Fabrice Domenet : voir le monde les yeux fermés

Dans le cadre du parcours Photo Saint-Germain, la galerie Insula présente jusqu’au 19 novembre À la Lisière, une exposition dédiée au photographe Fabrice Domenet. Une série de clichés monochromes à la frontière entre le rêve et le réel, à mi-chemin entre voyage intérieur et immersion dans le paysage.

À la lisière

Fabrice Domenet est un photographe autodidacte, repéré en 2015, dont la sensibilité s’exprime sur l’image, mais également sur scène, l’artiste étant également danseur. De la danse à la photographie, Fabrice Domenet cherche à saisir le mouvement, la présence des corps et de la matière dans l’instant, réconciliant ainsi espace et temps. 

La lisière c’est tout d’abord l’extrémité, la frontière. Ce qui sépare (ou met en relation, selon le regard que l’on pose sur cette bordure) le réel de l’imaginaire, l’intime de l’extérieur aussi. C’est également l’orée de la forêt : un territoire magique d’où surgissent les formes, la végétation et des animaux dans un ballet quasi-chamanique.

Sans titre 16, Voir les Yeux Fermés, Fabrice Domenet

Voir les Yeux Fermés

La série Voir les Yeux Fermés propose une interrogation du réel. Pour son auteur, « Voir les yeux fermés est un conte poétique proche d’une vision mentale de la réalité. »

Entre rêve et réalité, la série est inaugurée par un cliché monochrome immortalisant un homme seul, assoupi sur un banc les yeux clos. Présage à ce qui tient autant du songe que d’une rêverie éveillée, un corbeau apparait dans le coin de l’image. L’animal sera le sujet du tirage clôturant ce voyage imaginaire.

Cette épopée est donc autant une immersion dans le paysage qu’un voyage intérieur. Au travers de jeux d’ombres et de lumière, Fabrice Domenet rend visible ce qui demeure habituellement caché, exprime la fragilité des êtres et des instants.

Sans titre 12, Voir les Yeux Fermés, Fabrice Domenet

Sensible et empathique, l’écriture photographique de Fabrice Domenet happe l’observateur. Si les noirs sont profonds et affirmés, des fulgurances de lumière viennent mettre en exergue la poésie de chaque scène.

L’intensité des tirages est due au procédé choisi par le photographe. Après avoir apprivoisé les techniques argentiques, le photographe a fait le choix d’employer le numérique pour saisir ces images tirées grâce à une impression Piezography, un procédé basé sur l’emploi d’encres à base de charbon. Le noir et blanc lui permet d’aller à l’essentiel, de mettre pleinement en lumière le mouvement, les textures et des jaillissements éclatants.

Le sens du détail de Fabrice Domenet s’exprime dans ses compositions minutieuses, mais également dans le choix des papiers photo employés pour ses tirages d’art ; ici, un papier Hahnemüle mat.

La Peau du Monde

Sans titre 10, La Peau du Monde © Fabrice Domenet

Avec autant de poésie et peut-être encore plus de délicatesse, Fabrice Domenet plonge nos regards au plus près de « la chair du réel ». Le danseur-photographe propose avec la série La Peau du Monde une chorégraphie végétale pleine de grâce où s’animent les feuilles mortes et les plantes aquatiques. Leur « peau » devient alors le pont entre la surface et les profondeurs.

La texture du papier utilisé pour les tirages éprouve la sensibilité de la matière. L’impression jet d’encre pigmentaire en Piezography est ici unie à un papier photo Hahnmüle 290 g confectionné à partir d’agave tandis qu’un second volet de la série prend vie sur papier photo Awagami Kozo 220 g, un papier japonais fabriqué avec des fibres de mûrier dont la légèreté aérienne rend presque spectrale la présence des plantes délicatement posées sur l’onde. Ces photographies sont profondément organiques, par leurs sujets comme par leur composition matérielle.

Pour renforcer la douceur, l’aspect quasi-irréel de ses compositions, l’artiste-photographe a choisi une basse résolution à même de flouter les contours des formes. En élevant les ISO lors de la prise de vue et en renforçant le grain de l’image, le photographe cherche à donner une impression de dilution de l’image dans le papier.

Sans titre 16, La Peau du Monde © Fabrice Domenet

« Lorsque je prends une photo, la sensation d’être dans la chose et d’embrasser le monde se confondent. »

Fabrice Domenet

Dans sa pratique photographique personnelle comme dans l’expérience qu’il offre à son observateur, Fabrice Domenet semble toucher à l’absorption, la plénitude.

Mystiques, presque métaphysiques, et néanmoins rassurantes, ces images oniriques tirées de la pénombre sont à la fois un hommage à la beauté d’être au monde et une invitation à s’en échapper le temps d’un songe.

L’exposition À la Lisière est à découvrir dans le cadre du parcours Photo Saint-Germain à la galerie Insula, jusqu’au 19 novembre prochain.

Informations pratiques :
À la lisière, Fabrice Domenet
Galerie Insula
24 rue des Grands Augustin, 75006 Paris
Du mercredi au samedi, de 14h à 19h30
Entrée libre