Festival Photaumnales 2022 : dialogues croisées entre photographie et cartographie

Les Photaumnales fêtent leur 19e anniversaire cette année avec une édition entièrement en plein air, du 17 septembre au 31 décembre 2022. Les expositions sont disséminées dans le centre de la ville de Beauvais, son agglomération, et les villes et villages de la région ; une invitation à découvrir des tirages en extérieur en traversant divers lieux historiques et patrimoniaux des Hauts-de-France.

© Igor Efimov, On street

« Cartographies ». Le thème choisi cette année résonne particulièrement avec l’actualité et certaines problématiques contemporaines. La cartographie écrit les frontières, permet de visualiser concrètement les territoires et les délimitations, impose une conception du monde qui peut changer selon le point de vue… D’autant plus aujourd’hui, où l’actualité ukrainienne semble concentrer ces réflexions sur la notion de frontière et les logiques de domination – qui écrit les cartes ? qui redessine les limites des nations pour se les réapproprier ?

C’est dans ce contexte que les Photaumnales ont souhaité inviter cinq photographes ukrainiens à exposer leurs images, leurs reportages sur ce qu’était la vie ukrainienne avant le conflit. À travers les expositions, cette réflexion se poursuit avec différentes chroniques de ce que peut incarner une carte : une annexion pour l’Ukraine, une échappatoire à l’esclavage pour la Colombie avec le reportage de Laura Quiñonez, un biais pour découvrir des espaces marginalisés avec les photographies de Ronan Guillou, et plein d’autres choses à découvrir en arpentant le festival.

© Igor Efimov, On street

Photaumnales 2022 : « Stand with Ukraine »

Elena Subach, née en Ukraine, a élaboré une série sur l’importance des matriarches dans nos sociétés contemporaines. Alors que les personnes âgées sont souvent oubliées, reléguées au second rang, Elena Subach a souhaité les mettre en avant à travers des mises en scène éloquentes : dans un jardin aux faux airs de paradis, se dirigeant vers un buffet princier rempli de plats ukrainiens… Impossible de ne plus les voir désormais puisque ses modèles sont photographiés au flash, bien visibles, presque trop parfois quand la lumière devient éblouissante et efface les visages.

© Elena Subach, Grandmothers on the Edge of Heaven

Dans un autre registre, mais toujours dans cette optique d’éclairer le présent en témoignant de l’histoire passée, les photographes Anna Pylypyuk et Volodymyr Shypotilnykov se sont rendus sur les vestiges de la région fortifiée de Kiev, à l’été et à l’automne 2020. Avant qu’elle ne soit le théâtre de la défense de la ville contre les attaques de l’armée russe, cette région a abrité les bunkers et les bastions d’une autre guerre, celle contre la Wehrmacht en 1941. Ces dernières années, les banlieues résidentielles en expansion sont venues avoisiner ces anciennes fortifications, maintenant rongées par la nature qui reprend toujours le dessus, les lichens et la forêt grandissante.

Si Cartier-Bresson, dans un entretien, affirmait « Moi, je m’occupe presque uniquement de l’homme. Je vais au plus pressé. Les paysages ont l’éternité. », le duo de photographe répond à la négative. Un paysage peut, d’une année à l’autre, se métamorphoser complètement, devenir le terrain d’un conflit armé alors qu’il reposait depuis des dizaines d’années.

© Anna Pylypyuk et Volodymyr Shypotilnykov

Laura Quiñonez : Accidentes geo-gráficos

Diplômée de l’École de la photographie d’Arles, Laura Quiñonez est retournée dans son pays d’origine, la Colombie, pour récolter les témoignages d’héritières d’afro-colombiennes ayant vécu à l’époque de l’esclavage et qui, de génération en génération, ont perpétué la tradition des coiffures tressées.

Les vieilles femmes racontent qu’à l’époque de l’esclavage, les marrons (personnes qui ont résisté au système, notamment par la fuite) utilisaient leurs cheveux pour communiquer secrètement les chemins vers la liberté, en dessinant dans leurs tresses les repères topographiques nécessaires à leur fugue.

Laura Quiñonez
© Laura Quiñonez, Accidentes geo-gráficos, (2016-2022)

Laura Quiñonez a photographié ces personnes à l’œuvre, elle a fait le portrait de ce symbole de résistance qui mêle coutume, art et revendication politique. Sur la tête, ainsi cartographiée, se dessinent des tracés et des paysages singuliers ; ces femmes occupent aujourd’hui les territoires habités autrefois par leurs communautés, et contredisent de ce fait les représentations imposées par les colons et leurs frontières toutes faites, autoritaires.

© Laura Quiñonez, Accidentes geo-gráficos, (2016-2022)

Les expositions qui composent « Stand with Ukraine » sont à retrouver à l’Église Saint-Étienne, à Beauvais.

« Accidentes geo-gráficos » est à retrouver au Parc de la Gare, à Beauvais.

Toutes les informations sur le festival et ses expositions sont à retrouver sur le site Internet des Photaumnales.

Informations pratiques :
Photaumnales 2022
Du 17 septembre au 31 décembre 2022
À Beauvais (Hauts-de-France) et sa région
Entrée libre