rues, les jardins, qui redonne aux espaces publics son titre de noblesse, celui de mobiliser, celui d’informer, celui de faire rêver et de croire peut-être à des jours meilleurs.

Pour cette vingtième édition, vous invitez les festivaliers à partager leurs souvenirs photos des éditions précédentes pour en faire une exposition. C’est important pour vous de mettre les visiteurs à l’honneur ?

Le festival Photo La Gacilly attire tous les ans plus de 300 000 visiteurs et bon nombre d’entre eux sont des personnes fidèles qui reviennent quasiment tous les ans. Depuis 20 ans il se dit des choses, il se vit des choses, il se ressent beaucoup de choses, alors pour ce vingtième anniversaire nous avons souhaité donner la parole à celles et ceux qui le souhaitent pour pouvoir se rappeler et nous partager quelques souvenirs qu’ils auraient vécus en venant au festival.

Ce festival photo est une histoire de famille, une histoire de vie, et pour nous il était important de savoir aussi ce que les gens vivent lorsqu’ils viennent nous voir. Quand on se fait fourmi dans la grande fourmilière, c’est un grand plaisir que d’entendre, que de voir ce qui s’échange en un regard ou ce qui se dit ou se chuchote. C’est tous ces moments de vie que nous proposons aux gens de partager.

Depuis 2018, le festival s’exporte à l’international en créant un partenariat avec la ville de Baden, en Autriche. Pouvez-vous nous parler davantage de cette collaboration ?  

Effectivement, cette année nous exposerons également à Baden en Autriche pour la sixième fois. Ce partenariat est né tout simplement d’une histoire entre un photographe exposé, Pascal Maître, et son éditeur qui vit à Baden. Pascal lui a parlé du festival et il a tout de suite été séduit, alors il est venu nous voir à La Gacilly. Ce même éditeur est revenu avec le maire de Baden quinze jours après et ils en sont repartis tous les deux émerveillés par ce qu’il pouvait se découvrir et se vivre à la Gacilly.

Ils nous ont tout simplement contactés, et chemin faisant nous avons discuté des modalités ; et surtout, nous avons vérifié que leur vision était aussi celle que nous partageons, c’est-à-dire de rendre l’espace public comme un espace de conviction, comme un espace engagé, comme un espace d’interpellation, d’invitation au rêve, d’invitation à agir. Très rapidement nous sommes mis d’accord sur des modalités de fonctionnement, et depuis six ans nous exposons à Baden ce que nous exposons l’année précédente à La Gacilly.

Kiadi Kibeni, la femme plastique © Stephan Gladieu

Depuis ces six ans, plus de 250 000 personnes viennent visiter Baden. Leur festival dure quatre mois en tout, aux mêmes dates que les nôtres. C’est une aventure qui est en train de se vivre là-bas, une aventure extraordinaire et nous sommes ravis de ce choix. Pour nous c’est surtout l’opportunité d’avoir une caisse de résonance au niveau européen et de partager avec le plus grand nombre notre volonté d’émouvoir, de sensibiliser et de partager notre espoir d’un monde responsable.

Les gardiens de la biodiversité © Ulla Lohmann pour la Fondation Yves Rocher

Quels sont les projets pour les années à venir et les prochaines éditions ?

Le souhait que nous pouvons avoir pour ce Festival Photo La Gacilly c’est qu’il continue encore très longtemps : qu’il continue à accueillir avec plaisir de nombreuses familles, de nombreuses personnes qui viennent seules ou entre amis pour passer un bon moment.

Informations pratiques : 
Festival Photo La Gacilly

Du 1er juin au 1er octobre 2023
Exposition en plein air – 56200 La Gacilly, Morbihan
Entrée libre et gratuite